Dans son juste combat contre la malbouffe Xavier Denamur, sur Face de Bouc, comme le disait Sophie Daumier à Guy Bedos, je le trouvais un chouïa collant, plutôt grande gueule et je me disais que ce limonadier vitupérant pataugeait lui aussi dans le même marigot que les réchauffeurs de poche. Bref, je zappais souvent.
Y’a quelque temps, un soir, je suis allé, pour une dédicace du bouquin d’Isabelle Saporta, dans l’un de ses bouclards (en argot magasin, à l’origine librairie). Xavier Denamur est proprio de 5 Bistros à Paris dans le quartier du Marais, et je dois avouer que le matamore, en chair et en os, était plutôt sympa et dégageait une réelle empathie. La tortore était bonne, l’offre vineuse assez tradi de chez tradi mais bon à tout pécheur miséricorde, la cote du Denamur remontât chez moi d’un bond.
Enfin, lors du pince-fesses du bel Antonin à la Bellevilloise, ce truc qui donne de l’urticaire aux vieux buveurs blanchis sous le harnois des critiques arthritiques, le sieur Denamur était présent pour booster les ventes de son brulot : « Et si on se mettait enfin à table » publié chez Calmann-Lévy 17,50€.
Vu l’immensité de ma surface médiatique, qui fait blêmir le Choron du pauvre et le passeur de plats de B&D, Xavier – je lui donne du prénom pour bien souligner que mon papier va lui servir la soupe – m’a fait un service de presse et une dédicace mûrement réfléchie.
J’ai lu son livre, dimanche après-midi, vautré sur le divan du Lapin Blanc en tortorant le brunch de Claire.
C’est bien écrit, vif, argumenté et vitriolé.
C’est intelligemment écrit.
C’est une confession sans concession.
Le Xavier ne ménage personne, lui en tête.
La 4e de couverture ne ment pas « En rupture avec tant de restaurateurs grincheux, qui râlent contre les impôts et les charges, dénigrent les fournisseurs et arnaquent les clients, Xavier Denamur brise la langue de zinc.
Il raconte son quotidien, en cuisine et en salle, les marges, les embauches et les prud’hommes, ne cachant rien des dessous-de-table et des méthodes peu ragoûtantes du milieu de la restauration. Il dit comment, en faisant le choix du « vrai fait maison » pour le plaisir de ses clients et en acceptant de bien payer et de déclarer ses équipes, il a pu donner une âme à sa petite entreprise. Tout le contraire du modèle dominant « low cost », imposé par les cupides de l’agroalimentaire surgelé qui ont piégé la restauration indépendante et saccagent la planète. »
JP Géné du Monde aime, pas trop fort tout de même : « Xavier Denamur possède les qualités indispensables à un auteur : il aime parler de lui et encore plus se faire remarquer. Il y a chez cet homme – incontestablement – matière à bel ouvrage, à commencer par celui qu’il a construit au cœur du Marais à Paris : Les Philosophes, La Chaise au plafond, La Belle Hortense, Le Petit Fer à cheval et L’Etoile manquante, une principauté bistrotière proposant des plats de bonne facture où l’on parle couramment anglais, enclavée dans le 4e arrondissement. »
Moi qui suis coquet et un peu chochotte je déclare, sans restriction ni dessous de table, que le livre Xavier Denamur est d’utilité publique. Ce mec est un citoyen-consommateur qui participe avec pertinence et efficacité à ce que j’appelle la stratégie du petit caillou dans la chaussure.
À mon humble avis de Commandeur le limonadier déchaîné mérite, s’il ne l’a déjà, le poireau, c’est-à-dire les insignes verts de chevalier du Mérite Agricole.
Dossier à suivre.
Qui m’aime me suive : donc lisez !
