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22 mars 2015 7 22 /03 /mars /2015 07:00
CHAP.15 opération Chartrons, Colmou le rocardien qui rétrécit la gauche et le Buisson ardent qui brûle les doigts de Mélanchon

Semaine étrange, pleine d’absence, de trous, de fureurs intérieures, de dépressions suivies de remontées vertigineuses, je ruminais. Toujours précédées d’un long temps de lenteur, masqué par une manière d’être, absente, insondable, mes décisions importantes ont toujours été aussi soudaines qu’imprévisibles. Je tranche ! Laisse derrière moi ce qui n’est qu’après tout du passé sur lequel qui que ce soit n’a de prise. Hôtel de l’avenir, quel avenir s’interroge dans sa langue concise souvent imperméable, Patrick Modiano, par la bouche de son héros qui arpente les rues du Ve au petit matin tout près de l’église Saint-Jacques-Haut-le-Pas ? L’équation est simple, sans aucune inconnue, elle est mon avenir, je ne suis pas le sien, insoluble et je ne cherche pas à la résoudre. Précautionneux et attentif je me contente de me glisser dans tous les espaces qu’elle me donne. Et elle m’en donne. Apaisé face à elle j’en deviens contemplatif. M’envole ! La connexion se fait : amarrée sur l’autre rive du bassin, Milou, la péniche bleue et jaune, devient notre trait d’union, « je l’achète et nous partons ! » Elle sourit. Nos secrets, une forme d’intimité tendre, je m’inquiète, elle s’inquiète, mes mots, les siens. Et puis il y a le regard des autres… qu’importe… peu m’importe… C’est simple : débarrassé de mes vieux habits je revis. Prends de plus en plus de distance avec mon job, j’en ai marre de voir les gens de pouvoir sombrer dans la médiocrité la plus crasse. « Chronique d’un désastre annoncé » avis de gros temps, une vraie grande marée qui va tout emporter. Devant ma petite bande de bras cassés sympathiques je me roule une petite clope, tabac naturel et papier chanvre, et j’entame ma conférence de début semaine en évitant d’avoir l’air désabusé.

 

Au temps d’une Rocardie planant sur un petit nuage bleu ciel, sondages au zénith pour son cher Premier Ministre, souvenir du fameux Congrès de Rennes où les courants du PS s’étripèrent sans prendre de gants, juchés sur des chaises, tout près de moi, le couple Dray-Mélanchon leaders d’une motion à leur nom, très à gauche bien sûr, conspuait les sociaux-traîtres que nous étions. Et dire que Mitterrand avait refusé de voir Julien Dray entrer dans le gouvernement Rocard avec son petit sourire carnassier qui voulait dire : « je ne vais pas vous faire ce cadeau Monsieur le Premier Ministre, donner une gamelle de soupe à l’un de vos adversaires le plus acharné c’est me priver des services d’un roquet qui vous mordra les chevilles à la première occasion… » Par dérision nous les avions baptisés : Gueule de Raie et Méchant Con. Mais, en ce temps-là, les deux larrons ne faisaient pas parti de nos préoccupations premières : l’adversaire à abattre était le puissant et redoutable Laurent Fabius et ses troupes avec à leur tête l’actuel président de l’Assemblée Nationale, Claude Bartolone, et entre autres Didier Migaud, alors député de l’Isère et maintenant Premier Président d’une Cour des Comptes qui nous coûte bien cher pour des résultats insignifiants et un inconnu qui n’est pas devenu célèbre : Jean-Pierre Philippe, ex-Mermazien cherchant une belle écuelle, et qui la trouvera sous le gouvernement Jospin en se faisant nommer à la SOPEXA, présentement légitime époux de Longueurs&Pointes, la clopeuse des quais de Paris NKM alliée intermittente de Sarkozy. La Bretagne, foyer principal de la Rocardie, tous ces cathos de gauche passés avec armes et bagages au service de cette Deuxième Gauche honnie par tous les hiérarques du Parti. Les restaurants de Rennes étaient bondés et nous avions dû, un petit carré de suppôts de Rocard, accepter de partager le nôtre avec un bloc des partisans de Lolo du Grand Quevilly. L’atmosphère, tendue au départ, devint plus fluide au fur et à mesure que le vin produisait ses effets de convivialité. Si je vous parle de cet épisode c’est que ce soir-là, Yves Colmou, alors chef de cabinet du Premier Ministre, s’endormit pendant le repas.

