Seuls les gens de cinéma savent honorer les seconds rôles en leur attribuant des prix, Oscars ou César, lors de cérémonies d'autocélébration dont ils raffollent. Les seconds rôles donnent aux films leur pâte humaine, cette épaisseur des gens de peu, la petite musique de la petite vie que l'on vit. Deux acteurs, discrets et talentueux, ont représenté pour moi la quintescence de la grandeur et de la servitude du second rôle : Jean Bouise avec son regard doux de myope et sa voix chaude et profonde, Charles Denner l'homme qui aimait les femmes arpentant le monde juchées sur leurs longs compas.
Dans le cyclisme de grand-papa, celui qui ne sentait pas la seringue, les coureurs obscurs et capables d'assister leur leader on les appelait les porteurs d'eau. J'arrête de tourner autour du pot, ce matin je veux rendre hommage à un garçon discret, souriant et décontracté : Claude Makélélé. En provenance de Brest il a débarqué au FCNantes, où il a apporté au collectif son omniprésence et son abnégation. Ce n'est pas par hasard qu'au Réal de Madrid, Zinédine Zidane, flanqué d'un tel récupérateur, a pu laisser libre court à son talent et accomplir ses meilleures saisons. Contre le Brésil, avec un Patrick Viera plus tourné vers l'offensive, Makélélé l'essuie-glace, obstiné et infatigable, a de nouveau permis au divin chauve de s'exprimer pleinement. Chapeau Claude !
Comme le dit Raymond, qui semblait après le match touché par la grâce du jeu de ses vieux, c'est la rigueur et la solidarité qui ont permis ce résultat. Un autre Raymond, le préparateur physique de l'équipe de France, est encensé par la presse qui cherche à faire oublier son scepticisme. Bon, je sais que certains vont me reprocher de voler au secours de la victoire, d'être opportuniste. Détrompez-vous, je n'ai jamais eu une âme de supporter, j'aime le jeu d'équipe, la rigueur et la solidarité, et cette équipe de France là m'a séduit et je l'écris, même si le Raymond n'est pas ma tasse de thé et que le clan des vieux l'a plutôt coaché que l'inverse.
Pour en revenir aux seconds rôles, dans notre beau secteur, entre les vignerons stars qui trop souvent se la pètent graves - les vigneronnes sont plus discrètes - les icônes qui ont quitté depuis longtemps la terre ferme pour voleter dans leur bulle spéculative, et le gros du peloton fourbu et poussif, il nous manque de vrais et talentueux seconds rôles dont les vins s'identifieraient à ces nouveaux consommateurs qui poussent comme des champignons dans ce fichu monde globalisé. Je ne refais pas le match. Je voudrais qu'on le joue en mettant sur le terrain tous nos talents.