Pour le vin tout commence dans la vigne et comme l’écrit Agathe Petit dans Thinkovery : « depuis l’Antiquité, on estime que le goût du vin traduit le goût de la terre. Cette pensée s’est accentuée au XVIIIe siècle, au cours duquel les premières appellations viticoles ont été créées. Logique : le goût associé à l’origine géographique, au terroir, devenait un levier commercial. Heureusement, c’est un peu plus compliqué que cela. »
La complexité voilà l’ennemi de nos sociétés de l’instantanéité, du message simple des communicants, de la paresse des passeurs d’infos réduits à l’état de simple haut-parleur…
Choix des sols, de l’exposition, de la pente, du micro-climat, quête patiente et ancienne aujourd’hui étendue et distordue pour satisfaire le plus grand nombre : le terroir au sens premier, la terre d’accueil, n’est plus qu’un vaste manteau, un habillage commercial qui corrode et affadi le socle des AOC.
Et puis il y a le porte-greffe, on parle peu au consommateur du porte-greffe. « Le porte-greffe est la partie enterrée du cep de vigne qui soutient le greffon, la partie aérienne de la vigne. Son usage s’est généralisé à partir de 1870 en Europe. (Auparavant le cep était franc de pied) Pour résister à l’invasion de phylloxéras, ces porte-greffes sont tous d’origine américaine, car il s’agit de la seule variété résistante à l’insecte nuisible, lui-même originaire d’Amérique. Il en existe plusieurs variétés plus ou moins vivaces qui constituent les racines de la vigne et lui permettent de puiser plus ou moins profondément les nutriments et l’eau contenus dans le sol. Le choix du porte-greffe doit donc tenir compte du type de sol du vignoble, de l’hydrométrie et des variétés de cépages qu’il portera. Outre le porte-greffe, le vigneron dispose d’un arsenal pour adapter sa vigne aux variations climatiques qui peuvent être importantes entre deux années, ce sont les techniques culturales. Le niveau d’enherbement entre les rangs déterminera l’évaporation de l’eau, la taille de la vigne et la fertilisation des sols influeront sur le rendement, le choix des dates de vendanges détermineront la qualité du vin selon le degré de maturation. »
Le choix du sol, sa préparation, la densité de plantation… et puis comme le note Loïc Le Gac les méthodes de culture. Je ne suis pas technicien donc je ne vais pas m’aventurer sur le terrain de la non-taille, de l’irrigation, du choix de la fertilisation : engrais organiques (déchets végétaux, tels purins de plantes et feuilles mortes, ou animaux, comme le fumier, le guano) ou minéraux (naturels ou de synthèse N.P.K), du travail mécanique du sol, de l’emploi de désherbants, de l’utilisation de fongicides et d’insecticides…
Tout ça pour souligner que sous les grandes ombrelles des appellations se cachent des pratiques aux antipodes les unes des autres. Passer outre, ne pas faire la transparence c’est nourrir des peurs, des faux-débats, des oppositions stériles.
« La question du futur de l'agriculture est toujours perçue sous cet angle : d'un côté le modernisme, de l'autre un retour en arrière. Quel retour en arrière ? A la fin du XIX, il est faux de dire que les producteurs - et surtout la viticulture confrontée à de nouvelles maladies- font du bio sans le savoir. Ils initient une démarche tout à fait nouvelle pour l'époque qui est de traiter pour produire. Le "bio" en revanche est une approche tout à fait moderne. Passer en bio, ce n'est pas faire un bond 100 ans en arrière. C'est simplement proposer une solution alternative au chimique. Non au traitement.
La question est ici bien posée : comment travailler avec le vivant plutôt que contre ? Comment parvenir à se passer de traitement ? Ce changement d'attitude est la clef du futur pour la production viticole en particulier, production tout à fait subsidiaire. Pour le reste de l'agriculture, je ne m'engage pas.
Maintenant, cette évolution passe par de la recherche, du développement, certainement du matériel. Un autre modèle agricole, qui nécessite des investissements à tous ces niveaux. Rien de bien nouveau sous le soleil, et vu sous cet angle, ce système est tout à fait de notre époque. »
C'est Jean-Yves Bizot vigneron de Vosne qui l'écrit en commentaire.
Pour Agathe Petit, à ce stade les nutriments du sol sont des déterminants passifs, le sol a chimiquement peu de prise sur le goût du vin. « En revanche, physiquement, il a son rôle à jouer : proportions d’argiles, de sable et gravier, voire de galets, influeront sur l’humidité et la « chaleur » du sol. Un sol pierreux et chaud accentuera la maturité du raisin, un sol argileux et frais la ralentira, synonyme généralement d’une plus grande complexité aromatique. »
Pour elle le cépage est le vrai protagoniste :
« Le « bouquet » aromatique d’un vin est formé de plusieurs familles de molécules qui lui apportent ce que l’on appelle une flaveur. Ce terme désigne l’ensemble des sensations ressenties lors de la dégustation d’un produit alimentaire. Chacune de ces familles moléculaires est présente dans les baies de raisin, de la floraison à la maturation, et dans toutes les variétés de vignes à l’exception de quelques-unes que l’on ne retrouve que dans certains types de vignes (les arômes de kérosène spécifiques au riesling ou de poivre noir dans la syrah).
