Ce dimanche 16 novembre est celui de la 148ième Vente des Vins des Hospices de Beaune et comme toujours le centre historique est bouclé. Le temps est grisailleux, l’air humide, mais ça ne rebute pas les visiteurs qui arrivent en grappes - J pour être de la fête. Moi je me hâte pour me rendre à la conférence de presse. Quel bonheur que de traverser la splendide cour pavée de l’Hôtel Dieu de Beaune bruissant de curieux avec en arrière-fond une fanfare qui joue bizarrement : « Téquila, téquila… » et d’arriver enfin dans l’imposante salle des Pôvres, inaugurée en 1542, aux dimensions majestueuses (46,30 m de long et 16 de haut), avec sa superbe voûte en carène de navire. Elle abrite les couches des malades, toutes couvertes de rouge, et orientées vers la chapelle afin que les pensionnaires puissent suivre les offices dans les meilleures conditions possibles. C’est un bijou d’architecture, comme l’ensemble, dû à Nicolas Rolin où tout y est « Plus beau, plus grand, l'Hôtel-Dieu de Beaune sera achevé en neuf ans, mobilisant les artistes les plus prestigieux du pays des Flandres, associés à ceux du vieux cœur de la Bourgogne. Loin d'être passive, la population prêta son concours à l'édification de ce chef-d'œuvre de l'architecture gothique. »
Aujourd’hui, c’est une première pour Vin&Cie, je suis www.berthomeau.com sur mon badge d’accréditation. Sagement je vais prendre place sur une chaise dans les premiers rangs. Mon statut tout neuf de « journaliste » d’un nouveau type : bloggeur, m’incite à me contenter de prendre des notes. Pas de question, je laisse ce soin à mes collègues officiels même si sur le rapprochement entre la Bourgogne et le Beaujolais j’aurais aimé que l’on pousse les intervenants, qui ont affiché une belle unanimité unitaire, dans l’explicitation de l’intérêt d’une grande Bourgogne source permettant au fils putatif du vieux BGO de retrouver de l’ampleur. J’ai déjà écrit sur le sujet « BGO : tempête sur les tonneaux… » Le 11 avril 2008 www.berthomeau.com/article-18610677.html Mon ami François, en bon politique, lui, n’est pas très chaud mais, en vrai Bourguignon qu’il est, mes histoires de sourcing pour les produits d’entrée de gamme lui ont toujours paru n’être bonnes que pour les Languedociens. Et pourtant, le Chardonnay Grand Ardèche de Louis Latour a précédé de beaucoup de longueurs les vins de cépage du pays d’OC. Bonne transition car, de la Conférence de presse, je vais essentiellement retenir l’analyse de Louis-Fabrice Latour sur les perspectives du marché des vins de Bourgogne.
Louis-Fabrice Latour s’exprimait en tant que président des négociants-éleveurs de Bourgogne, et sur certains points un peu plus délicats, comme les perspectives de formation des prix à la propriété, comme il l’a souligné « à titre personnel ». Dans une vie antérieure ayant été négociant – à la SVF – il me reste quelques souvenirs des précautions oratoires qu’il faut prendre dans ce domaine hautement risqué, surtout dans une conjoncture internationale difficile, afin de ne pas être taxé d’être à l’origine d’un mouvement baissier qui ne dépendra en définitive que des anticipations ou de l’attentisme des distributeurs.
