En bon naturaliste teinté de politique Lacépède n’y allait pas par 4 chemins, et moi, en bon petit vendéen du bord de mer nourri à la sardine sablaise frite au beurre salé, j’ai jusqu’à mes premières épousailles ignoré les joies des filets d’anchois, salés ou marinés.
Collioure et ses anchois, où la pêche et le conditionnement de ces poissons ont commencé au XIIIe siècle, et où il y eut, à la fin du XIXe siècle, jusqu’à 150 barques, dites catalanes, de pêche. J’y ai passé mon voyage de noces dans des conditions spartiates mais tellement agréables. De nos jours, pour le plus grand bonheur des technocrates de Bruxelles ou d’ailleurs, les anchois de Collioure ne sont plus qu’une dénomination de provenance imprimée sur la boîte en fer blanc ou le bocal. Les techniques traditionnelles sont appliquées à des anchois venus d’ailleurs.
Aujourd'hui, il n'en reste plus que deux, dont la maison Roque. Fondée en 1870, cette entreprise emploie encore 38 employés, dont un quart est lié à la famille. L'anchois fait partie intégrante de leur vie comme de leur table.
La pénurie d'anchois menace les saleurs de Collioure
« Les filets argentins n'ont péché que 750 tonnes de poisson cette année. C'est 90% de moins que l'an dernier et les saleurs de Collioure comptaient sur cette production qui représente une grosse part de leurs importations. »
Origine basque ou génoise ?
« Le nom génois ancien, anciöa, serait donc à l’origine du nom de l’anchois dans les langues romanes : acciuga en italien, anxova en catalan, anchoa en espagnol, anchova en portugais, un nom qui se retrouve en anglais anchovy, en allemand anchovis ou anschovis et en néerlandais ansjovis. Mais pour les langues germaniques, on a aussi fait l’hypothèse d’une origine basque (un ancien nom basque, anchu et néerlandais vis « poisson ».
L’Anchoïade ou l’Anchoyade : « nom qui vient du provençal, pour un hors-d’œuvre à base d’anchois, d’échalote, d’ail, de persil haché, d’huile d’olive et d’un peu de vinaigre, et qui est un classique de la cuisine méridionale. »
Boquerón désigne en espagnol l’anchois mariné dans le vinaigre (boquerones en vinagre) avant d’être mis dans l’huile. Ce nom est « un augmentatif de boquera lui-même dérivé de boca « bouche », et qui prend plusieurs sens liés à l’ouverture d’une bouche ou d’une lucarne. Le nom boquerón a été appliqué à l’anchois à cause de sa grande bouche, largement fendue jusqu’en dessous de l’œil. De l’espagnol, boquerón est passé au catalan, et également au français, dans le Roussillon, où l’on écrira plutôt boquéron. »
La préparation du garum chez les Anciens
« Les Grecs et les Romains préparaient les anchois en filets et produisaient à partir de la tête et des viscères du poisson une saumure (garos ou garon en grec, et garum en latin). Il faut aussi du garum pour réussir la curieuse recette du loir farci d’Apicius.
Cette technique de préparation du garum a été considérée par certains auteurs anciens comme l’origine même du nom grec de l’anchois, enkrasikholos, par exemple chez Aristote (VI, 15), dans lequel on croyait reconnaître kras « tête, extrémité » et kholê « bile ». Cuvier s’en fait l’écho : « Il est probable que le nom d’Encrasicholus (qui a le fiel dans la tête) n’a été imposé qu poisson que parce qu’on lui arrachait le foie avec la tête. »
Le garum des Anciens était sans doute assez semblable à l’actuel nuoc-mâm, cette sauce au poisson qui permet de relever le goût des plats de la cuisine vietnamienne, et dont la forme la plus prisée est justement celle qui est fabriquée exclusivement à partir d’anchois. »
L’anchois du Pérou est le poisson le plus pêché au monde mais il est essentiellement transformé en farine et en huile de poisson. Ce sont le Chili et le Pérou qui assurent l’essentiel de cette pêche.
Voici trois recettes typiques avec des anchois :
- de la cuisine juive italienne bigoli in salsa (pâtes en sauce à l’anchois),
- de la cuisine croate, incuni iz pecnice (anchois cuits au four),
- de la cuisine turque, hamsi (anchois en papillotes).
Depuis 2010, Luc Charlier élabore un vin blanc de maccabeu, la Cuvée Civale, patronyme de sa compagne, issue d’une vieille famille d’agriculteurs et vignerons, originaire de Campanie, émigrée à la Montagne Noire dans la deuxième moitié du 19ème siècle où elle a fondé la carrière de pierre calcaire de Saint-Pons.
L’essentiel des raisins provient d’un vieux maccabeu (1950) au lieu-dit « Rec d’en Cruels », une combe schisteuse sur Estagel où Luc a aussi du vieux carignan.