Elle appelle ça la « typicité » et explique que c’est la microflore qui en est à l’origine.
Mais avant d’arriver au chais lorsque le raisin est « mûr et sain » il faut le couper :
La machine à vendanger connaît pas !
Et pourtant en 2010, 60 % des vendanges en France sont réalisées par ces machines, « la pratique traditionnelle de récolter les grappes à la main a régressé et ne représente guère plus de 30% de la récolte en France. » Ce chiffre serait encore bien plus faible si la Champagne, le Beaujolais, n’interdisaient pas la vendange mécanique.
Les dépliants des communicants nous montrent pourtant des hordes de joyeux vendangeurs coupant dans les beaux terroirs vantés. Il ne s’agit pas ici de prendre parti pour ou contre mais de demander qu’on arrête de faire prendre aux consommateurs des vessies pour des lanternes.
Les baies charroyées avec plus ou moins de soins arrivent sur les quais où, elles peuvent être triées manuellement en gants blancs ou maintenant par des viseurs laser, et c’est parti mon quiqui pour la boîte noire des chais.
Que dit Agathe Petit sur la main du vinificateur ?
« D’une année sur l’autre et selon la qualité des grappes, le vigneron peut agir sur le développement de la microflore via un couvert végétal et/ou durant la vinification en infléchissant ou en augmentant l’activité des bactéries et levures via la variation des températures des cuves. Il peut aussi gérer la variation de l’oxygénisation et le sulfitage… »
Agir donc mais « Les vignerons qui le souhaitent peuvent même s’affranchir complètement de la microflore présente sur leur vignoble et choisir d’introduire des levures et des bactéries issues de cultures en laboratoire. Dans ce cas, la typicité du vin n’est plus naturelle et en rien liée au terroir. »
L’OIV nous le rappelle :
« Le vin est exclusivement la boisson résultant de la fermentation alcoolique complète ou partielle du raisin frais, foulé ou non, ou du moût de raisin. Son titre alcoométrique acquis ne peut être inférieur à 8,5% vol.
Toutefois, compte tenu des conditions de climat, de terroir ou de cépage, de facteurs qualitatifs spéciaux ou de traditions propres à certains vignobles, le titre alcoométrique total minimal pourra être ramené à 7% vol. par une législation particulière à la région considérée. »
De la vigne au vin il n’y a pas qu’un seul chemin.
« Dans le but de contribuer à l'harmonisation internationale et afin d'améliorer les conditions d'élaboration et de commercialisation des produits vitivinicoles, et en tant qu'organisme de référence dans le domaine de la vigne et du vin, l'OIV élabore les définitions et descriptions des produits de la vigne.
Les définitions de ces différents produits vitivinicoles sont reprises dans la première partie du Code International des Pratiques Œnologiques.
Il constitue un document de référence technique et juridique, visant à une normalisation des produits du secteur vitivinicole, qui doit servir de base à l'établissement des réglementations nationales ou supranationales et s'imposer dans les échanges internationaux. »
Face aux pratiques œnologiques je suis très Lalau-boy :
« C'est que l'Eglise des Faux Monnayeurs du Vin, qui a oublié les prophètes pour le profit, a mis la main sur le Terroir comme la Misère est descendue sur le Sud Soudan; elle l’a désacralisé. Ses prêtres nous montrent des cailloux, mais dans l'arrière salle de la sacristie, ils levurent, ils osmosent le dur, ils rectifient le mou, ils réacidifient les burettes. Il n’y a plus que leurs bedeaux, leurs sonneurs de cloches, qui font semblant d’y croire, bien forcés puisqu’ils en vivent.
Et nous, les journaleux, leurs porte-voix, leurs porte-plumes, on ferme les yeux ou on tombe dans leurs panneaux.
Ils nous inondent de communiqués à la noix à l’annonce du moindre projet de classement des couilles climatisées des moines de Bourgogne ou des mornes villages de Champagne, mais pas un mot sur le concassage d’une parcelle de premier cru à Gevrey ni sur les betterave partys institutionnalisées.
