C’est lors du 3e plénum du XIe comité central du Parti communiste chinois en décembre 1978, avec le retour au pouvoir de Deng Xiaoping, qu’est officiellement adoptée la politique de « réformes et d’ouverture ». Les trente années qui vont suivre vont être celles de bouleversements profonds des structures économiques et sociales de la Chine qui l’ont recomposé spatialement pour l’amener à devenir une puissance mondialisée admise en 2001 à l’OMC. Cependant cette mise en mouvement n’a pas été immédiatement perceptible car au cours de la première période (1978-1992) le gouvernement central a du d’abord assurer la transition post-maoïste. Ce n’est donc qu’à l’orée des années 90 que s’est effectué le tournant déterminant.
Cette mutation commence avec la décollectivisation des terres qu’accompagne une responsabilisation familiale de la production agricole. Dans le même temps le gouvernement central décentralise les pouvoirs de décision économique au profit des provinces, municipalités, districts et bourgs. Le mouvement part du sud de la Chine dans les provinces du Guangdong et le Fujian grâce à l’impulsion de la diaspora chinoise. Jusqu’au milieu des années 90 le Sud accumule une forte avance du fait de sa relative autonomie économique qui le rend attractif pour les investissements étrangers et lui permet des taux de croissance élevés. Les étapes de cette ouverture (voir cartes ci-dessous les différentes couleurs correpondent aux phases) :
- 1980 : création de 4 zones économiques spéciales : trois dans le Guangdong et une dans le Fujian.
- 1984 : quatorze villes côtières, dont Canton, Wenzhou et Shangai sont autorisées à créer leur propre zone de développement ouverte aux investisseurs étrangers.
- 1985 : trois régions littorales sont ouvertes. C’est le début du développement des entreprises industrielles rurales tournées vers la production de biens de consommation destinés à l’exportation et de l’insertion massive de la Chine dans l’économie mondiale.
- 1988 : toutes les villes littorales sont ouvertes.
- 1992 : la grande majorité des capitales provinciales, les ports fluviaux le long du Yangzi et beaucoup de villes frontalières sont ouverts.
Le tournant déterminant est pris dans les années 90, l’Etat central et les grandes villes reprennent l’initiative. La construction d’une « économie socialiste de marché » à partir des réformes des entreprises d’Etat en 1992 qui s’accompagne d’une politique économique de privatisation suivant les règles du marché va s’accélérer grâce à une diversification des types d’entreprises et d’une décollectivisation urbaine. La ville est le pôle de l’activité économique, le lieu de commandement, elle implose. L’extension des surfaces bâties se fait à marche forcée sur la base d’une spécialisation des espaces qui expulse une large part des populations en périphérie. Les centres-villes se recomposent : artères piétonnières, centres commerciaux, tours de bureaux et immeubles de logement à haut-standing. Les périphéries urbaines s’étendent à perte de vue mélangeant des zones résidentielles à des aires d’activités de production. La Chine de la bicyclette laisse la place à celle de l’automobile individuelle. Les mégapoles, comme Shangai, se veulent internationales.
La mutation du mode de vie du citadin chinois plonge ses racines dans deux réformes capitales : celle du travail et celle de l’accession à la propriété. Dans l’ancien système la vie du citadin était encadrée à partir du travail. Tout était décidé à ce niveau : salaire, emploi, mobilité mais aussi vie privée par l’autorisation ou non du mariage et des naissances. En contrepartie l’employeur garantissait l’emploi à vie, l’accès au magasin d’Etat, le logement et les allocations sociales. Les réformes ont créé un véritable marché du travail, avec un système contractuel, des offres indiquant nature du travail, salaire et qualifications. Les sécurités sociales ont disparu. Le chômage est apparu et s’aggrave. Dans les années 90, le logement est passé du statut de bien géré par l’Etat à celui de produit de consommation régi par le marché. Les promoteurs immobiliers sont les acteurs majeurs, avec les autorités locales, de la construction. Les citadins sont propriétaires de leur logement mais le sol reste propriété d’Etat. Les nouveaux ensembles sont gérés à l’occidentale : association de propriétaires et société de gérance spécialisée. Dans la périphérie, une nouvelle forme d’habitat apparaît : la villa familiale.