Dans notre vieux français on panse les vaches mais on cure les chiottes, la nuance est de taille. En ces jours de déprime post-euro – pas la monnaie mais le ballon rond – forme s’apparentant au coïtus interruptus, le monsieur qui est vautré sur son canapé devant sa télé et qui refait le match, se sentant floué, « cocu » selon les fines plumes de France Soir, réclame à cors et à cris la tête de Raymond, l’ex-déblayeur de tibias de l’Olympique Lyonnais, ci-devant sélectionneur de l’équipe nationale. Tout est de sa faute ! Dans ce tout, très fourre-tout, pêle-mêle tout et rien mais surtout, le pire : le Raymond s’est payé la fiole du français moyen en ne trouvant pas mieux que de demander la main d’Estelle Denis – pas la mère avec sa Vedette mais la nana d’M6 qu’est assez mignonne et qui cause de foot comme les mecs avec un mec qui pèse 3 tonnes – donc carton rouge. Expulsion ! Démission ! Ça me rappelle les sifflets des beaufs contre Christian Karembeu, le kanak qui avait eu la mauvaise idée d’épouser Adriana. Bref, le Raymond, bas du cul et bas sur les chevilles, n’est pas ma tasse de thé mais la meute lancée à ses trousses pour la curée me donne envie de gerber.
Donc je change de pied pour vous causer d’abord d’Amédée, le vrai Domenech. Qui c’est celui-là ? C’est Le Duc, surnom que lui donna Jean Prat son capitaine en équipe de France. Il est né à Narbonne le 3 mai 1933 et il est mort à Brive le 21 septembre 2003. Inamovible pilier gauche de Brive entre 1954 et 1963 (1,80m pour 95 kg) par sa pointe de vitesse et son jeu de main il préfigura les piliers modernes. Pupille de la Nation, meilleur joueur du championnat en 1958 (Oscar du Midi Olympique), Amédée fait le régal des journalistes car il conte le match avec truculence. Une belle figure, un monsieur, quoi, suivez mon regard les ânonneurs de fin de match, les « mercenaires » de Chelsea, d’Arsenal, de Barcelone, poules aux œufs d’or des droits de télévision piège aux cons ! Alors lâchez donc la grappe à ce pauvre petit Raymond qui, après tout, est à la bonne hauteur de ce qu’est devenu le barnum du ballon rond. C’est un astucieux le Raymond. S’il a décroché le poste contre un bon, comme Laurent Blanc, c’est qu’il se démerde mieux sur le tapis vert de la Fédération que sur celui de l’Ernst Appel Stadion (stade de Vienne).
J’aurais pu en rester là mais, par hasard, je suis tombé sur un spécialiste de la curée : Serge Halimi. C’est qui ? L’auteur de Nouveaux Chiens de Garde, qui se prend pour Nizan mais qui n’est qu’un de ces purs et durs dont l’intelligentsia parisienne, alter ou gauche de la gauche, raffole. Il dénonce, avec justesse souvent, mais avec tant de fiel et de vinaigre qu’on sent sous sa plume le poids de ceux qui ont tant aimé le socialisme réel, son bilan globalement positif, les grands démocrates d’Attac, bourreurs d’urnes et adeptes de la présidence à vie. Que ce cher homme bien au sec au Monde Diplomatique poursuive de sa détestation les July, Castro, Debray, Lang, BHL, Glucksmann, Colombani, Plenel, Minc, Joffrin, Attali, Wolinski, Bruckner, Cohn-Bendit, Sollers et consorts, grand bien lui fasse, moi je les prends pour ce qu’ils sont, mais pourquoi sa mémoire flanche-t-elle lorsqu’il s’agit de ses frères d’armes dont les pratiques, s’ils s’emparaient des manettes du pouvoir seraient, je n’en doute pas un seul instant, du tonneau bien connu des apparatchiks qui ont ruiné les pays qu’ils ont tenu sous leurs rets. Bref, les purs et durs me font froid dans le dos. Alors pour me réchauffer je préfère aimer Alphonse. Qui c’est cet Alphonse ? Pas celui d’Antoine Doinel mais le boxeur poids lourds Alphonse Halimi qui le 1er avril 1957, au Vel’d’Hiv de Paris devient champion du monde en battant le boxeur sourd-muet italien d’Agata. Abandonné de tous, Alphonse Halimi, est mort le 12 novembre 2006 de la maladie d’Alzheimer dans une maison de retraite de Saint-Ouen. Entre les deux Halimi dont je cause – exception faites de Gisèle – pour la notoriété à venir il n’y aura pas photo : on se souviendra d’Alphonse…