Notre Histoire de France, à l’école, se fixait sur des lieux, souvent des batailles gagnées ou perdues : Alésia, Bouvines, Valmy, Waterloo, ou des hauts faits Roland à Roncevaux, et des dates, 1515, 1789, 1936, 1958… Le cas de Sainte-Menehould est plus étrange « Lorsque le roi Louis XVI s'enfuit de Paris pour se faire arrêter à Varennes, dix brochures parurent pour exposer les causes de cette arrestation ; une entre autres de cet enfant terrible de la Révolution que l'on appelait Camille Desmoulins insinue que le roi fugitif n'avait pu résister au désir de manger des pieds de cochon à la Sainte-Menehould, ceci était un mensonge qui, dans la situation où il était fait, prenait les proportions d'une calomnie. Louis XVI ne s'arrêta à Sainte-Menehould que le temps d'y être reconnu par le fils du maître de poste Drouet qui, lui-même, sella son cheval et partit par des chemins de traverse, afin d'arriver avant le roi à Varennes ; il le précéda en effet de quelques minutes, et le roi fut arrêté en face de l'hôtel. »
C’est ce qu’Alexandre Dumas nous raconte dans son Grand Dictionnaire de la cuisine
Ce pauvre Louis XVI, si je puis m’exprimer ainsi, ne donnait pas, semble-t-il, selon Grimod de La Reynière, dans le plus grand raffinement de table. Pour Grimod la mort de Louis XV « porta un coup mortel à la bonne chère » et que « Son successeur, jeune et vigoureux, mangeait avec plus de voracité que de délicatesse, et ne se piquait point d’une grande finesse de goût dans le choix de ses aliments. » (Manuel des amphitryons 1808)
Roi glouton, l’épisode de la fuite à Varennes, en juin 1791, conforta cette image sous « la plume terriblement malicieuse de Camille Desmoulins. En témoignent deux frontispices de son journal : le premier à pour légende « Le roi mangeant des pieds de cochon à la Sainte-Menehould, reconnu », et le second « le roi parle à M.Sauce ».
M. Jean-Baptiste Sauce étant le procureur de Sainte-Menehould dans l’épicerie de laquelle la famille royale en fuite avait trouvé refuge. C’est Jean-Baptiste Drouet, maître de poste de Sainte-Menehould, qui signala le passage de l’équipage royal.
Desmoulins a donc beau jeu d’insinuer que le monarque se perdit du fait de sa gourmandise et, qui plus est, pour des pieds de cochon. On railla le roi. Capet cochon !
« Ceci posé – c’est de nouveau Alexandre Dumas qui tient la plume – et c'est toujours la place de poser une vérité, revenons à nos pieds de cochon.
Flambez ce qu'un cochon peut avoir de pieds, c'est-à-dire quatre, en général ; ratissez-les, lavez-les à l'eau chaude, faites qu'ils soient bien propres, fendez- les en deux, rapprochez les morceaux l'un contre l'autre ; entortillez-les de ruban de fil, appelé ruban à tabliers, exactement comme si un perruquier faisait une queue ; cousez les deux bouts du ruban, faites-les cuire dans une braise ou dans du bouillon, comme les queues à la purée. Égouttez-les, laissez-les refroidir, ôtez-en les rubans, séparez ces morceaux ; trempez dans du beurre fondu, panez-les, faites-les griller, et servez à sec. »
La recette existait déjà au temps de Charles VII, pendant la guerre de 100 ans mais elle concernait un volatile. « … le roi Charles VII, cherchant l’ennemi anglais dans l’est du royaume, se trouve soudain à court de vivres. Il entraîne ses officiers Dunois, La Hire et Xaintrailles dans le proche village de Sainte-Menehould. Là, la femme d’un taillandier leur confectionne un poulet rôti trempé dans des œufs battus et arrosé d’une sauce moutarde. La plus ancienne recette était donc celle du poulet à la Sainte-Menehould.
Revenons à nos pieds de cochon, voici la recette telle que donnée par Les Soupers de la cour en 1755
« Bas de soie ou pieds de cochon à la Sainte-Menehould.
Entremets chaud
Coupez chaque pied en deux après les avoir bien nettoyés ;
Faites-les cuire environ dix heures sur un très petit feu, avec un poisson (petite mesure contenant un demi-setier soit un peu plus de 100 mml) d’esprit de vin, une chopine de vin blanc, une livre de panne, sel, fines épices, un bouquet de persil, ciboules, une gousse d’ail, trois clous de girofle, thym, laurier, basilic.
La cuisson faite, laissez-les refroidir dedans après les avoir déficelés ;
Faire fondre du gras de leur cuisson pour tremper dedans chaque morceau et les panner à mesure avec de la mie de pain ;
Faites-les griller d’une couleur dorée ;
Servez sans sauce. »
Cette façon de faire était appliquée à d'autres pieds.
« Fernand Benoit, cite le cas du comte polonais Moszynski, qui, en 1784, dans une auberge d'Avignon, se vit proposer des pieds de mouton à la Sainte-Menehould. Dans le Système du docteur Goudron et du professeur Plume, d'Edgar Allan Poe, est citée sans plus de détail une spécialité de veau dite à la Sainte-Menehould. »
Mais qui est donc cette sainte qui donne son nom à ce village ?
« Sainte du Ve siècle originaire de la région. Née à Perthes, elle vécut avec ses sœurs dans de petites communautés de vie évangélique, se consacrant à la prière et au service des malades. Elle mourut à Bienville où elle fut inhumée en 490. Grâce à sa réputation de sainteté, elle devint patronne de plusieurs églises et donna son nom à la capitale de l’Argonne, où fut transférée une importante relique de la sainte en 1379. »
Il existe une Confrérie du pied de cochon à la Sainte-Menehould qui « regroupe tous les « Faiseux » de pied de Sainte-Menehould et du Pays d'Argonne.
Sainte-Menehould est située à l'est du département de la Marne, c’est une petite sous-préfecture d'environ 4 600 habitants capitale de l'Argonne.
Que boire avec vos pieds de cochon à la Sainte-Menehould ?