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2 février 2014 7 02 /02 /février /2014 07:00

Adeline fut intraitable, je devais sortir de ma tanière pour faire le marché de la semaine. Pour me convaincre elle m’a acheté un superbe vélo, un « urban cycle » m’avait-elle dit en se marrant, une petite merveille poids plume, le genre pas de mon âge pour deux sous. Grand con que je suis j’ai bien sûr mordu à l’hameçon et vendredi matin nous sommes allés sur le minuscule marché de la place Monge en plein fief des Tiberi, moi sur ma nouvelle monture et Adeline sur un vieux vélo de course Mercier à guidon Bas. Quelle allure la gourgandine ! Je suçais sa roue tout en matant ses fesses moulées dans un collant noir. À l’arrivée sur le marché j’étais carbonisé et je suis allé me prendre un café au bistrot « Le Muscadet ». Quand j’ai débarqué sur le marché le tractage battait son plein, ça chauffait entre les bandes rivales, droite contre droite : partisans de « longueurs et pointes » et les fans de Dominique le rejeton de Jean et de la pieuse Xavière dont Bernard Bled, l’ancien secrétaire général de la mairie de Paris, dit «qu’elle lui a tricoté sa carrière, maille après maille, comme on tricote un pull pour son mari»  Les première secousses du séisme jetaient un froid bien plus radical que la météo : selon un sondage BVA la liste soutenue par la socialiste Anne Hidalgo dans le Ve arrondissement de Paris, l’emporterait au second tour dans tous les cas de figure. Un quinqua bravache, une botte de poireaux sous le bras, Luc, confirmait aux frères ennemis qu’il votera à gauche en mars. Un choix de raison. « Les Tiberi ont fait leur temps et NKM, qui m’a séduit au début, mène une campagne poudre aux yeux, très maigre sur le fond, taclait-t-il. Je ne suis pas d’accord sur toutes leurs propositions, mais je choisis l’équipe en place : eux sont solides. »


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Ce petit jeu à la con et le froid bien vif m’avaient donné envie de pot-au-feu. Nous sommes revenus à Sainte-Anne chargés comme des bourricots. Adeline s’est mis de suite aux pluches en m’intimant d’aller « travailler ». Ce que j’ai fait. Très vite le fumet du pot-au-feu a envahi la turne. Ça m’a mis d’humeur légère. En sirotant mon énième café j’ai remis en forme un vieux texte extirpé du disque dur : la technique du  sculpteur taillant à coups de burin la matière. Une vraie jubilation, calé dans ma bulle j’ai travaillé jusqu’à 3 heures de l’après-midi sans même m’en apercevoir. Mon estomac criait pourtant famine. Adeline avait dressé la table. Elle me servait un verre de Beaujolais blanc de mon ami Jean-Paul Brun, un chardonnay plein de fruit qui allait bien avec les langoustines. Guilleret et bavard, j’entretenais la conversation pour le plus grand bonheur de ma nouvelle « bonne » qui adore la politique. Sur le pot-au-feu nous nous tapâmes toute une bouteille de l’excellent côte-de-brouilly de Jean-Paul. Nous étions gais comme des pinsons et nous allâmes manger nos tartes aux pommes au lit. Avant de déjeuner j’avais balancé mon petit texte sur l’e-mail d’Adeline. Callée dans les oreillers elle se plongeait dans la lecture sur sa tablette alors que moi je plongeais dans un sommeil réparateur et, peut-être, bruyant.


Plus petite conne que moi, tu meurs !


« Mon mec, il m'a vu naître. C'était un ami de mon père. Enfant je l'ai surpris dans le lit de ma mère. Longtemps j'ai cru qu'il était mon père. Ma mère changeait souvent d'amant. Elle trainait au lit. Mon père travaillait sans donner le sentiment d'être malheureux. Il lui achetait de la lingerie fine. Elle la mettait pour ses amants qui la saccageaient.


Moi je rodais autour. J'adorais leurs odeurs. Les hommes de maman m'offraient des cadeaux. Aucun d'eux n'a cherché sous mes jupes. Le dimanche papa m'emmenait au square et nous sucions des glaces à la vanille. Un jour il m'a acheté un petit chien tout noir. Un scottish comme sur les bouteilles de Black and White. Maman détestait mon chien car il bouffait ses escarpins. Je l'avais appelé Moumousse. Il sentait mauvais.


À l'école je rêvassais. La vie de mes parents me semblait étrange. Ils s'aimaient vraiment. Jamais de disputes, tout se passait dans une promiscuité silencieuse. La duplicité de mon père, son amour masochiste pour une femme qui passait l'essentiel de son temps dans les bras d'autres hommes relevait pour moi du plus profond des mystères. Tout me paraissait de guingois chez nous, car mes parents, aux yeux des autres, affichaient l'image d'un couple uni, allant à la messe, ma mère recrutait ses hommes dans les bars d'hôtel loin de notre maison nichée sous les ramures d'une belle futaie... 


Moi j'étais pomponnée comme une poupée. On me passait tous mes caprices. À quatorze ans j'étais une grande asperge, à la poitrine déjà généreuse, qui passait son temps à se faire les ongles en écoutant Salut les Copains. Les hommes de maman lorgnaient sur moi ce qui l’agaçait profondément. Moi je trouvais ça très excitant. Je ne manquais aucune occasion de me balader en petite culotte lorsqu'ils allaient se réajuster dans la salle de bains. Papa plongeait dans un silence triste. Maman passait de plus en plus de temps devant son miroir et, elle aussi, elle s'assombrissait. Papa s'est noyé dans l'étang des Mares, tout près de chez nous. Maman a beaucoup pleuré. Le noir lui allait bien. Le curé a refusé d'enterrer papa à l'église, ça a beaucoup affecté maman. Maman n'avait plus de goût à rien, les hommes se faisaient rares chez nous, comme si la mort de papa privait maman du ressort qui animait sa drôle de vie. 

 

à suivre...

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