Cette chronique est une première. Invité à l'inauguration de la nouvelle cave des coopérateurs d'Embres&Castelmaure, le 4 juin, mais ne pouvant me rendre à leur invitation car étant en vacances, j'ai demandé à Catherine Bernard, autrefois la journaliste et qui est aujourd'hui vigneronne, de tenir la plume. Merci à elle.
C'était le 4 juin dernier, une fête comme il n'y en a plus. Emmenés par leur président, Patrick de Marien, et leur directeur, Bernard Pueyo, les 12 vignerons d'Embres et Castelmaure, inauguraient leur nouvelle cave coopérative. La date est à marquer d'une pierre blanche. Aujourd'hui les caves coopératives ferment, fusionnent, symptôme de la crise identitaire du vin français. Eux, non. Ancrés dans une nature rude mais somptueuse, ils prennent date avec l'avenir. Les nouveaux murs, dessinés par deux architectes avant-gardistes, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, traduisent la clé du succès des vins de Castelmaure : ancrés et modernes. On peut aussi le dire ainsi : les vins de Castelmaure ont la tête de l'endroit où ils sont nés et les tripes de ceux qui les font.
Là, dans ce village des Corbières de 150 habitants, protégé par des plateaux calcaires flanqués de coteaux de schistes, les coopérateurs revisitent le vin. Ici, il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises parcelles. Chacune a sa fonction. Elles donnent, selon les années, du Vin ouvrier, le petit dernier de la gamme, un Bib culotté comme son président, de la Pompadour, indémodable, du N°3, chic et expressif, de la Buvette, "vin du pauvre bu par les rupins". Toutes ces bouteilles, 1 million et demi précisément, de la plus modeste à la plus grande, portent la même marque de fabrique, celle du fruit issu des vignes.
Ici, au creux des montagnes assoupies, millénaires, rien n'est figé. Les étiquettes portant bayadère parlent du vin que l'on boit, sans flonflon, du paysage et du climat. Ce village où l'on ne peut pas arriver par le hasard de la route a été l'un des premiers à bouleverser les codes du packaging et du langage du vin.
A la tâche, ils s'y sont mis au détour des années 1980. Modestement, bouteille après bouteille, guidés par la conviction que l'important n'est pas d'aller vite mais de ne pas se tromper de chemin. Ils y sont allés à l'économie, fidèles à la mémoire du premier directeur qui se promenait avec une bobine de fil de fer dans la poche pour maintenir le matériel en l'état. La nouvelle cave porte cette culture de l'économie : des murs fondus dans la pente du terrain, tout d'aluminium qui joue avec les ondulations du soleil et des montagnes.
Les coopérateurs de Castelmaure sont hors circuit de la Grande Distribution, sur la table des grands, dans les bistrots et chez les cavistes qui aiment leur métier. Quand on vous dit que le vin est une fête.
Catherine Bernard vigneronne
Pour découvrir la coopé des 12 apôtres clicquez sur www.castelmaure.com