Qui se souvient d’Alain Bombard ?
Pas grand monde je pense, et pourtant son nom est lié « à un exploit qui l'a rendu célèbre à travers le monde. En 1952, ce médecin et biologiste avait traversé l'Atlantique à bord d'un canot pneumatique, L'Hérétique, sans vivres et sans eau douce, avec un sextant et un filet à plancton afin de prouver que des naufragés pouvaient survivre en mer. Après 113 jours de navigation, il avait atteint les côtes de la Barbade, dans les Antilles, dans un état de santé certes déplorable, mais en ayant réussi son pari. Le récit de cette aventure, Naufragé volontaire, publié en 1954, lui avait fait acquérir une renommée mondiale. Par ailleurs, son nom était devenu synonyme du pneumatique de survie dont la présence est désormais obligatoire sur les bateaux. »
Pour ma part je garde le souvenir de l’éphémère Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Environnement dans le premier gouvernement Mauroy entre mai et juin 1981 bien trop libre de ses propos pour demeurer à un tel poste. Le combat européen lui conviendra mieux. « Il fut un député européen actif de 1981 à 1994, toujours soucieux de faire partager ses convictions et d'expliquer l'Europe. Le Varois qu'il était devenu a été aussi conseiller général du canton de Six-Fours-les-Plages de 1979 à 1985. »
Au cours de son naufrage volontaire Bombard raconte les «cauchemars gastronomiques» qui obsèdent ses nuits « L’un revenait plus souvent que les autres comme un leitmotiv : le mirage d’une poule au riz »
Le navigateur solitaire « las de ses éternels repas de poisson et de plancton filtré » fantasme des ripailles faites à terre : « Aujourd’hui, je déjeune à l’Amirauté avec un lièvre à la royale ; ce soir, chez les médecins de Casa, avec des rognons au vin blanc. »
« Pour tenir, le jour, il imagine des tablées qu’il se fera offrir par un sceptique qui a parié sur l’échec de sa traversée en solitaire. »
« J’ai prévu trois menus : soit foie gras truffé, soufflé aux crevettes, canard au sang, pomme paille, fromages variés, omelette flambée à la confiture, fruits rafraîchis au champagne ; soit bouquet d’écrevisses, douze escargots, lièvre à la royale, pommes vapeur ou cuissot de chevreuil, fromage variés, omelette flambée à la confiture, ananas kirch à la crème. »
« Pommard 1928, vosne-romanée 1930, mouton-rothschild 1947, château-yquem 1929, les bouteilles de grands crus dansent également dans la tête du navigateur perdu au milieu de l’océan, aux franges de la calenture, la fièvre délirante des marins… »
Textes tirés de la Mise en bouche de Bruno Fuligni « Les gastronomes de l’extrême »
Le 4 mai 1988, Jean-Paul Kauffmann revient de 1 037 jours de captivité avec ses deux compagnons d’infortune : Marcel Carton et Marcel Fontaine. Sans Michel Seurat, mort pendant cette longue nuit.
Jean-Paul Kauffmann racontera, avec émotion, qu’il a survécu grâce à deux livres que ses gardiens avaient fini par lui donner : la Bible et le tome 2 de Guerre et Paix de Tolstoï, qu’il a lu et relu… 22 fois.
« La lecture plus que la littérature m’a sauvé. Les mots me suffisaient, ils instauraient une présence. Ils étaient mes complices. Du dehors, ils venaient à mon secours (…) Enfin, je pouvais compter sur un soutien de l’extérieur. Le sens était secondaire. »