Quelques citations
« Tout ce que je sers dans mes restaurants est à mon image. Les œufs brouillés du brunch me ressemblent – ils sont bio, produits par Damien, un super mec ! Le mojito, after hours, me ressemble – menthe fraîche, citron jaune pressé, sucre, rhum Havana Club bianco, glace pilée suivant la recette apprise à Cuba ! Sans avoir goûté mon confit de canard, on ne peut me comprendre. Je suis une quiche, mais pas n’importe laquelle, avec une pâte brisée abaissée chaque matin et, dans l’appareil, des œufs bio, du lait frais entier et du lard paysan produit par Thierry Schweitzer, bref la quiche lorraine que quarante clients commandent quotidiennement, sept jours sur sept, trois cent soixante-cinq jours par an. Comme dirait l’autre : ceci est mon corps, ceci est mon sang. Je n’ai rien inventé ! C’est sans doute parce que je sers à chacun un petit peu de moi-même que je n’admets pas que l’on puisse tromper son monde, lorsqu’on m’invite à passer à table ! ».
« D’après moi, quitte à prendre encore plus des cailloux sur mon pauvre crâne, le sens du bien public ne se découpe pas en tranches de saucisson. La morale, c’est tout le monde et tout le temps, ou bien c’est la Grèce, la misère au soleil, comme le chante Aznavour, c’est magnifique, mais je préfère le système de protection sociale français, l’école républicaine avec tous ses défauts, les services publics, tout ça. D’après moi, le droit protège les faibles et tous les systèmes soi-disant « col » ne profitent qu’aux plus forts.
J’ai longtemps cherché l’origine des trous dans la raquette. J’ai fini par comprendre qu’il n’y avait pas de hasard : si le pays de Colbert et de Turgot conçoit ses bars, ses cafés, ses boîtes de nuit, ses restaurants étoilés ainsi que ses bouis-bouis comme des zones de non-droit, c’est que la France n’a jamais vraiment tourné la page des privilèges de l’Ancien Régime. À l’instar des notaires ou des huissiers, des ambulanciers, des taxis ou des coiffeurs, les professionnels de la restauration sont traités comme des professions règlementées. La justice pour tous, les faveurs pour mes amis… »
Pour clore ma guirlande de couplets de louanges je ne peux m’empêcher de semer un peu de mon grain sel dans la bouffe maison du père Xavier.
Cher Xavier,
Dans le passé je suis allé manger, avec une fiancée, Au Petit Fer à cheval l’une de tes crèmeries, je n’ai plus de souvenirs de la bouffe, n’en conclut pas pour autant que celle-ci n’était pas à la hauteur et que si je n’y suis pas retourné c’est que je n’étais pas satisfait. Tout simplement je ne suis pas un habitué du quartier.
J’ai encensé ton bouquin car je l’ai lu alors il ne reste plus qu’à aller tester la bouffe chez toi, en me glissant dans la peau grise et terne d’un inspecteur du guide rouge. Donc un de ces 4 je vais aller m’envoyer incognito le plat du jour fait maison dans l’une de tes maisons.
En passant, une petite pique, cher Zorro du Marais, tu ne portes pas, semble-t-il Bruno Verjus et sa Table, dans son cœur (rires) : y es-tu allé ? Si ce n’est pas le cas je t’y invite tu pourras ainsi t'inspirer de sa belle carte de vins nature en pratiquant des prix plus doux.
Pour le reste chapeau pour la transparence cher camarade Xavier lorsque tu alignes des chiffres que tout bon Français répugne à révéler : tu payes 591 000 euros d’impôts sur le revenu et 26 000 euros d’impôt sur la fortune. Chez toi un plongeur gagne 1500 euros en salaire net, un commis 1800, un serveur 2000 et 3500 en fonction de l’ancienneté, sans compter le pourboire non imposable, un chef de partie 1900, un second 2500 et le chef 4500.
Xavier Denamur met la restauration à table
Entrée en vigueur du label "Fait maison" : "Il faut aller plus loin", pour Xavier Denamur