Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeux,
Même riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un cœur pour deux,
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antan,
Que l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps,
Est-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hier
Et d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupières
Et s'ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends !
Les vieux, dont je suis, pour faire genre on dit seniors, vont de plus en plus se ramasser à la pelle et beaucoup vont se retrouver, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, massivement parqués dans des maisons de retraite plus ou moins médicalisés…
1 personne sur 3 aura plus de 60 ans en 2060
« Si les tendances démographiques récentes se maintiennent, la France métropolitaine comptera 73,6 millions d'habitants au 1er janvier 2060, soit 11,8 millions de plus qu'en 2007. Le nombre de personnes de 60 ans ou plus augmentera, à lui seul, de 10,4 millions entre 2007 et 2060, si bien qu'une personne sur trois aura ainsi plus de 60 ans. Jusqu'en 2035, la proportion de personnes âgées de 60 ans ou plus progressera fortement. Cette forte augmentation est transitoire et correspond au passage à ces âges des générations du baby-boom. Après 2035, la part des 60 ans ou plus devrait continuer à croître, mais à un rythme plus sensible aux différentes hypothèses, notamment sur les gains d'espérance de vie. Quant aux centenaires, la France pourrait en compter 200 000 dans cinquante ans. »
Les 60 ans et plus sont, de façon certaine, une génération montante.
« À eux le pouvoir d’achat : les dettes sont remboursées, la retraite encore à peu près assurée et par conséquent, les revenus sont disponibles. À eux également, les voyages et les loisirs : ils lisent, regardent la télé et utilisent internet. Côté alimentation, ils dépensent en moyenne 25% de plus que les moins de 50 ans et avalent à eux seuls la moitié du marché alimentaire. Il eut donc été fort étonnant que les industries agro-alimentaires et le marketing délaissent le marché des seniors. Les spots publicitaires hésitent toutefois à mettre en scène les personnes âgées. Allez, encore un effort messieurs les publicitaires, dites-le avec des vieux, ce sera moins hypocrite ! »
Oui mais quand on les « parque » dans les maisons de retraite l’alimentation des seniors laisse beaucoup à désirer
Il ne s'agit pas d'un sentiment mais d'un constat dressé par l'association de consommateurs UFC-Que Choisir dans le numéro d'avril de sa revue. Un constat documenté puisqu'il qui résulte de l'enquête sur l’alimentation dans les Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) menée par une diététicienne spécialiste de restauration collective. Analyse menée sur 20 jours consécutifs, auprès d’établissements de 48 départements, entre novembre 2014 et janvier 2015.
Après avoir analysé les menus de 88 établissements, elle conclut à la prévalence de la dénutrition.
Celle-ci « est évaluée à plus d'un tiers »
Le magazine déplore que les multiples recommandations sur ce thème publiées depuis plusieurs années tardent à se faire sentir. Or, « lutter contre la dénutrition qui touche entre 450.000 et 700.000 personnes âgées en France, est un axe de prévention majeur
« Il est aussi regrettable, relève Que Choisir, que plus d’1 établissement sur 5 serve des plats du type nuggets ou burgers, sans rapport avec les traditions culinaires des générations concernées. Dans 1 établissement sur4, aucune alternative n'est par ailleurs proposée si le plat principal ne plaît pas. Cela ne risque pas d'aiguiser l'appétit des seniors, souvent déjà altéré par les pathologies du grand âge, les médicaments, les troubles de la déglutition et de la mastication, le déclin cognitif ou encore la dépression plus ou moins latente »
Certes, « les résultats sont hétérogènes », pointe que Choisir, mais le constat d’ensemble reste peu ragoûtant : « pas assez de poisson, de viande non hachée, trop rare dans la moitié des Ehpad, ni de fruits crus en dessert »
Les horaires du personnel priment sur la bonne alimentation des seniors.
« Les résidents de 43 Ehpad soulignent les dîners servis trop tôt (18h25 en moyenne), non seulement par rapport au goûter, mais aussi au regard du long jeûne nocturne qui suit, augmentant les risques d’hypoglycémie. Et puis, pour le journal Notre Temps, il y a aussi le manque de temps pour manger, surtout lorsqu’on a des difficultés de mastication ou d’autonomie, les plats servis trop froids, l’impossibilité de choisir sa place à table, voire des petits déjeuners servis en chambre ce qui ne favorise pas la convivialité... »
La Poule aux vieux d’or : quand le marketing mise sur les papy-boomers et les ménagères de plus de 50 ans
1 interview de Stéphane Gouin enseignant-chercheur à Rennes au département d’économie rurale et de gestion de l’agrocampus ouest par Valérie Péan mission Agrobiosciences
Valérie Péan : À première vue, il paraît difficile de mettre dans le même panier les personnes de 50 ans qui font partie des jeunes seniors avec celles de 70, 80 voire 90 ans. D’ailleurs, nous distinguions encore il y a peu 3ème et 4ème âge. Qu’en est-il aujourd’hui ? Existe-t-il encore de telles formes de distinction ?
