Cacher ma grande et jubilatoire satisfaction serait de ma part faire preuve d’une hypocrisie de vieux chanoine rongeant son frein face à l’arrogance des prélats. J’exulte, oui ! Pour l’heure, comme je n’ai pas sous les yeux les attendus de l’arrêt du Conseil d’État je ne vais pas me livrer à ce qui était mon exercice favori lorsque j’étais étudiant en Droit au temps d’Yves Prats le frère de Bruno et l’oncle de Jean-Guillaume de Cos d’Estournel (tout me prédestinait à tomber dans le tonneau de Bordeaux) le commentaire d’arrêt. Oui j’étais le Paganini du commentaire d’arrêt (oh les chevilles, oh les chevilles…)
Que voulez-vous lorsque je me penchais sur mon clavier en juillet 2009, encore jeune et fringant, pour mettre mes gros sabots crottés dans le beau terroir de l’ODG de Pomerol link pour m’étonner que 35 viticulteurs, ayant des vignes sur l’aire de l’appellation Pomerol, mais pas de chais, seraient privé de leur droit de vinifier du Pomerol. Je ne vais pas revenir sur le fond, il en sera toujours temps puisque le feuilleton, comme toujours en notre beau pays, aura une suite puisque, sentant l’odeur du roussi, un second décret fut pondu par les éminences juridiques de nos appellations afin de rectifier certaines anomalies historiques.
Bref, l’argument« j’aime tant mon grand terroir de Pomerol que je le protège des petits prédateurs… » si beau, si saint-sulpicien, si je me fous de la gueule du monde pour jeter un voile pudique sur mes arrangements avec le ciel, tient la route comme ces belles voitures anglaises dont on disait que rien ne les arrêtaient même pas leurs freins… » Tout ça sent le crottin de cheval, de pur-sang bien sûr ! Les hippodromes en France ont depuis quelques temps d’étranges destinées mais que voulez-vous sans doute fallait-il enrichir l’aire de Pomerol d’une zone de proximité au prestige reconnu par les turfistes du cru.
Libourne : sous les sabots, la vigne : Des pieds de merlot pousseront sur l'empreinte des chevaux, à la place de l'hippodrome de Cantereau. Mercredi 26 janvier 2011 Sud-Ouest
J’arrête là mes railleries de petit chroniqueur qui adorait la rigueur du droit administratif à la française. Pendant des années « Les Grands Arrêts du Conseil d’État » fut mon livre de chevet. Que voulez-vous l’arrêt Blanco du 8 février 1873, l’arrêt Compagnie nouvelle du gaz de Deville-lès-Rouen du 10 janvier 1902, l’arrêt Syndicat des patrons coiffeurs de Limoges du 28 décembre 1906, l’arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges du 31 juillet 1912, l’arrêt Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux du 30 mars 1916 me procuraient une forme d’extase et le fameux arrêt Barel du 28 mai 1958 sur le principe de l'égalité d'accès aux fonctions et emplois publics.« L'administration ne saurait, sans méconnaître ce principe, écarter un candidat en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques » l’épectase.
J’appelle de mes vœux de juriste – même si on ne me donne pas du Docteur – un grand arrêt des sans chais de Pomerol pour que je puisse raconter à mes petits-enfants : Martin, Zoé et Juliette que leur papy impénitent chroniqueur avait tiré dans les premiers sur ce déni de justice qu’était ce premier décret…
La suite au prochain numéro…