Conjugué avec la montée en puissance de l’Internet le modèle Parker a fait et continue de faire des ravages dans le petit monde de la critique du vin. Elle court, elle court derrière ses clients de plus en plus fuyants car ils trouvent leur bonheur ailleurs.
La critique fait vendre ?
La critique : un vecteur de notoriété ?
Cinéma, livres, musique, peinture, sculpture, mode… une bonne critique ne saurait nuire à la notoriété du réalisateur, de l’auteur, du compositeur, du chanteur, du créateur. Pour autant est-ce que ça fait vendre ? Oui, ça arrive mais une pluie de bonnes critiques n’est pas toujours le gage du succès, il arrive même que le bouche à oreille soit bien plus efficace.
L’efficacité d’une critique tient beaucoup à la notoriété de son signataire et à la puissance du média dans laquelle elle est publiée. Nul besoin de vous faire un dessin.
Pour le grand public le critique est, si je puis m’exprimer ainsi, un lecteur supérieur, quelqu’un à qui on accorde du crédit. Comme le téléspectateur moyen vecteur d’audimat, lui accorde du crédit il est invité dans les médias de grande audience. Comme on dit c’est un animal médiatique, il sait tout sur tout : Zemmour, Onfray en sont de bons exemples.
Pour le vin, produit consommable par destruction mais qui peut aussi être acheté pour être stocké en vue de faire du pognon, dans notre vieux pays François, hormis le Parker susdit, aucun de ces éléments ne sont réunis. Seule exception Jacques Dupont salarié par le quotidien national Le Point.
Sauf qu’y prolifèrent les dégustateurs supérieurs.
Ça me fait toujours penser aux défunts VDQS et au Bordeaux Supérieur, seule appellation française dotée de ce qualificatif.
Eux savent !
Alors, ils battent la campagne en proclamant « laissez venir à nous ces pauvres vignerons esseulés pour que nous leur conférions la notoriété qui leur fait défaut… »
C’est beau comme le peloton du Tour de France vu d’en haut : reste qu’au final les gagnants se comptent sur les doigts des deux mains et que jusqu’ici le gagnant c’était l’éditeur du guide ou de la revue.
Mais la situation évolue à la vitesse grand V.
Tout d’abord, parce que le vigneron esseulé, qui sait aussi compter, s’est aperçu que l’échange entre le dégustateur supérieur et lui, simple numéro dans une dégustation de masse, était bien inégal.
C’est la loi du genre, perdu entre les pages d’un gros guide, une simple note sur 20, un commentaire lapidaire et le tour était joué. Pas sûr que ça gonflât les ventes et ajoutât à la notoriété. Mais bon, faute de grives on bouffait des merles.
À propos de notoriété, nos grands dégustateurs supérieurs soignent aussi, et en priorité, la leur par une stratégie du coucou : ils se ruent aux Primeurs de Bordeaux pour nous informer disent-ils ! Certains se font même pressants dans leur demande d’abonnement pour accéder à leur jus de crâne.
Notons en passant, que certains d’entre eux ne dédaignent pas, loin de la masse, de déguster en privé dans les châteaux de forte renommée. D’ailleurs, afin de trier le bon grain de l’ivraie, des propriétaires stars se refusent à ouvrir leurs portes aux critiques ne pratiquant pas l’encens.
Critiquer c’est comparer nous disent les dégustateurs supérieurs !
Là, nous entrons dans la plus belle flagornerie de la critique du vin. Que je sache on aime 1 livre, un film, un vêtement, pour lui-même, parce qu’il correspond à notre sensibilité, à nos envies du moment, à notre culture. Bien sûr ensuite rien n’interdit d’établir une échelle de valeurs entre les auteurs. Mais, la curiosité intellectuelle commande de choisir, non parce que machin est supérieur à trucmuche, mais pour une foultitude de raisons, y compris l’opinion de critiques, puis de se faire une opinion personnelle sur la base des qualités intrinsèques de l’œuvre.
De plus, est-il vraiment pertinent de nous faire accroire que notre choix est facilité lorsque l’échelle des notes est si resserrée qu’on est en droit de se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle ?
