Cette question est extraite d'un article de la revue Commentaire/N°118 Eté 2007 (revue fondée par Raymond Aron, dirigée par JC Casanova, avec des jeunes turcs libéraux dans son comité de Rédaction : comme Nicolas Baverez par exemple). www.commentaire.fr/ Le titre « Le mythe du management » et la nationalité de l'auteur Matthew Stewart (USA) m'ont fait saliver. Je n'ai pas été déçu car la thèse, avec les excès du non-conformisme, décape « Et si l'enseignement de la gestion était une mystification, sans contenu, pédante, abstraite et boursouflée de prétention ? » Comme vous devez vous en douter c'est assez proche de mon opinion personnelle. En effet, à mon sens, il vaut mieux avoir lu Clausewitz, Machiavel, Platon et les grands philosophes que de se taper des cours de management à HEC. L'art du commandement ne s'apprends pas sur les bancs d'une grande Ecole, c'est une alchimie indéchiffrable entre l'inné et l'acquis et, en ce qui concerne l'enseignement, rien ne remplacera la culture générale, ce qu'on appelait autrefois les Humanités. Lire. Eveiller sa curiosité intellectuelle. Au cours de ma déjà longue carrière j'ai toujours été frappé par le convenu, l'étroitesse d'esprit, la rigidité de beaucoup de jeunes pousses surdiplômées, formatées, qui peuplent les sièges sociaux et les cabinets ministériels et, plus récemment, fasciné par le jargon creux des consultants des grands cabinets d'audit. Pour vous mettre l'eau à la bouche je vous livre un extrait de cet article.
« Pendant les sept années qu'a duré ma carrière de consultant en management, j'ai consacré l'essentiel de mon temps à m'efforcer de paraître plus vieux que je n'étais. J'étais devenu expert dans l'art de plisser le front et d'adopter une expression sombre et sérieuse. Mon public devait songer que bien que très jeune j'avais acquis une extraordinaire formation de manager. Il n'en était rien. Je ne suis titulaire d'aucun diplôme de gestion. J'ai juste un doctorat de philosophie allemande du XIXe siècle, pour être précis. Avant d'accepter un travail consistant à expliquer aux dirigeants des grandes entreprises des choses qu'ils sont censés savoir, mon expérience professionnelle se limitait à des petits boulots de précepteur à mi-temps enseignant Hegel et Nietzsche à des étudiants distraits, auxquels s'ajoutaient quelques emplois saisonniers encore moins reluisants, principalement dans l'industrie de la restauration rapide.
Le plus étrange est que ma carence de formation n'a jamais vraiment posé problème. En tant qu'associé fondateur d'une entreprise de conseil qui finit par employer six cents personnes, j'ai interviewé, embauché et côtoyé des centaines de diplômés d'écoles de gestion. L’impression que je me faisais des diplômés de MBA était qu'ils se résument à vous ôter deux ans de votre vie et à vous faire contracter de lourdes dettes et ce à seule fin de garder votre sérieux lorsque vous prononcez des phrases telles que « situation gagnant-gagnant », « compétences clés » ou buiseness process reengineering. Quand le moment venait de choisir un collaborateur, je penchais généralement pour ceux qui avaient consacré leurs années d'université à étudier autre chose que la gestion.
Lorsque j'ai quitté le métier, j'ai décidé, par une inversion de l'ordre naturel des choses, de me pencher de plus près sur la littérature spécialisée. D'un côté, je voulais mesurer ce que j'avais raté. De l'autre, j'avais du temps devant moi. En parcourant péniblement les volumes consacrés à la « stratégie compétitive », à la redéfinition du buiseness process. Et à d'autres douceurs de ce genre, pas une fois je ne me suis dit : « Bon sang ! Si seulement j'avais su ça plus tôt ! » Au lieu de quoi, je me suis surpris à penser des choses inavouables, comme : « Je ferais mieux de lire Heidegger ! » Ce fut une expérience déroutante, qui ne fit qu'épaissir le mystère entourant la question qui ne cessait de me hanter depuis mes premiers pas dans le monde des affaires : à quoi servent les écoles de commerce ? »
Lire la suite dans Commentaire