En incise de ses propos, LF Latour, rappelle qu’à la même époque l’an dernier, alors que tous les indicateurs étaient au vert, c’était face à une « Bourgogne euphorique et sûre d’elle-même » qu’il s’adressait. En 2008, jusqu’à la fin de juillet tout se passait plutôt bien : l’effet Pinot Noir jouait toujours, les bourguignons étaient bien vus de leurs distributeurs, des stocks bas à la propriété (10 mois de récolte : 1,3 Mhl) et même si quelques signes de ralentissement, normaux, eu égard à l’excellence des chiffres 2007 : - 9% en volume et -5% en valeur s’affichaient. « Un vent mauvais s’est mis à souffler fin août » et le décrochage a eu lieu en octobre : -20%. Un débat s’est instauré entre les 2 familles professionnelles pour tenter de savoir si ce sont les grands villages, les 1er crus et les grands crus qui seront le plus affectés par les effets de l’éclatement de la bulle financière, et de la récession de l’économie mondiale, ou le repli de la consommation va-t-il toucher d’abord les régionales et les petits villages ? Il n’est pas tranché. LF Latour rappelle que pour l’heure la campagne d’achat à la propriété n’ayant pas commencé on ne peut répondre à la question : « est-ce que les prix vont baisser ? » Il se déclare inquiet mais pas pessimiste. Pour lui, par rapport à la crise très dure de 1991, la Bourgogne est mieux armée car ses fondamentaux sont bons. Les ventes de Noël tiendront leur rang. Le premier trimestre 2009 sera difficile. L’examen des 3 grands marchés de la Bourgogne est à ce titre instructif.
Pour LF Latour le marché le plus préoccupant est celui de la Grande-Bretagne, premier marché en valeur et en volume de la Bourgogne (31% des exportations) : repli des expéditions sur les 7 premiers mois de -11,5% en volume, -7,5% en valeur, très touchée par les conséquences de l’éclatement de la bulle financière (La City) devrait terminer l’année sur un -20% en valeur. Le décrochage de la £ (taux de change euro/£ pénalisant depuis fin 2007) va rendre difficile les ajustements tarifaires : Chablis vient d’en faire la cruelle expérience.
Pour le marché des USA, 2d marché en volume et en valeur, LF Latour est plus confiant. Le dollar se raffermit par rapport à l’euro. La consommation domestique même si elle ralentit continue de croître : +1,5% ce qui va faire franchir la vente des vins au détail la barre des 25 milliards de $ et de battre le record absolu en volume : 306 millions de caisse achetées. Les Usa, en 2008, deviennent le 2d marché mondial de vin, devançant l’Italie, en volume écoulés et les marges de progression sont encore importantes : 17% des consommateurs US réguliers consomment 97% du total consommé. En 2007 les exportations de la Bourgogne ont à ce jour diminuées de 20% en volume mais sont restées stables en valeur (hausse du prix moyen de 5%). LF Latour souligne que cette diminution ne correspond pas à une baisse de la même ampleur sur le terrain mais au fait que les importateurs ont préféré depuis début 2008 puiser dans leurs stocks en attendant la remontée du dollar face à l’euro. Donc optimisme mesuré.
Le marché domestique, la France : 49% des ventes de Bourgogne, se tient. Les ventes en GD repartent à la hausse en 2008, elles dépassent 34 millions de cols, +2,4% en volume dans un contexte difficile : -1,5% sur le ventes d’AOC tranquilles. Les foires aux vins de septembre ont moins bien marché. La restauration vit une période difficile liée à l’inquiétude des Français par rapport à l’évolution du niveau de vie. C’est un segment important pour la Bourgogne qui est présente sur 88% des cartes des restaurants se déclarant gastronomiques. Les évolutions sont contrastées : le haut de gamme garde son statut. Donc en 2008 pas de recul très net. Les perspectives 2009 pourraient prolonger les tendances observées.
Avant de dire un mot sur la Vente, un petit mot important (c’est moi qui le souligne) LF Latour déclare avec un plaisir non dissimulé que dans cette période difficile « la Bourgogne tient son rang. ». Pour cet après-midi, il souhaite « un atterrissage en douceur » après les +38% sur les rouges et les -6% sur les blancs en 2007. Et d’évoquer le ratio cours des vins des Hospices/cours des vins à la propriété, sur 10 ans calculé par la FNEB : 2,8. Et de souligner que 9 fois sur 10 il y a corrélation entre l’évolution des prix de la Vente et celle des prix à la propriété. Tout est dit. Je referme mon calepin. J’ai été sage comme une image.
Pour plus d’informations je vous signale l’excellent dossier de presse du BIVB sur les données économiques de la Bourgogne que vous pouvez vous procurer auprès de Cécile Mathiaud : cecile.mathiaud@bivb.com
à bientôt chers lecteurs pour une prochaine chronique sur la Vente des vins des Hospices elle-même...