 

En dehors des petits cercles du PS et de la gente politique, qui adore les coups fourrés, hantant les couloirs du Parlement, qui connaît Yves Colmou ? Les Préfets ! Ce cher Yves adore orchestrer le ballet des Préfets… Homme de l’ombre, comme l’écrit David Revault d'Allonnes, grand spécialiste de la 2e gauche, dans le Monde « il n'aime rien moins que d'apparaître en pleine lumière. «Moi, je ne m'occupe de rien», tente d'abord d'évacuer Yves Colmou, 58 ans. La réalité est tout autre. Adepte de la discrétion, le «conseiller auprès du premier ministre», numéro deux du cabinet dans l'ordre protocolaire entre la directrice et le directeur adjoint, n'en est pas moins l'un des piliers du système Valls. Conseiller politique et parlementaire, DRH et chasseur de têtes, expert ès cartographies électorales et éclaireur dans les méandres du PS. « Colmou est multifonction, estime un proche de M. Valls. Il est capable d'avoir un œil sur l'administration, le groupe, le parti. C'est le couteau suisse. » Son bureau, plutôt exigu et situé au rez-de-chaussée, ne fait pas partie de ceux, plus vastes et majestueux, qui entourent celui du chef du gouvernement, au premier étage de l'hôtel Matignon. Mais il se trouve juste à côté du salon où se tiennent toutes les réunions importantes. Vieux routier de la Rocardie et de la Jospinie, professionnel de l'appareil et des réseaux socialistes, capable d'égrener sans ciller les résultats électoraux, sur trente ans, des cantons les plus reculés, Yves Colmou ne saurait ignorer que l'essentiel, en politique, se joue ailleurs : en coulisses. »

 

Mais avec le premier tour des élections départementales, Yves Colmou est sorti brutalement de l’ombre, surnommé dans Le Parisien «l’homme qui rétrécit la gauche». Et d’énumérer les tares congénitales de la réforme menée en solitaire, lorsqu’il occupait le même poste Place Beauvau : fin du renouvellement des départements par moitié ce qui démultiplie la tendance générale du scrutin, qualification au second tour à 12 et demi pour cent des inscrits contre 10% jusqu’ici ce qui n'est pas très malin en ces temps d’abstention record et de gauche est faible est divisée.

 

Mes troupiers fascinés m’écoutaient dérouler la démonstration de Frédéric Métézeau dans son billet politique de France-Culture : Les apprentis sorciers se brûlent toujours les doigts 

 

« Avec ce nouveau mode de scrutin, le gouvernement s’est piégé tout seul mais ce n’est pas la première fois et c’est une nouvelle preuve que les redécoupeurs de cantons, les tripatouilleurs de calendrier, les appsrentis-sorciers des élections se brûlent toujours les doigts. Que ces réformes lancées comme des grandes avancées démocratiques avec en arrière-pensée l’espoir d’une victoire sans forcer, leur reviennent dans le visage comme le boomerang d’une défaite inattendue…

 

1986 : premières élections législatives à la proportionnelle sous la Vème République qui n'évitent pas la défaite de la gauche au pouvoir, 35 députés FN entrent à l'Assemblée et c’est la cohabitation.

 

1988 : la droite est passé par là et Charles Pasqua avec ses grand ciseaux pour le rétablissement du scrutin majoritaire mais la gauche retrouve la majorité, certes relative.

 

1997 : Jacques Chirac bouleverse le calendrier et dissout l’Assemblée Nationale, ses stratèges croient au bain de jouvence pour la suite du septennat, c’est la douche froide.

 

2002 : Lionel Jospin et Jacques Chirac (aiguillonnés par VGE) passent au quinquennat avec inversion du calendrier électoral. L’entourage du Premier ministre dont Manuel Valls et Yves Colmou y voient une réforme d’une si grande modernité et d’une si grande logique institutionnelle qu’elle va porter leur champion et son si bon bilan vers l’Elysée. Chou blanc donc…

 

2012 : redécoupage Marleix pour les législatives avec la création de 11 circonscriptions pour les Français de l’étranger (la 1ère Etats-Unis Canada, la 2ème Amérique centrale Amérique du sud, la 5ème Espagne Portugal et Monaco, la 8ème Italie, Grèce, Chypre, Israël, la 11ème qui couvre la moitié de la planète : la Russie, toute l’Asie et l’Océanie !) mais en juin 2012 malgré les craintes du PS la droite n’en remporte que 3 sur 11.

 

À l’inverse, en 2011 la gauche remporte le Sénat sans aucune réforme de ce scrutin pourtant censé favoriser la droite.

 

Moralité : la carte électorale et le mode de scrutin ne changent pas une élection. Un scrutin reste une démarche politique.

