La 13ième étape du Tour 1950 partait de Perpignan pour gagner Nîmes. Cagnard d’enfer sur un parcours tourmenté égrenant les vignobles du Midi Viticole. Deux larrons de l’équipe d’AFN (l’Algérie est alors française et le Tour se court par équipes nationales et régionales) Marcel Molinès et Abdelkader Zaaf attaquent et prennent une large avance : jusqu’à 16 minutes et leur échappée semblait les mener à joindre l’arrivée où la victoire se disputerait au sprint. Zaaf lâchait Molinès mais, « assoiffé, se saisissait d’un bidon tendu par un spectateur. Malheureusement pour lui celui-ci contenait du vin. Coup d’assommoir pour le coureur qui, après s’être désaltéré, légèrement titubant, reprenait son vélo et repartait en sens inverse. » C’est donc Marcel Molinès qui ralliait Nîmes en vainqueur avec 4 minutes 30 d’avance sur le peloton comprenant Stan Ockers et le futur vainqueur le suisse Ferdi Kubler.
Légende que tout cela, la chaleur, la fatigue et surtout l’ingestion d’amphétamines Zaaf a été victime d'un malaise et il s'est écroulé au bord de la route. Des vignerons qui se trouvaient là l'ont adossé contre un platane (voir photo ci-dessous) et comme ils n'avaient pas d'eau sous la main l'ont aspergé avec du vin. De plus Zaaf en bon musulman pratiquant ne buvait pas de vin ça ne l'empêchait pas de poser avec un verre de St Raphael à la main). Ayant retrouvé ses esprits, ou presque, enfourchait son vélo mais repartait en sens inverse. L’organisation étant ce qu’elle était à cette époque, on ne sait trop comment il se retrouvait nez à nez avec la voiture-balai. Sans doute le peloton était passé devant son platane pendant son malaise. Il empestait la vinasse d’où cette histoire qui fit le bonheur des salles de rédaction. Bonne pioche, devenu populaire il fut invité à de nombreux critériums d’après-Tour. Et comme en 1951 il s’octroyait la lanterne rouge du Tour Abdelkader Zaaf entrait dans la légende de celui-ci.
Pour les amateurs de statistiques : 48 français se sont octroyés la lanterne rouge, devant les belges 13 fois mais ceux-ci détiennent le record pour un seul coureur Wim Vansevenant lanterne rouge en 2006, 2007 et 2008, les bataves 9 fois, les italiens 8 fois, les suisses 5 fois, les espagnols 3 fois, les allemands, les anglais et les danois 2 fois, les ressortissants du Portugal et de la Biélorussie 1 seule fois. Rarement les lanternes rouges sont passées à la postérité mais certains, tel le breton Joseph Groussard frère de Georges porteur du maillot jaune 9 jours consécutifs en 1964, étaient de bons porteurs d’eau aimés par le public. Le Tour de France était une vraie fête populaire où les coureurs, même s’ils usaient de remontants, pouvaient être qualifiés de « forçats de la route »