Un livre dans ma boîte aux lettres, un service de presse avec un titre qui claque !
« Bordeaux Connection : une enquête haletante au cœur de la mafia des grands crus »
Le poids des mots : Bordeaux Connection et mafia des grands crus ça sentait le soufre, le pain de dynamite, le froid contrat, comme dans le Gomorra (Gomorrhe + Camorra = Gomorra) de Roberto Saviano un «romanquête» écrit à la première personne. Un livre sur les activités de la Camorra qui donnait sans ambages les noms de tous ses parrains, démontait principalement le clan Casalesi, citait des noms et des faits, dressait la liste des 3600 morts attribués à la Camorra depuis la naissance de l’auteur, et rendait hommage aux innocents assassinés. C’était aussi un cri : celui d’un Napolitain ayant vu son propre père être victime de la Camorra.
En septembre 2006, quatre mois après la parution du livre en Italie, Roberto Saviano invectivait nommément des chefs de la Camorra lors d’un rassemblement anti-mafia… à Casal di Principe, un des fiefs des Casalesi :
« Michele Zagaria, Antonio Iovione, Francesco Schiavone, vous ne valez rien... »
Depuis ce jour-là, Roberto Saviano vit avec une protection policière, partout, tout le temps.
Le communiqué de presse accompagnant le « brûlot » sur la mafia de Bordeaux, sur un autre registre, en remettait une louche en puisant dans l’imaginaire populaire des années 30 en parlant des « 200 familles » de la place de Bordeaux « une caste discrète et puissante s’est emparée de ce joyau économique pour le faire fructifier », sous-entendu à leur unique profit. « En s’affranchissant de la réalité économique pour multiplier leurs gains, les industriels propriétaires des grands crus dilapident un trésor national par-delà nos frontières, dans les pays qui « fabriquent des milliardaires. »
Ouille, ouille, ça fleurait bon le jet en pâture au petit peuple des profiteurs… C’est vendeur en ce moment !
Je rappelle pour les petites louves et les petits loups qui ont zappé les cours d’Histoire que les « 200 familles » c’est un slogan a lancé par Édouard Daladier, président du Conseil, lors du Congrès radical de Nantes en 1934 : « Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française. Ce sont des forces qu'un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n'eût pas tolérées dans le royaume de France.
L'influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l'opinion publique, car elles contrôlent la presse. »
Les 2 rives de la Gironde seraient-elles le terreau d’un remake de la lutte des classes ?
« Lutte âpre pour mettre la main sur les précieuses marques, classements bidons, absence de culture environnementale, inféodation à un « goût mondial » charpenté et alcoolisé, rupture avec le public d’amateurs français, imposture des foires aux vins, impuissance devant la contrefaçon… »
N’en jetez-plus des têtes vont bientôt se retrouver juchées sur des piques plébéiennes car la «révolte gronde dans les « petits châteaux bordelais» ! sous le regard goguenard des « grands crus californiens, argentins ou néozélandais (qui) dépassent en qualité les grands Bordeaux. »
Le début de la fin ?
Du pur Bordeaux bashing, c’est Bernard Farges qui allait être vénère tout comme ce pauvre Hubert « qui revendique un fort attachement au terroir, se dit avant tout vigneron, lui qui, raconte-t-il, a reçu des mains de son père un sécateur à l’âge de sept ans. »
Du lourd, du très lourd, de la chevrotine, que je me disais dans ma petite Ford d’intérieur, de quoi provoquer l’ire du cireur de pompes qui vole au secours des puissants qui ne lui ont rien demandé, et, lorsque j’entreprenais ma lecture, j’imaginais déjà l’auteur, Benoît Simmat, sollicitant la haute protection du RAID…
Très vite je fus rassuré, le ton était de bon ton, de très bon ton, sympathique, gentil même, guilleret, du même monde, pas un mot au-dessus de l’autre, les soi-disant « parrains de la mafia des grands crus » se retrouvaient décrits tels qu’en eux-mêmes, des hommes d’affaires faisant des affaires ni plus, ni moins, en Chine bien sûr, avec leurs cravates Hermès qui plaisent tant à la belle-mère de Denis Saverot. De la suffisance certes, du contentement de soi souvent, pas forcément une petite bande avec qui j’aimerais fêter mon anniversaire, à une ou deux exceptions prêts dont je tairais les noms pour ne pas les compromettre, mais pas de quoi la qualifier de Mafia faisant main-basse sur les bijoux du bordelais ; plutôt une flopée de vrais opportunistes qui, face au populo ébahi, s’accrochent généreusement des médailles, comme le faisait la nomenklatura de l’ex-URSS, pour des batailles facilement « gagnées »… Pas de quoi me faire tomber en pamoison !
Comme je suis un bon petit soldat de la lecture j’ai tout lu.
Pas de quoi fouetter, ni un chat, ni un Grand Maître de la Commanderie du Bontemps, ni le premier Jura de la Confrérie des vins de Saint-Émilion, ni un patron du CAC 40, ni Philippe Casteja, ni Jean-François Moueix, ni un directeur à poigne d’un grand château… ni moi…
C’est soft !
Très !
Très Ferret, pas l'éditeur mais le bac à sable des petits et grands squales des 2 Rives...
Parfois même c'est un peu chiant : le financement du Louvre du maire et les couplets sur l’œnotourisme… ou un peu réchauffé : le marronnier du clan des Winemakers…
Attention chers lecteurs, tout n’est pas bon à jeter dans ce livre, loin s'en faut, il y’a de la matière, des infos, des infos chiffrées : le prix d'un Michel Rolland, d'un Hubert ou d'un Derenoncourt, des anecdotes à la pelle ça fait très initié, des histoires plus ou moins connues, de l'Histoire, mais rien de très décoiffant, l'auteur est toujours dans l'évitement lorsqu'il aborde ce qui fâche et les obscurités des fonds où frayent les grands squales. Faut pas fâcher !
Benoist Simmat peut dormir tranquille tout comme notre Ministre de l’Intérieur qui ne sera pas obligé de distraire ses gardes rapprochés, en effet notre « journaliste d’investigation » qui prommettait de nous tenir en haleine comme dans un roman noir d'Ellroy ne finira pas pendu au croc de boucher « promis par les poids lourds du négoce » à « l’impertinent Frédéric Engerer » le directeur de Latour… pour avoir zappé les Primeurs.
Bref, comme je ne suis vraiment pas le public-cible de ce genre de livre je n’irai pas au-delà dans ma relation de mes impressions de lecture qui, je le concède aisément, sont assez minces.
Mais étais-je vraiment le bon destinataire de ce service de presse ?
En effet, la dédicace de Benoît Simmat est adressée à une certaine Catherine qu'il semble fort bien connaître...
Comme je ne veux pas que celle-ci soit frustrée et comme les éditions sont sises au 12 avenue d’Italie, à deux pas de chez moi, dès que j’aurai quelques minutes à distraire, je ferai un saut à vélo pour rendre le livre afin qu’il soit adressé cette fois-ci à la dite Catherine.
Un détail, à propos des « soudards aux portes de Soutard » dans le livre, mes retraites complémentaires AGIRC-ARRCO me sont versées via AG2R-La Mondiale nouveau propriétaire du château Soutard à Saint-Émilion, alors mon cher François des Ligneris lorsque je touche mon chèque chaque mois je pense à toi et je me dis que je suis, d’une certaine façon, un petit et riche propriétaire de Saint-Émilion… un homme de main de la Mafia somme toute… ça devrait plaire à notre Hubert...