 

Jusqu’ici, redécoupages et tripatouillages pouvaient limiter les dégâts mais cette année cela risque d’être le contraire, reste que les scrutins sont de plus en plus illisibles pour les Français. Quand il était président, Nicolas Sarkozy confiait « les Français sont le peuple le plus politique du monde ». Il est vrai qu’avec une monarchie, deux empires, cinq républiques et quantité de réformes nous avons goûté à tout avec des cuistots très imaginatifs dans l’arrière-cuisine électorale mais aujourd’hui on frise l’indigestion ou pire… l’indifférence. »

 

J’abordais en dessert le cas de Mélanchon, un beau cas que je connais sur le bout des doigts depuis que je l’avais croisé alors qu’il était grouillot du maire de Massy Claude Germon

 

Dans leur dernier livre Le Mauvais Génie,  Ariane Chemin et Vanessa Schneider, grands reporters au Monde, révèlent comment Patrick Buisson, ancien prof d’histoire, proche des « néofascistes » Alain Renault et François Duprat, a bénéficié d’une mansuétude fascinante au sein de la Sarkozie. Non content d’insuffler ses thèses identitaires au président de la République, il a irrigué toute la droite, fabriquant de nombreux « bébés Buisson ». Dans le sillage de l’ex-directeur de la rédaction de Minute, un inframonde politique, réactionnaire ou ultracatholique, a retrouvé le chemin du pouvoir. Ça tout le monde le sait, ou presque, mais pour Mélanchon, à part nous les Grandes Oreilles, pas grand monde. Le journalisme d’investigation a besoin de sources, de vraies gorges profondes.

 

« J’en suis sûr. Je suis écouté. » La voix de Jean-Luc Mélenchon a blanchi. Près de lui, à quelques mètres, un collaborateur voit des gouttes perler sur son front. Le candidat du Front de gauche à la présidentielle vient de raccrocher après quelques mots murmurés au téléphone, mais la conversation semble l’avoir plongé dans une angoisse irraisonnée. Comme si le seul fait de s’être entretenu avec ce mystérieux correspondant avait suffi à le plonger dans cet étrange accès de fébrilité. (…)

 

L’homme avec lequel Jean-Luc Mélenchon était en ligne n’est autre que Patrick Buisson. (…) Buisson et Mélenchon se sont rencontrés au début de l’année 1993. Un jeune journaliste de Valeurs actuelles, Éric Branca, a décidé de s’atteler à une biographie de Philippe de Villiers. Patrick Buisson rejoint le projet en cours de route. Il donne au livre du souffle, du lyrisme, de la flamme. Pour clore l’ouvrage, les deux auteurs demandent à quatre « hérétiques » qui « ne supportent ni les carcans ni les contraintes » de donner leur avis sur le vicomte vendéen. Buisson a choisi Raoul Girardet, Marie-France Garaud, Bernard Debré et Jean-Luc Mélenchon.

 

« Mélenchon est l’un des derniers socialistes à se référer à une grille d’interprétation marxiste de l’économie et de la société, écrit Buisson après avoir reçu le texte du socialiste. Paradoxalement, ce n’est ni un brasseur de vulgate ni un adepte de la langue de bois. » Il est conquis. « Il faut absolument que tu me le présentes », demande-t‑il à Branca. Le début d’un long dialogue et d’une amitié. (…)

 

« Mélenchon a pris l’habitude de consulter son nouvel ami avant chaque décision stratégique. Buisson met avec plaisir sa science des sondages à son service. (…) Lorsque l’ami Jean-Luc Mélenchon se décide à concourir à la présidentielle, son conseiller occulte le convainc chiffres à l’appui, qu’il a un espace à conquérir à gauche du PS »

 

Régulièrement remise sur le tapis depuis 2012, comme une petite ritournelle que l’on chantonne quand revient le beau temps, ainsi de la présence de Jean-Luc Mélenchon en 2007 à la remise de la légion d’honneur de Buisson comme preuve flagrante de leur proximité. Face à Marc Oliver Fogiel, récemment dans l'émission Le Divan, Mélenchon propose un argumentaire plus sophistiqué mais pas vraiment plus convaincant. « Aller à la légion d'honneur de Patrick Buisson par Nicolas Sarkozy, c’est une curiosité, c'est une gourmandise, un spectacle gratuit. Comme si vous me disiez 'ah ! On a trouvé un papillon qui a des pattes, des pattes de lapin. J'y vais. Je vois le président de la république qui dit remercier l'homme qui lui a permis d'être élu. C'est extraordinaire !».

 

Ce n’est pas de la langue de bois mais de la langue de pute comme l’adore le monde médiatique. Ça ne draine pas les voix des gens d’en bas mais la Merluche, qui a tété au sein des hiérarques Mitterrandien, le sait mieux que quiconque : le peuple c’est beau mais, à démagogue, démagogue et demi, il préfère l’original à la copie… Alors le pont avec Buisson n’est pas une vue de l’esprit…

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