Ils veulent bien qu’on leur cire les pompes à vin, quitte à leurrer le consommateur, mais pas question de mettre notre nez dans leurs petits secrets, on passerait pour des ingrats ou des irrespectueux. Pas question d’empêcher quiconque de massifier en rond, sinon, on se plaindra à ton éditeur. Notre respect, pourtant, c’est d’abord au lecteur qu’on le doit. »
Tout comme lui je suis basique : si on sucre c’est pour augmenter le degré alcoolique et souvent masquer la pauvreté du vin, si on pratique l’osmose inverse c’est pour retirer de l’eau, l’intervention sur le vin n’est jamais neutre, elle répond a une volonté de corriger, de soigner, d’accélérer un processus, d’abaisser les coûts… on ne fait jamais rien pour rien...
Il ne s’agit pas de juger mais d’informer.
Quand je lis ça « Pour le vin, les tanins peuvent provenir du raisin, du bois de chêne qui compose les fûts, ou bien de tanins commerciaux. Pendant la phase de vinification, des tanins extraits de la noix de galle, du quebracho, du chêne ou du châtaigner sont ajoutés, ainsi que des extraits de pépins et de pellicule de raisin lors de la phase d'affinage. » je suis tout de même en droit de m’interroger.
N’en déplaise à certains communicants je suis certes un vieux qui vieillit mal, ridicule (dixit Gérard Bertrand) ou imbus de lui-même (dixit un retraité qui n’a jamais digéré de se faire virer de son fromage) mais tout ce beau monde qui s’horrifie sur la vacuité de nos élus, leur absence d’intérêt pour les préoccupations des citoyens, devraient tout de même s’interroger sur le creux de leur baratin formaté avec du terroir plein la bouche.
Informer ce n’est pas forcément mettre en avant des manquements, des pratiques légales mais soigneusement cachées, mais revenir à ce que souhaitaient les pères des AOC : dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit…
Merci
L’ouverture d’un débat ne passe pas forcément par un bon repas pour se créer des obligés, le dire, l’écrire n’est pas politiquement correct mais je voudrais bien qu’on m’explique les raisons autres de ce modus operandi ?
Oui je préfère ce qu’écrit Olivier de Moor à une « bonne action », l’agroforesterie, mise au service de celui qui la pratique avec ostentation. Le fameux savoir passe aussi par de vrais remise en question plutôt que par la cosmétique de la communication.
« La viticulture pourrait être un problème secondaire, puisque toute l'agriculture est concernée. Cependant le vin n'est pas indispensable à notre existence. Même si je pense que nous en avons besoin pour nous relier. Le vin de façon symbolique en apparence non vital, en absence dépourvu de première nécessité, de luxe, est un laboratoire d'adaptation aux enjeux d'avenir.
C'est à nous de trouver des solutions, et si nécessaire de rompre les chaines qui bloquent notre évolution.
L'AOC dès le début marque un tournant. Limite autant les abus, que le pouvoir d'adaptation.
Elle fige une image du vin, en nous faisant croire que l'histoire est dite. La géographie définitive. Et déjà sans seulement penser le "progrès" des moyens techniques perceptibles dans les années 30.
Je pense de plus en plus que l'AOC nous a dépossédé de ce qui constitue l'essentiel, notre raison d'être à savoir être des paysans agronomes, où nos gestes, nos actions, notre travail ont une logique sur notre lieu de vie. La logique actuelle me dépasse de plus en plus.
L'AOC a permis d'aider au commerce. A la richesse de certaines régions, de certains espaces. Mais "ces ruées vers l'or "ont donné des zones géographiques occupées à 100 % par la vigne. Un non sens agronomique.
Et dernièrement on en a remis une couche de bêtise définissant par exemple jusqu'à la hauteur permise des "mauvaises" herbes, la quantité permise de hauteur de feuillage d'apparence sein. Et tout cela avec l'hypocrisie du contrôle selon de l'individu.
Pourquoi ? Quelle était la vraie destination de tout cela ? Sa vraie justification pratique est commerciale ?
Bien avant ces histoires d'AOC, il faut simplement considérer la culture de la vigne. Chercher dans Dion, Jullien, Guyot, et bien d'autres. Et se rendre compte qu'à chaque crise, il y a obligation de réaction sur les moyens mis en oeuvre.
Dans ce village où j'habite il n'a pas si longtemps le cépage SACY était majoritaire, et auparavant il y avait suivant les lieux, du Beaunois, du Morillon, du Pinot complanté au début XIX avec du Plant vert, des lombards en sommet de plateau, et encore avant quoi du Chenin(?) ramené par les moines de Tours fuyant les Vikings ?
Donc le premier hic c'est qu'on a marqué Chardonnay considérant la seule photo post-phylloxérique.
C'était peut-être la bonne solution. Sauf que déjà les vignerons passaient leur temps à sulfater à dos.
Je ne parle bien entendu que du cépage. Mais ce verrou en est un parmi tous ceux du CDC de nos AOC. Mais c'est là. Avec ses conséquences. Un dogme.
Le premier dogme c'est le cépage. »
Je note aussi « Hennessy demande à ses apporteurs d’abandonner le désherbage en plein »