Le Singe en hiver d’Antoine Blondin, cité comme favori pour le Goncourt 1959, se le vit souffler par un inconnu André Schwarz-Bart pour le dernier des justes. En compensation il reçut le prix Interallié. Son collègue d’alcools de nuit Roger Bastide le charrie gentiment « Notre Blondin d’amour, sous son apparent détachement pour les distinctions officielles, rêva du Goncourt au moment d’un Singe en hiver. Cette légitime ambition, renforcée par les assurances de son éditeur, dut même le soutenir dans sa chambre d’hôtel à Mayenne quand « un grand engourdissement » le réduisait à l’impuissance devant la rame de papier blanc. »
Henri Verneuil, bien avant l’attribution de l’Interallié, s’empressa d’aller placer le roman sous le nez de Jean Gabin qui tournait aux studios d’Épinay avec Jean Delannoy. « Je viens de le terminer, lis ce roman, tu vas être ravi… sans être vraiment convaincu que ce conseil allait être suivi. Gabin ne lisait que France-Soir et l’Équipe précise Verneuil en ajoutant, c’était de la paresse. »
L’a-t-il lu ? Nul ne le sait mais, à cette époque, dans les années 60, « la trilogie Verneuil-Audiard-Gabin formait une équipe soudée… par le succès. »
Les droits furent achetés mais les Américains de la MGM renâclaient : A monkey in winter, bof ! De plus le contenu du roman, un archange de l’alcoolisme qui débarque chez un ivrogne repenti, ne les emballait guère. C’était toujours No !
Verneuil s’obstine, déclare à la MGM que Gabin est enthousiaste et, avec la complicité d’Audiard il parvient à ses fins.
Deux mois de travail minutieux à Dourdan pour rester fidèle au roman. Audiard était devenu fou de Blondin. Verneuil avoue « Nous avons travaillé dans le calme dans la maison de Dourdan avec la conviction que nous traitions une matière d’une richesse rare… »
De la belle ouvrage : rappelez-vous la réplique culte que Quentin-Gabin à Paul Frankeur : M. Esnault, le patron du café...
« Il ne faut pas mélanger les grands-ducs et les bois-sans-soif. Oui monsieur, les princes de la cuite. Ceux avec lesquels tu as bu le coup des fois mais qui ont toujours fait verre à part. Ils sont à cent mille verres de vous. Sur leur caravelle, sur leurs tapis volants, ils tutoient les anges. »
Blondin s’étonna que des critiques aient prétendu qu’il avait voulu, dans un Singe en hiver faire l’apologie de l’ivresse ou qu’à tout le moins celle-ci constituait le thème central du roman.
« Aucun de mes personnages, ne boit pour se saouler mais plutôt pour changer les couleurs de la vie, tenter de la rendre plus acceptable, surtout lorsqu’ils se sentent seuls. Or, il se trouve que la boisson stimule un élan de compréhension pour autrui. Qu’il s’agisse de repeindre les choses ou de se donner des prochains, l’ivresse n’est pas une passion, mais un état où des « clés » vous sont rendues.
Lorsqu’ils sont ivres, Quentin s’imagine en Chine et Fouquet en Espagne. Pourtant, ils se rejoignent malgré la distance de leurs âges, de leurs expériences, de leurs nostalgies parce que le thème essentiel d’Un singe en hiver, c’est l’amitié. »
Autre réplique-culte « On ne connaît plus, on ne salut plus... on méprise »
Très belle vidéo Lieux de tournage du film « Un singe en Hiver » avec la fameuse réplique de Gabin.