Amis du vin ne fuyez pas devant le fumet de mes fromages, ma chronique matinale participe à l’esthétique du bien vivre en s’en prenant aux pharisiens et aux marchands du Temple qui peuplent nos villes, monopolisent la parole, s’érigent en penseurs du temps alors qu’ils ne sont que des charlatans relookés. Si vous voulez bien suivre mon esprit d’escalier je vous propose de déguster ma petite charge dédiée à une certaine Michèle Gray parfumeuse de fromages de son état.
Entrée
« On me l’avait dit, j’étais jeune et je ne voulais pas le croire : les villes et les pays ont une odeur. Je trouvais cette idée odieuse car je croyais à l’égalité entre les peuples et n’imaginais pas qu’elle pût (et non pas pue) être battue en brèche par l’odorat. » déclarait Pierre Gentelle. Dans le Métro parisien chaque station a son odeur link. Et bien sûr nous sommes le pays des fromages qui puent (voir le Top 15 des fromages qui puent link )
Plat de Résistance :
Elle a osé déclarer, une certaine Michèle Gay, « styliste des saveurs culinaires » (sic) « Un fromage nu reste un ingrédient, un produit de terroir. Un fromage parfumé devient une recette à part entière » L’arrogance et la suffisance de ce type de créateur de pacotille – séminaires et formations olfactives 2000€ les quatre heures – fouettent bien plus que les fromages qui puent. Oui, oui, cette haute dame créatrice « transforme la planète fromage en parfumerie de haute couture » Rien que ça mes braves, quand les bornes sont dépassées y’a plus de limites, tout est possible au royaume des fashion-victim. Que madame cartonnasse « dans les plus grands restaurants avec ses poudres aromatiques à saupoudrer en fin de reps sur les fromages les plus trapus ou odorants, les Vacherin du Haut Doubs au géranium et à la bergamote, morbier du Jura à la menthe, tomme de Savoie au patchouli et à la coriandre, pithiviers du Loiret au cyprès et à la lavande, reblochon à la sauge et au thym... » grand bien lui fasse mais quand à crier au génie y’a un pas que je ne franchirai pas. Franchement, par bonheur le ridicule n’a jamais tué, mais quand cette frimeuse déclare « Mon travail consiste à imaginer des accords entre fromages et parfum pour les sublimer et les sophistiquer » je me gondole. Que « dans l’aromathèque de la Villa Violet (le « buiseness meeting place » d’Anne Dassac, Paris 7), restaurateurs et parfumeurs viennent ainsi chaque semaine dans la pénombre (pour décupler leurs sens) assister aux cours de cuisine réceptive de Michel Gray » j’adore ! C’est goûteux ! C’est à l’image du temps et moi ça me renvoie à la très célèbre Université de Vincennes (voir texte ci-dessous)
Fromages:
Pour les jeunes pousses Paris VIII Vincennes (Bruno Tessarech Vincennes éditions Nil) qui « a eu Mai 68 pour maman, Edgar Faure pour papa et Charles de Gaulle pour parrain » et qui accueillait au fin fond du bois de Vincennes, dans un bordel innommable Deleuze, Lyotard, Chatelet, Rebérioux, Lapassade... » et qui se parfumait à la chaussette et au slip mal lavé, à la clope et autres fumettes, au foutre et à l’encens des Peace and love, produisait du sens. Lorsque madame Gay apprends à ses cobayes payants « à traduire en goût leur perception olfactive » elle occupe leur vacuité, compense leur perte de sens, profite de leur acculturation. Qu’ils fussent surpris de découvrir à quel point leur façon de se parfumer est connectée à leurs goûts alimentaires » doit sans aucun doute les bouleverser, donner du sens à leur vie. Les mêmes trouveront sans doute lors de leurs incursions dans la nature que l’odeur de la bouse de vache est importune et que le parfum de la basse-cour de la ferme laisse à désirer. Madame Gay ne parfume pas les fromages qui puent, elle masque leur odeur naturelle, elle farde la réalité comme le faisait les poudrés de la Cour du Roi de Soleil. Pourquoi pas me direz-vous ? Oui pourquoi pas mais de grâce qu’elle nous épargne ses discours justificateurs à la con. La main de l’artisan fromager vaut mille fois la sienne qui se contente de faire pouêt-pouêt sur un vaporisateur.
Dessert :
« Il est tentant de proposer à l’étude des sciences géographiques un sujet sur les odeurs et leur géographie. Cela peut se faire à plusieurs échelles, avec diverses temporalités. Cela peut même se mesurer, en ppm par dm3 par exemple. Pourquoi éviterait-on le sujet ? La géographie de ces dernières décennies nous a appris à juste titre que tout pouvait être objet de géographie. Il suffit de parcourir la liste des sujets de thèse déposés à Nanterre pour s’en convaincre. Je me souviens de cours à l’université de Vincennes, vers 1969-70, où étudiantes et étudiants se humaient doctement et dans la réciproque les aisselles, sur la recommandation de professeurs inventifs, les géographes restant hélas à l’écart de cette quête savante. Qui pourrait oublier le rire gras de Jacques Chirac évoquant à la télévision la dure cohabitation de Français logeant à côté de Maghrébins ? À un degré guère plus scientifique, je me souviens d’avoir passé dix jours complets assis à côté d’un chauffeur de camion dans le désert du Takla-Makan, en Chine occidentale, qui mâchonnait allègrement, par goût autant que pour sa santé - comme les ruminants de chewing-gum - deux à trois têtes d’ail cru chaque jour, dont il attaquait successivement les caïeux sans même songer à éliminer l’indiscret. Ses rots puissants, toutes vitres fermées par les - 10° de février, auraient permis de faire des cartes tridimensionnelles de la réverbération de la pestilence dans un local fermé, qui auraient hélas mieux servi la dynamique des fluides que la géographie générale. » la suite link