Tout d'abord merci à mon ami Joseph Bonnemaire, aveyronnais élégant et raffiné, réfugié à Dijon, d'avoir été le maître de Jocelyne Porcher* - c'est elle qui le dit et t'en remercie d'ailleurs cher Joseph - qui, tout comme toi, aime nos bêtes, celles des prés et des cours de fermes, vaches et cochons.
Dans un petit opus Être Bête, co-écrit avec Vinciane Despret, que j'ai acheté à ma sortie de la magnifique et instructive exposition Bêtes et Hommes à la Grande Halle de la Villette, elle m'a fait prendre conscience que le fait d'avoir gardé dans ma jeunesse les vaches du pépé Louis, Normandes aux yeux tendres, Parthenaises efflanquées et courageuses, et bien sûr ma préférée : la vieille Fidèle, aveugle, qui cheminait à mes côtés, le mufle collé à mes flancs, doucement, le pis lourd, heureuse de rentrer dans la tiède chaleur de l'étable du pépé. Chemin faisant nous devisions. Elle m'a donné le respect de la différence, le goût des choses simples, l'art de perdre son temps à écouter, à comprendre. Compagne de mes jours heureux de sauvageon, ma Fidèle méritait bien que des " "filles" savantes rendent hommage à sa sensibilité. Merci donc ; l'opus est publié par Actes Sud, 106 petites pages, à lire au même rythme que les pas de ma Fidèle, paisible et lent. C'est conceptuel en diable mais bougrement revigorant. Paroles est donnée à ceux qui élèvent les bêtes, je vous en livre quelques extraits...
* certains patronymes sont prédestinés. J'en profite pour rappeler à Joseph que notre cher Ministre soutenait que certains professionnels avaient la tête de leur emploi : tel le président de la CGB Georges Garinois...
Parmi les vaches de Bruno Greindl, " il y a les petites moches débrouillardes qui sont dans leur coin, qui mènent leur vie de leur côté sans se faire remarquer". Il y a aussi les "grandes gueules, toujours les premières" et "les vieilles qui connaissent la chanson, qui ne se précipitent pas parce qu'elles savent"
Elle (la meneuse) remplit plusieurs rôles. Elle prend en charge de conduire le groupe et décide des déplacements. Les éleveurs disent d'elle qu'elle assure le calme et qu'elle peut tempérer l'inquiétude de ses congénères quand il y a lieu. La meneuse a généralement la confiance du groupe ; elle émerge du troupeau de manière consensuelle, notamment à cause de ses qualités particulières. Elle a de l'expérience, c'est souvent la vache la plus âgée. Souvent gourmande, toujours curieuse et avide d'explorer, c'est une vache "prête à faire des expériences", une vache "qui prend des risques". C'est surtout une vache indépendante et qui a du tempérament.
"On rit parfois, raconte André Louvigny, du regard bovin de certaines personnes. Mais lorsqu'un groupe de bovins, en hiver, est dans des conditions de bien-être alimentaire et paillé et tout ça, et que tu entends qu'il pleut dehors, ça repose de les voir là. Tu dirais, en les voyant regarder par la porte alors qu'il pleut, qu'elles te remercient."
Quand la fille de l'éleveur Philippe Roucan s'installe à Toulouse pour y poursuivre ses études, il accroche au mur de son appartement une photo des Salers."Je lui ai dit : c'est pour te rappeler premièrement d'où tu viens et, deuxièmement, que si tu es là, c'est aussi grâce à elles. Et que si on peut te permettre de faire des études, c'est elles qui vont en payer une bonne partie."
Je me reconnais dans tout ce qui est dit. Et sachez, chers amis du vin, comme le disent les filles savantes "on ne connaît que ce qu'on aime." alors peut-être comprendrez-vous que, grâce aux vaches de pépé Louis, j'ai beaucoup appris même à vous comprendre chers amis.
Labour dans l'Aubrac pour toi cher Joseph en souvenir de l'aligot partagé chez Germaine en compagnie d'André Valadier...