Au demi-point près laissez-moi me gondoler !
Après tout le goût du dégustateur n’est que le sien et même s’il fait de la dégustation à l’aveugle l’alpha et l’oméga de son objectivité il n’en demeure pas moins vrai qu’il peut se bâtir une stratégie de notation qui lui évite d’estropier trop gravement ceux qui pourraient devenir ses clients : publicité ou « vignerons si êtes dans mes petits papiers vous serez honorés de mon invitation à mon beau salon… »
À ce propos je souligne que les autres critiques ne lisent pas un livre, ne visionnent pas un film, à l’aveugle, ils n’en sont pas aux jaquettes neutres ou au film sans générique… leur part de subjectivité est assumée et c’est ce qui fait la beauté de la critique.
La critique est nécessaire mais elle doit se garder d’une trop grande proximité avec ceux qui la nourrisse.
Pour le vin, la faiblesse économique de ses médias, la fin programmée des guides papier, le peu d’audience des blogs, l’omniprésence d’une communication lisse et redondante : « Ha ! Qu’il est beau mon millésime » via l’interprofession de service, les nouveaux comportements des acheteurs via la consultation d’informations la Toile, l’irruption de cavistes qui retrouvent les fondamentaux du vrai commerce de proximité, font que, certes ce n’est pas le Titanic, mais les dégustateurs supérieurs perdent petit à petit leur pouvoir et contemplent leur lent naufrage essayant, en vain, de ne pas se mouiller les pieds.
Je comprends aisément que toute perte de monopole soit ressentie comme une injustice, surtout lorsque des manants, des va-nu-pieds, des vignerons même, viennent troubler les règles du jeu. C’est une vraie douleur. Alors, reste plus pour les dégustateurs supérieurs qu’à aller voir ailleurs : la Chine la Chine, pourquoi pas, et, sur notre beau terroir François, à pratiquer « La stratégie du démonte-pneu ou du pic à glace » pour surnager et alimenter la pompe de leur petite entreprise.
Mais n’est pas ONFRAY qui veut !
J’adore Raphaël Sorin l’érecteur de Houellebecq.
Il vient de commettre une critique qui, avec un talent roboratif, à propos d’ONFRAY, LE PHILOSOPHE DÉMONTE-PNEU est un exemple dont devrait s’inspirer nos dégustateurs supérieurs à la plume triste lorsqu’elle n’est pas serve.
« On dira que l’époque a les penseurs qu’elle mérite, écrit Sorin, démonte-pneu ou pic à glace, la philo nouvelle, encouragée par des médias irresponsables, n’a pas fini de faire saigner l’intelligence. »
L’écriture de cette chronique a été motivée, suite aux réactions de dégustateurs supérieurs méconnus, à la publication sur mon espace de liberté de la prise de paroles de 2 vignerons à l’attention de Michel Bettane : Olivier de Moor et Jean-Yves Bizot. Je précise que celui-ci s’est contenté d’échanger en privé, ce qui est son droit que je respecte, avec ses 2 interlocuteurs.
NB. Je n’inclus pas dans la catégorie des dégustateurs supérieurs le cireur de pompes qui, comme d’ordinaire, cire celles de son boss.
Pour ma part je signale que je ne suis ni journaliste, ni dégustateur supérieur, simplement 1 consommateur-acheteur de vin qui regarde au-dessus de son verre. Dernier détail pour ceux qui me disent qu’eux, ils font, et que moi je ne fais qu’écrire, j’ai en 3 années à la SVF vendu plus de vins de toute provenance et de tout statut que la plupart d’entre-eux.
Y’a pas de sot métier, il n’y a que des sots.
J’ai choisi pour illustrer cette chronique une caricature de critiques gastronomiques en provenance de nos cousins du Québec pour 2 raisons : j’aime le français de la belle province et parce que la critique gastronomique est encore pire que celle du vin…
Au dernière nouvelle « J'ai trouvé comment devenir riche! » Un sommelier fait payer les vignerons pour ses notes de dégustation...
Et en BONUS CECI