En parodiant Charlie-Hebdo, vous avez échappé au titre : les " peine à jouir " de "Que choisir ?" me gonflent ! Excessif j’en conviens Patrick. Comme la colère est mauvaise conseillère mais que j'ai envie de me lâcher car ça me fait du bien et, qu'entre nous, ça n’aura aucune influence sur la stratégie du sieur Bazot qui, en endossant la tunique du preux chevalier défenseur des recalés de l’agrément dans certaines AOC, au lieu de faire bouger les choses, « nuit gravement à la bonne cause qu’il dit défendre… » je vous livre l'objet de mon courroux.
Pour moi y’a pas photo je soutiens sans ambigüité Marcel Richaud et tous ceux qui se retrouvent en butte aux procès en non typicité menés par ceux qui ne voient dans le système AOC qu’un rempart à leur médiocrité. Pour autant, quoi de plus exaspérant que cette technique de l’amalgame : à qui va-t-on faire croire que l’incontestable connerie d’une poignée de dégustateurs patentés, partiaux, plus portés sur le copinage que sur l’agréage, va tuer les vins de terroir pour le plus grand profit des horribles « pinards industriels » concoctés dans des usines à vin ? Aux gogos qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, mais pas à ceux qui savent que ce ne sont pas les vins technologiques, bien fait, qui pourrissent le marché, mais les vins mal faits par des soi-disant « artisans du vin » ou des coopés au bout du rouleau, hors piste.
En 2001, lorsque j’ai osé écrire que sous les grandes ombrelles AOC se cachaient des vins indignes, l’alliance objective entre les ayatollahs intégristes et les gros malins des gros zinzins a permis d’accoucher d’un bel immobilisme à la française. Ras-le-bol des formules chocs toutes faites qui font plaisir au petit cénacle élitiste mais qui ne font en rien avancer le plus grand nombre. C’est trop facile. Nous ne ferons pas évoluer les mentalités des vignerons de base en les stigmatisant. Marcel Richaud le sait mieux que quiconque, le modèle Richaud n’est pas reproductible sur l’ensemble de notre viticulture. C’est plus qu’une évidence ce n‘est que la réalité économique et humaine de notre vignoble, même un cancre le comprendrait sans grand effort. Les fatwas de « Que Choisir ? » ressoudent les conservatismes qui prospèrent sur les dérives actuelles. Face à ces agresseurs urbains c’est l’union sacrée qui permet d’éviter les sujets qui fâchent.
Soutenir qu’il faille, pour clarifier notre offre, à la fois refonder notre système AOC en revenant aux principes simples qui en ont fait un système unique et gagnant, et ouvrir un espace contractuel de liberté pour les vins sans IG est plus inconfortable mais l’un ne va pas sans l’autre. Revendiquer le droit à la différence, à l’exception dans les AOC et assumer la réalité économique et sociale de notre vignoble est bien plus courageux que la petite agitation du microcosme parisien. Depuis l’origine je suis aux côtés de mes amis de Sève pour refonder nos AOC je n’ai pas attendu les PAJ de « Que choisir ? » pour pourfendre la typicité chère aux formateurs Aocistes (voir ma chronique « C’est typique » :
http://www.berthomeau.com/article-1930747.html).
Alors, oui, j’en ai plein le cul de lire des conneries débitées sur le ton de la sentence par des docteurs de la loi qui ne viennent pas se colleter à la lourde pâte de notre grand vignoble généraliste. Que ces messieurs me répondent : elles sont où les fameuses « usines à vin » de notre doulce France ? Des noms, des lieux et bien sûr des marques, c’est la moindre des exigences qu’on puisse avoir vis-à-vis de journalistes en charge de la défense des consommateurs.
Ce nombrilisme à la française est exaspérant. Si nous avons perdu des parts de marché depuis 10 ans au profit des vins du Nouveau Monde, n’en déplaise à Bazot et ses disciples, ce n’est pas parce notre système d’agrément des AOC s’est transformé en machine à normaliser les vins. Tout le monde sait bien, Que Choisir en premier, que c’est une passoire coûteuse qui laisse tout passer sauf les vins de ceux qui déplaisent. Nous avons reculé parce que nous n’avons pas su, comme ont su le faire nos concurrents, séduire les nouveaux consommateurs de ces pays, avec des vins simples, technologiques, réguliers, sans prétention. Alors, toujours avec la même technique de l’amalgame, chère aux manipulateurs, conclure « qu’il ne faudra pas s’étonner que la viticulture française perde sa suprématie mondiale ! » serait à pisser de rire si ça donnait pas envie de gueuler contre des propos aussi foireux. L’opposition stérile et phantasmatique entre les petits vignerons qui font bon et les grosses machines à pisser des jajas industriels conforte ceux qui se meuvent avec aisance dans l’ambigüité de notre système AOC hypertrophié pour le maintenir en leur pouvoir.
Et pendant ce temps-là, dans beaucoup d’exploitations viticoles de notre Grand Sud les comptes sont dans le rouge… l’heure de l’arrachage a sonné… on ferme… mais qu’importe à Que Choisir ce ne sont que des fournisseurs de raisins pour faire des vins de basse extraction qui n’ont pas reçu l’onction – sauf l’extrême – des grands prêtres habilités à délivrer les brevets de vins de propriété…
PATRICK BAUDOUIN 05/06/2008 09:58
JACQUES BERTHOMEAU 05/06/2008 10:09