L’AFP annonce ce matin « Nouveau scandale alimentaire en Chine. Plus de 900 personnes ont été arrêtées récemment dans le pays pour des fraudes alimentaires, dont la vente de viande de rats ou de renards présentée comme du bœuf ou du mouton.
Cette fois-ci, « 382 cas de viande coupée avec de l'eau, de faux mouton ou bœuf, de viande avariée et de produits contenant de la viande toxique et dangereuse » ont été découverts. Au total, « 904 suspects ont été arrêtés, plus de 20 000 tonnes de produits carnés frauduleux ou de qualité inférieure » ont été saisis. Dans la province du Jiangsu (est), des détaillants vendaient du « mouton » fait à partir de viande de rat et de renard, additionné de produits chimiques. D'autres, dans le Guizhou (sud), mélangeaient une solution à base de peroxyde d'hydrogène à des pattes de poulet, une gourmandise chinoise.
Sur internet, ce nouveau scandale suscite nombre de commentaires : « On est presque immunisé contre des centaines de poisons, devrions-nous remercier ces extraordinaires hommes d'affaires ? », s'interroge un internaute sur Weibo, le twitter chinois. »
Le Monde Planète « La Chine fait une indigestion de scandales alimentaires »link
La Chine serait-elle en train de s’occidentalisez ? D’oublier face à l’abondance, qu’elle a rarement connue tout au long de sa longue histoire, les fondamentaux de son alimentation. L’irruption d’une large classe moyenne urbaine va-t-elle profondément modifier les habitudes ancestrales des Chinois. La malbouffe est-elle aux portes de la Chine ou l’a déjà-t-elle investie ?
Zheng Ruolin dans son livre « Les Chinois sont des hommes comme les autres écrit : Qui souhaite comprendre la Chine doit s’efforcer d’abord de saisir comment mange les Chinois qui ont « transformé la cuisine en un art absolu, jusqu’à ne plus savoir s’il faut manger pour vivre ou vivre pour manger. »
Pourquoi l’art culinaire s’est-il plus développé chez les Chinois que partout ailleurs.
1- L’alimentation principale est constituée de différentes variétés de céréales dont la récolte dépendait, et dépend encore, du climat et de la qualité des terres. La rareté des ressources alimentaires est donc une donnée primordiale. « Les habitudes ancestrales créées par des siècles de pauvreté ont la vie dure : la classe moyenne chinoise reste bien plus végétarienne que « carnivore. »
2- Le territoire occupé par les Chinois est très pauvre : « peu de plaines fertiles et trop de déserts, de collines rases et de montagnes stériles. Sur ce point rien n’a changé : la Chine nourrit près d’un quart ou d’un cinquième de l’humanité avec simplement 7% des terres cultivables de la planète. »
3- « Pour satisfaire leur estomac, les Chinois, dont la curiosité est très développée, ont vraiment tout essayé en matières d’expériences alimentaires fussent-elles étonnantes et dangereuses. » Proverbe de Canton « On mange tout ce qui a 4 pattes sauf les tables, tout ce qui vole sauf les avions, et tout ce qui nage sauf les bateaux. »
Les famines récurrentes et leurs lots de révolte ont ponctués la longue histoire de la Chine. Nourrir la population a toujours été pour les gouvernants et les conquérants, si vous me permettez l’expression, « un casse-tête chinois ».
Les Chinois accommodent tout : racines, herbes ou l’écorce des arbres, « le spectre de la disette a stimulé leur inspiration et les a incités à donner naissance à une extraordinaire variété de cuisines, toutes riches et délicieuses ».
Ça surprend les Occidentaux mais les Chinois « se plaisent à expliquer aux visiteurs les particularités de leur cuisine avant de les convier à passer à table. »
Vous pourrez donc apprécier « le scorpion mijoté, le poulpe bouillonné ou la tortue d’eau douce à la vapeur. Sans parler des chiens, des chats ou des cafards qu’on achète au kilo au marché de Canton ou d’ailleurs, à la stupéfaction ou à l’indignation des étrangers. »
La cuisine chinoise est donc un authentique art de vivre « les mets ne sont plus seulement conçus pour être goûtés mais aussi pour être admirés. »
« Le Chinois est devenu aussi sensible au spectacle d’un beau plat qu’à celui d’une peinture ou d’un paysage pittoresque. »
Les 3 critères d’évaluation du raffinement d’un plat chinois : la couleur, le parfum et le goût.
Le chef cuisinier chinois doit posséder une « sensibilité de peintre afin de composer un plat esthétique et maîtriser son couteau aussi parfaitement qu’un escrimeur son épée. »
Le gourmet chinois, contrairement au français qui fait une partie du travail comme couper sa viande, n’a rien à faire du tout. Il en serait bien incapable car il mange avec des baguettes.
Le secret de la cuisine chinoise ne réside pas dans les produits choisis, ils sont assez communs, mais dans leur cuisson et dans le mariage harmonieux des saveurs des différents légumes, des viandes ou des fruits de mer.
J’adore la petite pique de Zheng Ruolin « en dépit de maintes révolutions dont elle est si fière, la société française est restée aristocratique alors que la Chine a toujours été, est et restera un grand village familles citoyennes. L’égalitarisme entre les hommes, même s’il n’est pas toujours respecté bien sûr, surtout par les temps qui courent, est l’idéal éternel des Chinois ! Notre maître à penser, Confucius, n’a-t-il pas dit « ce qui est à craindre, ce n’est pas la pénurie, mais les inégalités. »
Deux spécificités de la cuisine chinoise sont peu connues des Occidentaux :
1- « pour les Chinois, une palette d’exquises sensations est offerte par les… dents. » c’est le kou gan. Les Français demandent souvent « Pourquoi aimez-vous tant l’holothurie, cette énorme limace de mer, puisqu’elle n’a aucun goût ? » La réponse est « allez faire comprendre que l’holothurie apporte une sensation indescriptible aux dents du gourmet chinois. Il faut être en mesure de sentir cette esthésie pour pouvoir se régaler de l’holothurie ou de bien d’autres mets chinois. »
2- L’autre spécificité, « c’est le mélange des goûts destiné à créer une saveur originale inexistante dans la nature. » Si vous avez eu la bonne idée, sur mon conseil, d’acquérir le livre de Zheng Ruolin vous avez pu comprendre cette spécificité en lisant la description d’un légume très banal, l’aubergine dans Le rêve dans le pavillon rouge, le chef d’œuvre du plus grand écrivain chinois du XVIIIe siècle, Cao Xueqin.
Et comme le souligne Zheng Ruolin « et ce n’est pas un plat de la famille royale. Mais un plat de tous les jours d’un simple mandarin de la dynastie Qing. »
Il note aussi « qu’avec la modernisation et la mondialisation fulgurantes des trois dernières décennies, la façon de manger des Chinois a beaucoup évolué, de même que leur manière de s’habiller, de se déplacer et de se divertir. Mais la place centrale de la cuisine et de ses plaisirs dans leur vie, elle, n’a pas changé. »
Mon interrogation à ce stade est simple : est-ce que comme chez nous une césure profonde va se creuser entre une haute cuisine élitiste et le manger commun de la classe moyenne qui oublierait ce qu’en France nous appelions le cuisine de ménage, celle de tous les jours ?