Hier matin j’ai eu vent d’un vent soufflant sur la Toile, non pas un petit pet discret lâché en loucedé, l’air dégagé de celui qui ne veut pas se faire remarquer, mais un tonnant, odoriférant, le genre largué par un mec pas gêné devant le buffet où les autorités proposent des canapés au Préfet. Sous la violente poussée l’anémomètre s’affolait, ça déchirait. En bon défenseur des AOC de France je m’inquiétais de l’origine de cette flatulence. Mes limiers guidés par la fragrance m’informaient que l’exhalaison provenait d’un coup de gueule émis d’Aniane. Étonné par une telle assertion je demandai des précisions : un pet n’est pas un rot. On me répondait du tac au tac que le fumet provenait non d’un pet mais d’une cuvée joliment baptisée par un gargotier « Vin de Merde ». Dans mon dos de beaux esprits alter-mondialisés susurraient déjà qu’en dépit de son héroïque combat contre les barbares étasuniens qui voulaient y faire du vin, Aniane, loin d’être le trou du cul du monde, lançait cette élégante appellation « rien que pour faire du bruit autour de ses vins qui méritent une réelle reconnaissance ».
Comme je suis un fan de Reiser et de son gros dégueulasse alors croyez bien que je ne fais pas la fine bouche, ou plus précisément je ne frise pas le nez, face à ce positionnement d’un nouveau type destiné à accroître la notoriété des vins du Languedoc. Que les grands médias alléchés par l’odeur se soient précipités, tels des mouches, rien d’étonnant mais un gros pet est comme un fusil à un coup, il ne fait du bruit qu’une seule fois. Bien sûr on peut renouveler la partition, par exemple lancer un vin de chiasse. De celles que l’on attrape en consommant sans modération le moût tout juste sorti du pressoir. Moi ça me rappellerait mes vertes années, alors que l’appellation précédente me fait immanquablement penser au futur métier que nous mentionnions, par pure provocation, sur les petites fiches que nous faisait remplir le recruteur des séminaires de l’évêché de Luçon : « vidangeur ». Tout est possible comme le proclame je ne sais plus quel animateur abruti de la télé ! Le pire comme le meilleur même si l’homme par qui le vent ne soufflait pas dans les branches de sassafras, philosophe de bord de bar, précise sa pensée : « le pire… cache le meilleur ». Tout compte fait comme l’écrivait Shakespeare Much Ado About Nothing et pour être plus tendance, je pense que les appellations « fuck off ! » ou « fucking hell ! » eussent été plus efficaces et bien sûr exportables.
Comme il est de tradition dans les meilleures feuilles gastronomiques je vous propose en matière d’association mets-vin, pour ce nectar d’étron, une nourriture spirituelle : « Lire aux cabinets » d’Henry Miller. Je cite un extrait « Même aux cabinets, où l’on pourrait croire qu’il n’est pas nécessaire de faire quoi que ce soit, ou de penser à quoi que ce soit, où une fois par jour au moins on est seul avec soi-même et où tout ce qui se passe est machinal, même ce moment de béatitude, car c’est bien une sorte de petite béatitude, il faut le rompre en se concentrant sur la matière imprimée. » Attention ne pas confondre Henry et Arthur Miller, ce dernier plus jeune, bon écrivain aussi, était plus people puisqu’il épousa en 1957 Marylin Monroe. Ceux qui préfèrent les DVD peuvent visionner « Certains l’aiment chaud » en dégustant, pas à l’aveugle bien sûr, mais à la température ambiante, ce cru élaboré « à partir de parcelles sélectionnées et vendangées manuellement, « le vin de merde » est conditionné en bouteille prestige (sic) avec étiquette dorée à l’or chaud » En livrant les effluves de ce beau flacon à votre verre évitez les commentaires du genre : « il a une belle couleur caca d’oie » ou « ça sent la rose ». Ne voyez dans mes propos nulle ironie. J’informe. D’ailleurs qu’est-ce que mes dires viendraient faire dans cette affaire puisque l’inventeur a reçu le nihil obstat au plus haut niveau de South of France « Je suis très content pour ce garçon que je ne connais pas. Quoiqu'il puisse dire, c'est une bonne opération marketing et c'est l'essentiel. Ça va braquer positivement les projecteurs sur notre région, c'est une bonne provocation. Et puis avec un tel nom, je suis certain que ce type a été obligé de faire un bon vin. Je lui souhaite une bonne réussite... »
5000 bouteilles à 6,5 euros, soit 37 hl 50, une fois l'effet "pétomane" passé, la puissance de feu d'une telle initiative, dites marketing, proche du chassepot, risque à coup sûr de faire long feu... Au risque de paraître sérieux le déficit de notoriété du Languedoc ne se comblera pas par l'effet de telles iniatives folkloriques sans lendemain. Ceux qui me connaissent bien savent toute l'empathie que j'éprouve à l'égard des vignerons de cette belle région et que mes analyses ont toujours été orientées vers des propositions lui permettant de retrouver la place qu'elle mérite, alors je crois pouvoir me permettre d'écrire à nouveau que ni les leurres, ni les slogans, ni les discours, ni les trucs qui font plaisir, sont à la hauteur des enjeux du marché mondial du vin.
Dans ma Foire aux Vins http://www.berthomeau.com/article-22881267.html : 14 vins sur 28 sont issus du Languedoc soit 50% de l'ensemble et ceux qui les font sont les vrais vecteurs de la notoriété du Languedoc. Ils labourent profond depuis longtemps...