Ce matin, à la radio, signe d'un temps d'insatisfaits, le présentateur indiquait, en référence à un énième sondage, qu'une majorité de Français souhaitaient recevoir de l'argent comme cadeau de Noël. J'avoue que ça m'attriste. Pourquoi pas un virement automatique le 24 décembre au soir sur le compte de ses enfants. Moi j'en suis resté à l'orange dans les sabots. Offrir c'est chercher à faire plaisir à ceux qu'on aime et peu importe si le présent est modeste l'important c'est l'attention. Alors, comme j'ai toujours envie de vous faire plaisir, chers lecteurs, d'ici la Noël, au fil de ces chroniques je me permettrais de vous faire des suggestions de cadeaux.
Comme vous le savez j'adore les fenêtres ouvertes par le hasard. Cet été, sur le marché aux puces d'Ajaccio, j'ai acheté "Le Jardin des Finzi-Contini" de Giorgio Bassani Gallimard puis, quelques jours plus tard, je suis tombé en arrêt sur la dernière de couverture du journal Libération : L'inoubliée, le portrait de Dominique Sanda.
Qui se souvient de Dominique Sanda ? Moi, nous avons dîné côte à côte lors d'un festival d'Avoriaz et je dois reconnaître que son portrait ciselé par Anne Diatkine est saisissant de finesse et justesse. Et, c'est là où le hasard est merveilleux, alors que Dominique Sanda, qui vit maintenant en Patagonie, déclare : "Je n'ai pas disparu, ce sont les autres qui ne sont pas où je suis" sa réapparition médiatique était liée à la ressortie du film de Victorrio de Sica le "Jardin des Fizzi-Contini" sur les écrans parisiens. J'ai lu le livre pendant mes vacances et, à mon retour à Paris, je suis allé voir le film où, Dominique Sanda, toute jeune, joue le rôle de Micol, le personnage autour duquel tout se noue. Le roman est envoûtant, tout y est en suspens, insaisissable, énigmatique dans le micocosme de Ferrarre où la majorité des juifs pensent, comme le père du narrateur, que Mussolini est meilleur qu'Hitler. Le film est plus réaliste, plus politique et, si j'ai conseil à vous donner, voyez le film avant de lire le livre.
Pour vous convaincre je vous livre le dernier paragraphe du livre. Je le peux car, comme l'écrit le narrateur, à propos de Micol : "j'ai déjà dit, au début de ce livre, quelle a été sa fin et celles des siens"...
" Quant à Manalte*, qui avait été rappelé à Milan dès novembre 39(en septembre, il avait vraiment cherché à me joindre par téléphone ; il m'avait même écrit une lettre...), lui non plus, depuis le mois d'août de cette même année, je ne l'ai jamais revu. Pauvre Giampi. Lui, il y croyait - ça oui ! - à l'honnête avenir lombard et communiste qui lui souriat alors que par-delà la nuit de la guerre imminente : un avenir lointain, admettait-il, et pourtant sûr, infaillible. Mais, à la vérité, que sait le coeur ? Quand je pense à lui parti pour le front russe avec le C.S.I.R. * en 41 et qui n'en ai jamais revenu, j'ai toujours présente à l'esprit la façon dont réagissait Micol toutes les fois où, entre une partie de tennis et l'autre, il recommençait à nous "catéchiser". Il parlait de sa voix calme, basse et sonore ; mais Micol, à la différence de moi-même, ne l'écoutait jamais beaucoup. elle ne cessait pas de ricaner, de l'asticoter, de se moquer de lui.
- Mais toi, pour qui es-tu, à la fin ? Pour les fascistes ? lui demanda-t-il un jour, je me le rappelle, en secouant sa grosse tête en sueur : il ne comprenait pas.
Qu'y a-t-il eu entre eux deux ? Rien ? Qui sait !
Il est certain que, comme présageant sa mort prochaine et celle de ses parents, Micol répétait continuellement également à Manalte que son avenir démocratique et social la laissait totalement indifférente, qu'elle abhorrait l'avenir en soi, lui préférant de beaucoup "le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui" et plus encore le passé, le cher, le doux, le charitable passé.
Et comme ce n'étaient là, je le sais, que des mots, les habituels mots trompeurs et désespérés que seul un véritable baiser eût pu l'empêcher de proférer, que justement de ces mots et non d'autres soit scellé ici le peu de chose que le coeur a été capable de se rappeler. "
* Giampi Manalte est un jeune ingénieur communiste qui fréquente le Jardin des Finzi-Contini. Le C.S.I.R. est le premier corps expéditionnaire italien en Russie.
Et pour compléter votre petit cadeau offrez à votre chéri(e) une place de ciné pour ensemble voir le superbe film italien " Mon frère est fils unique" qui est dans le droit fil des déchirements de l'Italie d'après-guerre.