En notre beau pays, l’inflation à deux chiffres terrassée par le Jacques Delors l’archange de l’indice des prix, présentait l’avantage pour monsieur et madame tout le monde de rembourser en monnaie de singe ses emprunts. Nos voisins allemands qui ont connu, sous la République de Weimar, l’inflation à 3 chiffres : soit la valise de marks pour payer sa miche de pain, la vivent comme la vérole tombant sur le bas-clergé. Comme vous pouvez le constater l’inflation, ange ou démon, reste au bout du compte, lorsqu’on tire trop sur la ficelle, une fuite en avant qui débouche sur des potions amères.
C’est un peu ce qui guette le monde, dit des Grands Vins, ceux de Bordeaux bien sûr, qui fait ses délices d’être devenu un produit de placement, un produit financier. Ça chauffe ! Les traders jouent du fluteau. Appâtés par l’odeur du blé les déçus des produits dérivés se ruent sur le GCC. Grand bien leur fasse moi ça ne m’empêche pas de dormir. Mais pour que la pression monte dans la chaudière il faut pousser les feux, alimenter en combustible la machine Denis Papin du vin. Reste aussi que le marché des grands vins, comme celui des commodités ou des matières premières, est le terrain de jeu des nouveaux grands qui n’ont plus rien d’émergeants. Nuit de Chine, nui câline, l’usine du monde fabrique aussi des milliardaires…
Comme dans le monde des affaires pour réussir il faut toujours être au bon endroit au bon moment : tel est le cas d’un excellent commerçant qui a su imposer son jugement, j’ai nommé Robert Parker. Il fait la pluie et le beau temps avec ses notes sur 100. Les esthètes se gaussent, raillent. Les propriétaires vivent dans l’angoisse tels des pères attendant leur dernier-né dans les couloirs d’une maternité. L’ami Pousson oscille entre Voici et le Financial Times, évoque des vignerons sans âme, de médiocres boursicoteurs et quelques acnéiques du vin, qui attendent « depuis quelques jours, tels les oracles de la Pythie… » les notes d’Uncle Bob sur les Bordeaux 2009. La référence restait bien sûr le dernier millésime du siècle en date : 2005 où le Bob avait accordé deux 100/100. Moi qui ne suis qu’un simple observateur des cuisines et dépendances du monde du vin, et des grands vins plus encore, je l’ai défendu lors de la première affaire Jay Miller. link ce qui ne m’a pas empêché de soutenir Vincent Pousson dans le Jumillagate pour dénoncer les agissements du même Jay Miller et de son compère Sancho Campo.
J’écrivais en juin 2009 « Rober Parker fait du biseness. Il a bâti un système de référence et non de valeurs au sens moral du terme. Ses lecteurs lui accordent un certain crédit. Le suivent. À lui de le préserver. S’il l’écorne, l’amoindrit, c’est son problème. Qu’il subisse les effets de l’arroseur arrosé du fait de ses positions « intransigeantes » est dans l’ordre des choses mais en rajouter, faire des trémolos sur l’éthique relève du jésuitisme ou du pharisianisme. Ceux qui lavent plus blanc que blanc comme ceux qui jettent la première pierre m’ont toujours paru suspects et ils me font peur car, comme tout un chacun, je pourrais être la cible de leur entreprise de purification ou de leur lapidation. À plusieurs reprises dans mes chroniques j’ai plaidé en défense pour des personnes jetées à la vindicte publique. Le grand Robert Parker n’a nul besoin d’un petit avocat comme moi pour contre-attaquer et je n’ai nulle envie de le défendre. Plus généralement, pour ce qui concerne ceux qui exercent la même profession que Robert Parker, l’adoption d’un code de déontologie donnant un cadre clair et connu à leur métier est le moins qu’ils puissent faire pour lever la suspicion. En tant que bloggeur, afin de garder ma liberté de plume, je me suis fixé une règle simple : être fidèle à moi-même en assumant mes contradictions. Mes seuls juges c’est vous. Mais je n’ai aucun mérite puisque je ne vis pas de ma plume. »
Je ne retire rien à cet écrit. Tout ça pour dire que je ne poursuis pas Robert Parker d’une quelconque vindicte mais que ses 19 100/100 Beausejour Duffau Lagarrosse, Bellevue Mondotte, Clinet, Clos Fourtet, Cos D’Estournel, Ducru-Beaucaillou, L’Evangile, Haut Brion, Latour, Léoville Poyferré, La Mission Haut Brion, Mondotte, Montrose, Pavie, Petrus, Le Pin, Pontet Canet, Smith-Haut-Lafitte rouge et Pape Clément blanc, relève de l’hyperinflation : « trop de bonnes notes tue les notes… » Vous pouvez lire ce qu’écrit Tyler Colman sur son blog Dr Vino link (merci au dénicheur Vincent Pousson)
« Quand les bornes sont dépassées il n’y a plus de limites… »
Alors comme ce qui est excessif est dérisoire comme l’écrivait Beaumarchais ou Talleyrand, moi, tel Gaston Chaissac, j’en deviens désultoire et j’ai décidé d’ajouter au 100 de Parker : 20 pour que le total fût de 120.
Pourquoi 120 ?
Parce sans vin !
Je m’explique : mon ajout de 20 portera sur tout ce qui n’est pas le vin dans le jugement sur le vin :
- Le chic de la robe de la propriétaire, le niveau de sa mise en plis, Hermès or not Hermès ;
- Si besoin est, la cote de l’architecte ayant dressé les plans du chai ;
- La cuisson du roastbeef lors du déjeuner ;
- La qualité de la conversation du propriétaire ou des propriétaires ;
- La fragrance du parfum de la fille du ou des propriétaires ;
- L’absence ou la présence de cravate chez le fils du ou des propriétaires ;
- Les mocassins à picots du proprio et les repettos de la fille du proprio ;
- Si besoin est, la cylindrée et l’origine géographique du 4x4 ou de la berline des propriétaires;
- La pertinence des cancans, l’amour ou la détestation des voisins et la capacité à me fournir un vrai vélo pour faire une plongée dans le vignoble ;
- L’adhésion ou non à l’Amicale du Bien Vivre dites des Bons Vivants ;
- Le handicap au golf du propriétaire ;
- L’état de l’hippodrome de Libourne ;
- Le nombre de fois où il a été question des chinois dans la conversation ;
- Leur fréquentation ou non de l’Envers du décor ;
- Les parts de chasse ;
- Face de bouc or not face de bouc ?
- La cote de leur attachée de presse et de son sac ;
- Tweet ou pas Tweet ?
- Ont-ils ou non osé donner leur point de vue sur le parrain du vignoble ?
- La liste n’est bien sûr pas exhaustive, vous pouvez m’aider à la compléter...
Pour rester dans le désultoire, trouver un autre Robert à 100 lieues de Parker, je vous offre une vidéo de Robert Gagnon, chanteur autodidacte québecois, dans la cachette de l'Homme : de très belles images, des paroles un peu niaises mais chanter enfin prendre soin de la terre ... c'est se dire qu'après tout le vin n'est qu'une vieille et belle boisson qui survivra à toutes les agressions des marchands du temple...