Comme y’a du vin qui se cache là-dessous, du rouge de charbonnier, costaud, franc du collier, avec des paluches à la Embres&Castelmaure, vous allez aimer ces spaghetti alla carbonara de Jean-Claude Malgoire de la Grande Ecurie et la Chambre du Roy. Des vraies, pas des spaghettos de parigots barbotant dans de la crème fraîche, des longs qu’il faut aspirer penché sur son assiette.
L’auteur, Philippe Beaussant, avait déjà rencontré Jean-Claude Malgoire deux fois mais ce fut la troisième qui compta, à Saint-Maximin, en 1973, lors d’une sorte d’avant-première d’Alceste de Lully. « Le lendemain (ou le soir, je ne sais plus) écrit-il, je retrouvai Jean-Claude à la terrasse d’un café, sur la place. Il transcrivait des fragments de partitions pour une prochaine répétition. Je lui ai demandé « Est-ce que je peux vous aider ? » J’ai donc copié aussi. Nous avons parlé de Lully et, très vite, de cuisine. C’était ma première vraie conversation avec lui : d’emblée, nous «étions au cœur du sujet – des deux sujets – Lully et la ratatouille. »
Comme j’ai l’esprit de contradiction, et même si j’adore la ratatouille, même si celle de Malgoire est une véritable ratatouille, une alchimie, je préfère vous donner la recette des spaghetti alla carbonara que Jean-Claude Malgoire a recueilli de Gianfranco Rivoli : « ils l’ont fait ensemble, dégustée ensemble, en préparant leurs spectacles. » un peu à la manière de mon ami Daniele De Michele dit Don Pasta.
Malgoire « n’aime rien tant que l’étymologie des plats qu’il prépare. Il faut en passer par là. »
« Les spaghetti alla carbonara sont-ils ainsi nommés parce que les charbonniers les emportaient dans leurs forêts pour s’en caler le ventre après l’ouvrage, ou bien le nom vient-il des carbonari de Garibaldi, ou bien, tout simplement, de ce que les lardons vont noircir en cuisant dans le vin rouge ? »
Oui, oui du vin rouge (2 verres) dans lequel vous ferez cuire doucement la moitié des lardons (400g) que vous aurez coupés vous-même dans de léchine de porc en fines lamelles. L’autre moitié ira cuire doucement dans la poêle dans son propre gras, sans huile ni autre apport extérieur. Je résume.
Vous réservez les uns et les autres. Puis vous faites cuire vos spaghetti dans une bassine d’eau : 1 litre par 100 grammes, que vous salez avec du sel gris (ça c’est de moi). Pendant ce temps « vous mettez dans votre soupière un œuf – entier, c’est encore de moi – (eh oui, le mystère est l même que dans la ratatouille…)que vous battez en omelette. Vous jetez dessus vos spaghetti égouttés et bouillants : ce son eux qui vont cuire l’œuf. Vous touillez et jetez dessus tous vos lardons mêlés. C’est tout. Pas de crème fraîche ou autre, qui sont des inventions de Parisiens » Moi j’ajoute que ce sont les BOF via la Normandie qui les ont pervertis.
Reste chers lecteurs à déterminer dans quel vin rouge vont mijoter les lardons, un costaud, un qui réchauffe le corps et le cœur, un rouge de bucherons avec lequel vous ferez couler vos spaghetti alla carbonara made in Malgoire. Mais pour rester léger je vous propose d’écouter pendant votre repas Le prologue d’Alceste de Lully dirigé par Jean-Claude Malgoire.En 1966 Jean Claude Malgoire, soliste à l’Orchestre de Paris, fonde la Grande Ecurie et la Chambre du Roy, ensemble cosmopolite constitué d’instrumentistes spécialisés jouant sur instruments historiques. La Grande Ecurie s’est surtout illustrée dans le style baroque, mais son répertoire s’étend en réalité du XVIe au XXIe siècle. De la résurrection de chefs d’œuvre en passant par de grands classiques jusqu’à la création contemporaine, cet orchestre novateur de renommée internationale réalise de nombreux enregistrements intégraux et se voit décerner de prestigieuses récompenses. « De la muséologie à la musicologie en passant par la lutherie, l’activité de la Grande Ecurie est intense. Rendre hommage au compositeur en restituant son œuvre telle qu’elle a été écrite demeure sa particularité. A chaque période correspond un son bien précis que les instrumentistes s’évertuent à reproduire, les obligeant à posséder plusieurs jeux d’instruments (jusqu’à 7 ou 8 pour les vents) qu’ils sont parfois amenés à fabriquer eux-mêmes. Certains d’entre eux sont d’ailleurs devenus facteurs. Outre l’investissement financier, de longues recherches d’écrits et de partitions originales sont entreprises, auxquelles s’ajoute une étude minutieuse des textes. Cette quête d’authenticité engendre également un travail rigoureux de formation des chœurs et des chanteurs afin qu’une symbiose s’opère entre l’interprétation vocale et instrumentale. Depuis 40 ans cet ensemble original compte plus de 3000 concerts sur les 5 continents, et plus de 100 enregistrements. Orchestre subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication/Drac Nord-Pas de Calais.