Pourquoi le Tarn ce matin ?
En effet, dans la France de la vigne et du vin le département du Tarn n’est pas inscrit au fronton (pas pu m’en empêcher même si cette appellation est entre le Tarn et la Garonne mais pas dans le Tarn) des lieux où prospèrent les appellations de prestige, il fait plutôt dans la roturière. Et pourtant, les amateurs savent mieux que quiconque qu’on y trouve d’excellents vignerons, des amis du taulier dont je tairais les noms afin de ne pas les compromettre, sauf celui de Michel Issaly qui m'a convié aux Rencontres Nationales des Vignerons Indépendants de France les 12-13 avril à Orange.
Et bien c'est à cause de mes vaches. Ces dix derniers jours ceux qui les élèvent dans le Tarn et le Sud-Aveyron faisaient l'objet de mes préoccupations. Qui allait ramasser leur lait ? Mes gars s'inquiétaient au téléphone. Même leur Préfet qui me donnait du Monsieur Berthomeu (sic) sans doute par effet de mimétisme. A force de jongler avec des millions de litres de lait au téléphone j'en devenais chèvre... Mais il ne faut jamais désespérer, il existe encore en notre petit monde des gens de bonne volonté. Je tairais leurs noms, ils travaillent pour de grandes entreprises, mais je les remercie du fond du coeur pour ce qu'ils ont su faire et qu'ils n'étaient pas obligés de faire.
J'en reviens donc aux tables à sacrifices des premiers vignerons de , la Haute Vallée du Tarn qui se situe dans le Sud-Aveyron. Les limites administratives ne s’embarrassent pas toujours des subtilités de nos AOC : Saint-Affrique et Gaillac sont à la même longitude. Donc, en cette Haute-Vallée la tradition populaire appelait des monuments énigmatiques : les « tables à sacrifices ».
La plus célèbre d’entre-elles se situe au lieu-dit Savignac sur la commune de Saint-Affrique. Il s’agit d’une haute table de grès de plus de 3 mètres de longueur sculptée en forme d’écusson. Non loin de là, sur une crête rocheuse dominant le lycée agricole de Saint-Affrique, un bloc mal dégagé présente, dans sa partie supérieure, un grand bassin déversoir. Sur l’une des parois latérales du monument, deux têtes conjointes sont sculptées dans un style naïf. Il s’git d’un homme et d’une femme qui pourraient bien être les anciens maîtres des lieux. À Marzials, sur la commune de Montjaux, dans un petit bois de chênes, le promeneur pourra découvrir un bloc de grès de plusieurs tonnes dont la partie est évidée en forme d’écusson. Non loin de Candas, près de la source d’Aiguebonne, deux splendides bassins contigus, munis chacun d’un déversoir d’écoulement confirment que ce que les gens du cru nommaient « tables de sacrifice » sont des pressoirs ou fouloirs à vins du type le plus archaïque.
Ils sont antérieurs aux pressoirs à vis de bois, et « tout porte à penser qu’ils furent aménagés vers le Xe siècle sur les adrets viticoles, partout où la géologie du terrain le permettait. » Le professeur Enjalbert dans une étude parue dans la Revue du Rouergue montre « que l’augmentation de la population et une certaine spécialisation agricole favorisèrent le développement du vignoble sur les versants bien exposés » des vallées de la Muse, du Tarn et du Dourdou. « C’est alors que commencèrent à être édifiés les innombrables murs de vignes en terrasses qui, même en grande partie abandonnée, forcent encore l’admiration par la masse de labeur qu’ils représentent, et qui, des Gorges aux Raspes, constituent des ornements distinctifs du paysage de la vallée. »
« Voilà les plus anciennes traces du vignoble local, un vignoble dont la production était acheminée à dos de mulet vers les montagnes du Massif Central et qui, sans être très célèbre, prenait place néanmoins dans toutes les affaires locales. N’est-ce pas « un muid de vin clairet » de la vallée du Tarn que les consuls de Millau offrirent à Jean Chandos, représentant du roi d’Angleterre, lorsqu’il vint prendre possession de la ville en 1362 ? »
Extrait d’un article d’Alain Vernhet chargé de recherches au CNRS Conservateur des Fouilles de la Graufesenque dans « les Bacchanales culturelles autour du pic st Loup » 1981-1982