Et oui, même lui chers amis, le La Fontaine de notre enfance où nous ânonnions après les avoir appris par cœur ses célèbres fables : le Corbeau et le Renard, le Lièvre et la Tortue, le Loup et l’Agneau, le Chêne et le Roseau, le Laboureur et ses enfants… Oui le La Fontaine des morales devenues proverbiales : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute », « La raison du plus fort est toujours la meilleure. », « Tel est pris qui croyait prendre »… est aussi celui qui a écrit le délicieux « Anneau d’Anne Carvel » devenu si célèbre « que l’expression en est restée attachée à l’objet féminin en cause… »
« Dans les éditions données par La Fontaine, et même celle de Hollande 1685, Conte tiré de R. Cette lettre désigne Rabelais, où notre auteur a puisé. Mais ce conte est beaucoup plus ancien que Rabelais […] »
Pantagruel, liv.II, ch.XXVIII, t.1, P.459, edit. In 4°, Amsterdam, 1741.
« Dans les éditions données par La Fontaine, et même celle de Hollande 1685, Conte tiré de R. Cette lettre désigne Rabelais, où notre auteur a puisé. Mais ce conte est beaucoup plus ancien que Rabelais […] »
Pantagruel, liv.II, ch.XXVIII, t.1, P.459, edit. In 4°, Amsterdam, 1741.
J.H. Fragonard, L’Anneau d’Hans Carvel, musée du Petit Palais Paris
Hans Carvel prit sur ses vieux ans
Femme jeune en toute manière :
Il prit aussi soucis cuisants ;
Car l’un sans l’autre ne va guère.
Babeau (c’est la jeune femelle),
Fille du bailli Concordat.
Fut du bon poil, ardente et belle
Et propre à l’amoureux combat.
Carvel, craignant de se nature
Le cocuage et les railleurs,
Alléguait à la créature
Et la Légende et l’Ecriture,
Et tous les livres les meilleurs ;
Blâmait les visites secrètes,
Frondait l’attirail des coquettes,
Et contre un monde de recettes
Et de moyens de plaire aux yeux
Invectivait tout de son mieux.
A tous ces discours la galande
Ne s’arrêtait aucunement,
Et de sermons n’était friande,
A moins qu’ils fussent d’un amant.
Cela faisait que le bon sire
Ne savait tantôt plus qu’y dire,
Eût voulu souvent être mort.
Il eut pourtant dans son martyre
Quelques moments de réconfort :
L’histoire en est très véritable.
Une nuit qu’ayant tenu table,
Et bu force de vin nouveau,
Carvel ronflait près de Babeau,
Il fut avis que le diable
Lui mettait au doigt un anneau ;
Qu’il lui disoit : « Je sais la peine
Qui te tourmente et qui te gêne,
Carvel, j’ai pitié de ton cas :
Tiens cette bague et ne la lâches ;
Car, tandis qu’au doigt tu l’auras,
Ce que tu crains point ne seras,
Point ne seras sans que le saches.
- Trop ne puis vous remercier,
Dit Carvel ; la faveur est grande :
Monsieur Satan, Dieu vous le rende !
Grand merci, Monsieur l’aumônier ! »
Là-dessus achevant son somme,
Et les yeux encore aggravés,
Il se trouva que le bon homme
Avait le doigt où vous savez.
Hans Carvel prit sur ses vieux ans
Femme jeune en toute manière :
Il prit aussi soucis cuisants ;
Car l’un sans l’autre ne va guère.
Babeau (c’est la jeune femelle),
Fille du bailli Concordat.
Fut du bon poil, ardente et belle
Et propre à l’amoureux combat.
Carvel, craignant de se nature
Le cocuage et les railleurs,
Alléguait à la créature
Et la Légende et l’Ecriture,
Et tous les livres les meilleurs ;
Blâmait les visites secrètes,
Frondait l’attirail des coquettes,
Et contre un monde de recettes
Et de moyens de plaire aux yeux
Invectivait tout de son mieux.
A tous ces discours la galande
Ne s’arrêtait aucunement,
Et de sermons n’était friande,
A moins qu’ils fussent d’un amant.
Cela faisait que le bon sire
Ne savait tantôt plus qu’y dire,
Eût voulu souvent être mort.
Il eut pourtant dans son martyre
Quelques moments de réconfort :
L’histoire en est très véritable.
Une nuit qu’ayant tenu table,
Et bu force de vin nouveau,
Carvel ronflait près de Babeau,
Il fut avis que le diable
Lui mettait au doigt un anneau ;
Qu’il lui disoit : « Je sais la peine
Qui te tourmente et qui te gêne,
Carvel, j’ai pitié de ton cas :
Tiens cette bague et ne la lâches ;
Car, tandis qu’au doigt tu l’auras,
Ce que tu crains point ne seras,
Point ne seras sans que le saches.
- Trop ne puis vous remercier,
Dit Carvel ; la faveur est grande :
Monsieur Satan, Dieu vous le rende !
Grand merci, Monsieur l’aumônier ! »
Là-dessus achevant son somme,
Et les yeux encore aggravés,
Il se trouva que le bon homme
Avait le doigt où vous savez.