Je déteste février, chaque année j’attends la chute de ce petit mois du calendrier avec impatience ; elle me ravit, car il a beau être raccourci, tout rabougri, cet entre-deux teinté de gris m’amène sur des rives d’ennui qui me bouffent l’âme. Le cru 2015 fut, plus encore, redoutable : au spleen traditionnel s’ajoutât l’absence, son absence. Elle partait, à l’époque des grandes marées, tout à la fin de la Terre voir sa grand-mère et sa mère. Grand seigneur, je m’armais d’une patience de fer, que je rêvais à toute épreuve ; elle le fut sauf que, plus les jours passaient plus mon désir d’elle montait. Je le réfrénais. Mes jours, s’effilochaient. Je les comptais la tête pleine de ce que je lui déclarerais à son retour. Faire des déclarations d’amour ça je savais faire mais, face à elle, elles me fuyaient me laissant désarmé. Paradoxalement cette incapacité à lui dire tout ce je voulais lui dire m’apaisait, me rendait sans doute aimable. Notre déjeuner à son retour fut un de ces moments qui vous donnent ou redonnent le goût de vivre. De vivre au présent, intensément. Regonflé à bloc j’ai convoqué in petto ma bande de joyeux drilles tout juste remise de la tournée des provinces au Salon de l’Agriculture : ils avaient bouffé et picolé à s’en faire péter la sous-ventrière.
Mon propos liminaire fut décapant :
Et plus dure est la rechute pour le couple exécutif « Les sondages se suivent et se ressemblent pour le président de la République et son Premier ministre. François Hollande perd quatre points de confiance, à 25 %, en mars par rapport à février, tandis que Manuel Valls fait une chute de sept points, à 37 %, selon un sondage CSA/Les Echos/Radio classique* publié vendredi. », avec en prime une déculottée magistrale aux départementales. Se prendre une veste ne va pas être du goût des notables locaux du PS qui vont devoir abandonner voitures de fonction, notes de frais, cabinet pléthorique, et se retrouver dans leur misérable permanence ignorés de tous. Quand tu n’as plus le pouvoir : tu n’es plus rien ! Mon analyse fut radicale : ce gros parti, assoupi, sourd, lourd, mêlant des bien-assis conservateurs à de jeunes loups qui n’ont même plus de dents tellement elles ont rayés le parquet, d’ailleurs comment osent-ils se baptiser les frondeurs, regardez ce pauvre Christian Paul tout avachi, mou comme du beurre, ce parti, donc, a besoin d’un bon lavement. Vous savez le clystère dans le cul ! Ça dégage ! L’ex-premier secrétaire le sait, l’as de la synthèse va se retrouver juché sur un tas de décombres face aux survivants tétanisés qui n’auront plus que lui pour se raccrocher. L’heure des choix radicaux sonnera, les termes de l’alternative seront simples : retour à la balkanisation que le père Mitterrand a cassé, dans l’ambigüité, au Congrès d’Epinay ou l’érection d’un vrai parti social-démocrate fondé sur les nouvelles aspirations de la société. Comme c’est dans les vieux pots qu’on fait le bon beurre, Hollande n’aura que le choix que de la seconde voie pour entrer vraiment dans l’Histoire. Le petit père Queuille adoubera l’héritier de Clémenceau, le Manuel dont il nous faut préserver l’avenir en ouvrant la voie à une droite présentable représentée par le vieux Juppé.
Mes troupes apprécièrent ce discours musclé. Pour détendre l’atmosphère je changeais de registre en annonçant une nouvelle que venait de me transmettre une de mes gorges profondes non dépourvue d’humour : « Le Premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis et le Premier ministre Manuel Valls se déplacent jeudi en Haute-Vienne dans le cadre des élections départementales. Au programme, la visite de France Confection, spécialisée dans le vêtement sur mesure de haut de gamme. » Mon correspondant, en verve, notait :
- ETONNANT, ALLER VISITER UNE FABRIQUE DE VESTES À LIMOGES POUR SOUTENIR DES CANDIDATS AUX DÉPARTEMENTALES !
Quelle idée ! Pour une élection ?
Aller visiter une fabrique de vestes !
Ohé les communicants de Matignon ! Vous ignorez l’expression ? Pourtant, avec les anniversaires de la grande guerre …
Aujourd’hui, cette expression signifie subir un échec. Curieusement, la veste dont il est question était à l’origine un capot ! Si le rapport entre le vêtement et la carrosserie de la voiture ne semble pas évident, rassurez-vous, c’est qu’il s’agit d’un jeu de mots datant de 1867. Pour commencer, le terme capot désignait le manteau long qu’on appelait « capote », comme la capote militaire que portaient les poilus pendant la première guerre mondiale.»
Pertinent autant qu'impertinent il avait conclu « Même si une entreprise française dans le domaine du vêtement est devenu une rareté. Je suis sûr qu’en ce domaine, ceux qui gagnent le plus sont ceux qui collent leur marque (leurs étiquettes) sur les produits de l’entreprise. »
Passé ce moment de détente, je rebranchais mes troupes sur l’actualité en évoquant la tentative quasi-désespérée de ce pauvre Fillon pour tenter de surnager dans le bourbeux marigot de l’UMP. Difficile car Talonnette à ressort, dont il a été le chef de rayon pendant 5 ans, a repris ses thèmes usés jusqu’à la corde pour tenter de doubler Juppé sur son extrême-droite. Son interview au nouveau magazine Society est un modèle du genre looser absolu.
Morceaux choisis :
Pourquoi il n'a pas quitté Matignon en 2010
« François Fillon explique pourquoi il a refusé de démissionner en 2010 au moment du large remaniement opéré par Nicolas Sarkozy : « C'est compliqué de répondre à cette question. Premièrement parce que les relations (avec Nicolas Sarkozy, Ndlr) n'étaient pas exactement celles que la presse décrivait. C'est un mélange de complicité et de différences. Sur beaucoup de sujet, je n'ai pas hésité, en réalité, à entamer un bras de fer avec le président de la République. Deuxièmement, j'étais extrêmement populaire au sein de ma majorité durant cinq ans. Il faut se rendre compte de ce que c'est. Vous avez un président de la République pas très populaire et vous, à l'Assemblée nationale, les gens se lèvent dans l'hémicycle à chaque fois que vous prenez la parole, c'est grisant. Vous vous dites : « Merde, je ne vais pas m'en aller! Pourquoi je m'en irais? » Je ne saurai jamais si j'ai eu raison ou tort. »
La colère de Poutine sur la Libye
« Je me souviens d'une discussion très violente avec Poutine, fin 2011 :
- Je ne vous croirai plus jamais', disait-il. Vous m'avez trompé une fois, c'est terminé.
- C'est faux, on s'est contentés de bombarder les colonnes de chars...
- Vous avez tué Kadhafi !
- Mais ce n'est pas nous qui avons tué Kadhafi.
Bref, il m'a fait tout une démonstration : les avions français qui bloquent la colonne de Kadhafi, les forces spéciales sur le terrain... Même si c'est ce n'est pas nous qui avons appuyé sur la gâchette, l’honnêteté m'oblige à dire que ses arguments n'étaient pas tous fallacieux »