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30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 00:07

 

L’image, c’est l’une des toutes premières, d’un type fraîchement sorti du lit, du côté du parc Monceau, tôt le matin, au bord d’un bar tout juste ouvert en face de chez lui, qui descend en un rien de temps deux verres de blanc. Cette image, en plan fixe dans la presse, montre le type – François Cluzet en l’occurrence – le regard fixe, un verre de blanc au bord des lèvres : la messe semble dite, le coupable est tout désigné puisqu’il y a une victime.

 

Et pourtant, si comme moi, vous alliez voir « Le dernier pour la route » film de Philippe Godeau d’après le récit d’Hervé Chabalier, grand succès de librairie (180 000 exemplaires vendus) vous constateriez que le petit verre de blanc n’y est pour rien. Alors pourquoi diable le mettre en avant, puisque le film n’est que la relation au jour le jour de la thérapie de groupe, dans une confortable clinique suisse, où François Cluzet, alias Hervé, tente d’arrêter de se saouler. Tout bêtement parce que c’est commode. Tout simplement parce que c’est l’image-type du pochtron de comptoir véhiculé pendant des années par les communicateurs. Et pourtant, comme le dit dans le film un toubib sinistre, alcoolique devenu abstinent, ça pourrait-être de l’eau de Cologne ou de l’alcool à brûler. Le liquide alcoolisé ingurgité importe peu, on ne se saoule pas par plaisir lorsqu’on se lève en pleine nuit pour descendre une bouteille au goulot, ce qui compte c’est la course éperdue pour combler le manque.

 

Les causes de l’alcoolisme d’Hervé ne tiennent pas à une attirance particulière pour le vin mais à des accidents de la vie : la mort de sa petite sœur en Afrique suite à une vaccination contre la rage à la suite de la morsure d’un chien qu’il avait imposé à ses parents où il se découvre égoïste et coupable ; sa vie de grand reporter qui l’entraîne souvent au bord des bars ; son tempérament impérieux, égotique, de patron d’une grande agence de presse... Bref, oui l’alcoolisme est une maladie qui peut toucher n’importe qui et, tous, autant que nous sommes, ne pouvons rester indifférent au lot de souffrance qu’elle entraîne pour l’alcoolique lui-même et ses proches.

 

Fallait-il pour autant que Chabalier tire un film de son livre ? La réponse des critiques est mitigée. J’en citerai 2 : celle de Télérama et celle du Canard Enchaîné. Avant, sans polémiquer, je suis stupéfait de la surface accordée par le Nouvel Observateur à ce film disons « thérapeutique ». Là nous retrouvons le goût immodéré des journalistes de promouvoir leurs copains journalistes. Phénomène constatable déjà lors du battage fait autour du « rapport Chabalier ». Hervé Chabalier qui aime tant la lumière des spots est un intouchable. Sa parole est d’or. Dans le film, où il découvre enfin l’existence des autres, l’homme apparaît comme un monsieur je tiens tout sous contrôle, sauf lui. Son expérience ne le destinait pas pour autant à endosser, par l’onction d’un copinage ministériel, le costume du monsieur qui délivre la leçon. Cette part d’arrogance, de suffisance, sans doute atténuée par sa thérapie – franchement je comprends encore mieux Olivier Ameisen, le chemin de l’abstinence tel qu’il est tracé dans ces institutions ne peut que conduire 9 fois sur 10 à l’échec – resurgit dès que les feux de la rampe se braquent sur lui.

 

Revenons au film et aux critiques lues après avoir vu le film :

 

-         celle de Samuel Douhaire dans Télérama qui correspond le mieux à mon ressenti (vous voyez bien les gars de Télérama que je suis même capable de dire du bien de vous) : « Quand je veux faire passer un message, je ne fais pas de cinéma : je l’envoie par la poste », disait John Ford. C’est le gros problème du premier film aussi émouvant que maladroit réalisé par le producteur Philippe Godeau : la lutte contre l’alcoolisme du journaliste Hervé Chabalier (François Cluzet, irréprochable) ressemble souvent à un long message de prévention du ministère de la Santé. Avec cours magistral sur les ravages de la boisson, suivi de cas pratiques édifiants... Entre deux scènes lourdement démonstratives, le Dernier pour la route trouve un peu de mystère grâce à Mélanie Thierry, étonnante dans son incarnation de l’abandon et du dégoût de soi. »

 

-         celle de David Fontaine dans le Canard Enchaîné pour élargir le champ « Le scénario est fluide, la réalisation translucide, et les acteurs impeccables : notamment Michel Vuillermoz en viveur généreux à la Depardieu, Mélanie Thierry en ado à vif, ou Mélanie Canto en thérapeute attentive. Mais un doute vous étreint : s’agit-il d’un film didactique, d’ailleurs fort bien fait, destiné selon le mot de Chabalier à « faire passer un message sur l’alcoolisme » ? Voire une pub à peine déguisée pour telle institution existante ? Ou carrément d’un film de prévention bientôt remboursé par la Sécu ? Allez, un dernier « message » sanitaire pour le doute... »

 

François Cluzet, comme Chabalier, est lui aussi passé par l’alcoolisme « comme lui, j’ai connu les nuits blanches pour éviter le noir. Je comprends donc très bien sa douleur et sa honte lorsqu’il boit au goulot à trois heures du mat’, sans pouvoir s’en empêcher. Je suis passé par là. » Comment s’en est-il sorti ? Nul ne le sait et c’est sans doute mieux ainsi. Alors avec ce film-message j’espère que Chabalier en a terminé avec sa surexposition médiatique. Il ne fait pas avancer d’un centimètre la question de la guérison de l’alcoolisme. Le combat d’Olivier Ameisen, et surtout son beau livre, est bien plus porteur d’espoir que le « message sanitaire » d’un dernier pour la route...


Je n'y suis pour rien, le hasard fait bien les choses, j'ai reçu hier au soir le témoignage de Yannick que vous pouvez lire - je vous le recommade vivement - en cliquant  sur le lien 29/09/2009 21:08:11

« Le Dernier Verre » du Dr Olivier Ameisen : un témoignage qui dérange…

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commentaires

P
<br /> La photo m'inspire cette maxime de mes amis de Mâcon :<br /> " Blanc du matin n'effraie pas le pélerin"<br /> habitués du bistrot "Les Négociants" place Aux Herbes.<br /> Pierre Masson<br /> <br /> <br />
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