La vie sociale est un segment de droite avec N pour origine et M pour fin. L'avant et l'après ne la concernent pas. A notre naissance nous entrons dans un univers inconnu sans l'avoir ni voulu, ni souhaité et, sans en maîtriser les conditions spatiales et sociales : " on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas les trottoirs de Manille pour apprendre à marcher..." chante M. Leforestier. Au début de notre vie sociale, nous sommes dépendants, ensuite nous sommes à la barre : vie professionnelle et personnelle, puis... Parcours-type qui peut-être interrompu, brisé à tout moment par un évènement sur lequel nous n'avons pas de prise : la mort. Certes on peut s'assurer sur la vie mais ce n'est pas un passeport pour l'immortalité.
Bien sûr il y a des variantes à ce schéma-type mais ce qui me préoccupe ce matin c'est de constater que de nos jours on ne meurt pas que de sa propre mort, on peut être jugé responsable de sa mort parce qu'on a commis des abus, parce qu'on ne s'est pas conformé aux règles du Code de la Santé Publique. En mourant on est jeté en pâture et on entre dans l'univers impitoyable des statistiques.
Alors ce matin j'innove en proposant pour améliorer la sécurité de notre vie sociale d'instaurer un PERMIS A POINTS de SECURITE SANITAIRE. Ainsi, toute personne qui serait surprise à fumer dans ses propres toilettes se verrait retirer 1 point, une femme enceinte prise en flagrant délit de consommation d'un verre d'une boisson prohibée : 2 points, les fumeurs de cigares type Charasse et Santini qui enfument le Parlement : 3 points, pour les fumeurs de pipe type Bové et DSK : 2,5 points, les pilotes de Formule 1 : 4 points pour ceux qui agitent des magnums de Champagne et 6 pour ceux qui font de la pub pour les clopes sur leur bagnoles, pour les élus locaux qui font des vins d'honneur : 7 points, pour ceux qui font des pots de départ à la retraite au bureau : 7,5 points et ainsi de suite...
Lorsque notre capital sera épuisé nous serons placés dans des enceintes de rééducation sanitaire en vertu de la constatation faite récemment par le directeur de la Santé qu'entre 1940 et 45 les cirrhoses avaient chuté fortement. Pour réprimer les contrevenants, un corps de police sanitaire pour les urbains et de gendarmerie sanitaire pour les ruraux sera mis en place. Vêtus de noir, ses agents porteront sur leur casquette et leur uniforme un K comme Kafka. Ils pourront intervenir nuit et jour en tout lieu, public ou privé. Les contrevenants n'auront aucun recours, la vie étant un bien trop précieux pour qu'on discute sa protection. Les amendes afférentes seront déversées dans le trou de la sécurité Sociale.
Bref nous vieillirons tous dans le sanitairement correct, les moins vieux pousseront les fauteuils des plus vieux, nous regarderons ensemble dans nos centres médicalisés des séries américaines pleines de gens bourrés, dopés, en sirotant notre orangeade, tous vêtus du même peignoir floqué d'un grand carré blanc cerné de noir avec, écrit en noir : VIVRE TUE ou VIVRE NUIT GRAVEMENT A NOTRE ENTOURAGE...
La santé publique est une chose trop sérieuse pour qu'elle soit confiée aux seuls médecins...