Stéphane Gouin : Effectivement, il y a plusieurs moyens de caractériser les seniors, des « jeunes » seniors aux « grands » seniors. Parmi les différentes typologies existantes, l’une d’elles distingue les seniors par tranche d’âge d’une dizaine d’années, les séparant ainsi en quatre groupes.
En premier lieu, nous trouvons les 50-60 ans, baptisés les « hédoniques ». Ces derniers sont sensibles à l’authenticité des produits, aux nouveaux services et à la publicité. Le second groupe, celui des 60-70, est qualifié de « vigilants » parce qu’ils sont un petit peu plus attentifs à la qualité des produits et aux marques. Ils se caractérisent également par une forme de méfiance vis-à-vis des arguments marketing mis en avant. Viennent ensuite les personnes âgées de 70-80 ans. Ces « traditionnels », comme nous les qualifions, sont davantage tournés vers les produits de services ou faciles à utiliser. En outre, ils portent leur attention sur des critères de consommation plus classiques où les questions environnementales, sociétales voire d’éthique priment. Enfin, le dernier groupe concerne les plus de 80 ans, que nous désignons sous le terme d’ « ascètes ». Ces derniers consomment des produits dits de sécurité, à usage simplifié et, pourrait-on dire, davantage physiologiques.
V.P. : Vous nous avez donc présenté une approche par décennie. Existe-t-il d’autres typologies concernant les personnes âgées ?
S.G. : Oui, il existe des dizaines de tentatives de découpage de cette population. Mais ce qu’il est intéressant de remarquer est que la quasi-totalité de ces typologies convergent pour distinguer les jeunes seniors, les seniors qu’on appelle du reste seulement seniors, et les grand-seniors. Une autre approche propose un découpage non pas fondé sur l’âge mais selon leur comportement alimentaire et leur sensibilité à la communication.
En définitive, retenons que beaucoup s’intéressent à ces futurs consommateurs qui, comme vous l’avez dit, représenteront un consommateur sur deux en 2025. Aujourd’hui, cette frange de population est extrêmement importante. Pour vous donner quelques petits repères, un senior naît toutes les 37 secondes Une personne fête ses 50 ans toutes les 37 secondes et une femme fête ses 50 ans toutes les minutes dans le monde. Par conséquent, les industriels sont tentés de s’intéresser à ces seniors qui représenteront un milliard de consommateurs dans le monde d’ici une quinzaine d’années.
V.P. : Paradoxalement, nous constatons que très peu de publicités mettent en avant les seniors. On a l’impression qu’il y a une forme de communication et de marketing qui ne veut pas dire le nom de son public-cible.
S.G. : Votre remarque est très juste puisque actuellement, seulement 1% des spots publicitaires mettent en scène les seniors. Il s’agit à la fois d’une question d’éthique, pourrait-on dire, et d’image. Ainsi, les seniors sont un peu moins « sexy » ; ils renvoient à des images quelque peu galvaudées. On le constate au travers des produits dont la connotation est plutôt traditionnelle et qui donc répondent mieux à ces personnes-là. L’image du senior n’est, par ailleurs, pas toujours transposable chez les plus jeunes. Enfin, il y a encore peu de marques entièrement dédiées aux seniors et, de fait, de marketing direct.
V.P. : Peut-on néanmoins dire qu’il y a une évolution progressive ? La ménagère de moins de 50 ans est au cœur de toutes les discussions mais pourtant, depuis les années 70, les cibles vieillissent peu à peu.
S.G. : Je serais effectivement tenté de dire que les cibles vieillissent. Les seniors d’hier, des années 70, 80 et 90, sont bien évidemment différents de ceux d’aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que ces seniors-là ont connu les guerres, les époques de disette et de privation, et par conséquent, les époques où l’on ne consommait que ce qu’on pouvait payer. Tandis que de nos jours, avec les facilités d’emprunt, les individus peuvent facilement entrer dans une démarche d’’hyperconsommation. Mais ces "anciennes" générations, puisque tel est leur nom, refusent ce comportement. Ainsi, une typologie très intéressante du CREDOC montre que les personnes qui ont connu la Seconde Guerre mondiale, génération nommée robot-électrique du fait du progrès technique, sont attentifs à ce qu’ils consomment mais d’une façon plus ascétique, plus simple, disons plus physiologique. En revanche, les jeunes seniors, ceux qui ont une cinquantaine d’années, sont entrés dans cette société de consommation au moment de la fin des Trente Glorieuses. Ces individus ont connu, comme beaucoup, le chômage et les périodes d’incertitude. Nous sommes passés d’un modèle de privation à un modèle de consommation de satiété caractérisé par des individus repus. Or ces derniers cherchent surtout des moyens d’éviter de prendre des kilos ou des façons de rester en "bonne" la santé, de bien vieillir. Et ces générations se bousculent un petit peu entre-elles.