J’ai vécu 4 ans dans les bois, plus précisément dans le pavillon d’honneur de l’ancien château de Georges Halphen transformé en hôtel de luxe : Le Mont Royal, à la Chapelle-en-Serval où se rejoignent les voies menant à Chantilly et Senlis, le plus beau bouchon des week-ends des parisiens en mal de forêts.
Senlis est qualifiée de ville des pilotes d’Air France, chic et chère dans ses pavés et ses vieilles pierres, on y tourne beaucoup de film dit d’époque.
Aujourd’hui c’est « Le Roi de cœur » (1966)
Pourquoi ce film ?
Parce que tel est mon bon plaisir. Mais aussi parce que ce film a enchanté mes années d'école buissonnière. Mais aussi par ce que c'est l'un des plus beaux flop de l’histoire du cinéma français et d'un sympathique réalisateur aux très nombreux succès par ailleurs.
Quelle est l’histoire ?
Pour une fois laissons la parole à Wikipédia qui résume parfaitement le scénario :
« Fin 1918, les Allemands abandonnent Marville après l'avoir piégé en y cachant un blockhaus rempli de bombes qui doivent exploser à minuit quand l'armée britannique aura libéré la ville. Un soldat britannique, Charles Plumpick, est chargé de localiser la machine infernale et de la désamorcer avant qu'elle n'explose. Sur place, il découvre une cité bien évidemment désertée par ses habitants, à l'exception des pensionnaires de l'asile d'aliénés. Ceux-ci l'accueillent à bras ouverts ; ils reconnaissent en lui - par un rocambolesque concours de circonstances - leur roi (« roi de cœur », cousin du « duc de Trèfle Brialy). Intronisé comme il se doit lors d'une cérémonie officielle à la cathédrale de la ville, Plumpick se laisse séduire par ses nouveaux compagnons, qui ont pour noms, Xénophon, duc de Trèfle précédemment cité, la duchesse Marie-Charlotte et leurs enfants, Brunehaut, Gontran et Albéric , le Général Géranium, l'évêque, Monseigneur Marguerite, monsieur Marcel, le coiffeur,) et la tenancière de la maison close, madame Églantine et l'une de ses pensionnaires, la jolie Coquelicot. Il n'en oublie pas sa mission pour autant.
Réalisation
Philippe de Broca, avant « Le Roi de Cœur » avait à son actif les immenses succès populaire que furent « Cartouche » (1962) « L’homme de Rio » (1964) et « Les tribulations d’un chinois en Chine » (1965), avec Jean Paul Belmondo acteur fétiche qu’il retrouvera avec « Magnifique » (1973) et « L’Incorrigible » (1975). C’est dire le savoir-faire du bonhomme quand, en 1966 il se laisse aller à « commettre » un sujet qui lui tient à cœur. Malgré une distribution de rêve réunissant parmi les plus grands noms de la scène française ce fut un bide retentissant, tant publique que critique. Il en fut profondément affecté mais poursuivi néanmoins sa carrière, allant de succès en succès avec, toujours des grands noms. Ainsi « Le diable par la queue » (1969) ou « Le Bossu » (1997). C’est le cinéaste de la joie de vivre. Il n’aimait rien tant que le tournage en équipe mêlant acteurs et techniciens. Il adorait les acteurs dont il disait reprenant les mots d’un de ses ainés qu’ils étaient comme du papier de soie. Tu les froisses et c’est fini à jamais. Il a été porté sur les fonds baptismaux par de grands ainés dont il a été l’assistant tels Henri Decoin, Claude Chabrol, François Truffaut ou Pierre Schoendoerffer. Aujourd’hui, dit-on, les jeunes générations de cinéaste font référence à son oeuvre qui apparaît comme moins frivole ou superficielle qu’elle n’en a l’air. Elle apparaît comme le reflet de la société de la deuxième moitié du XXe siècle.
Qui fait quoi
Vous les connaissez tous et il est amusant de les voir presque à leur début. Amusant également de voir comment leur carrière, ceux qui sont restés des (excellents) second rôle ou devenu des « flèches » a évolué
Alan Bates :
Et oui, « Alan Bates » cependant je ne saurais dire si ma passion pour cet acteur date de ce film. - Il est Charles Plumpick, le roi de Cœur
Geneviève Bujold :
Actrice canadienne qui a su se faire un nom sur la scène internationale et française puisqu’elle tournée deux film avec le fidèle de Broca – elle est Coquelicot
Pierre Brasseur :
Truculent acteur, volubile, exubérant, jamais dans l’outrance même s’il s’en approche souvent. Je me souviens de lui, quand jeune homme je fréquentais les théâtres Strasbourgeois car c’était aussi un fabuleux comédien. Une personnalité telle qu’il a évité d’être dans le dictionnaire, défini simplement comme « père du précédent » : son fils Claude
Si ma mémoire est bonne, grand déconneur, Belmondo, sur un tournage, le voit descendre l’escalier de l’hôtel une valise à la main, sans passer par la salle des petits déjeuners. Bebel l’apostrophe et Brasseur de lui avouer que ses déconnades l’ont fait renvoyer du tournage. Bebel ne dit rien mais, valise à la main il rejoint Brasseur qui attend un taxi. Affolement chez les producteurs qui souhaitent comprendre. Bebel, imperturbable leur répond : « Lisez mon contrat. Je joue avec Pierre Brasseur. Pierre s’en va, je pars avec lui. » Bien sûr Brasseur fut réintégré et essaya d’être sage - il est le général Géranium
Jean-Claude Brialy :
On ne présente plus cette vedette du cinéma français tant sa filmographie parle pour ce virevoltant et/ou précieux acteur plein de fantaisie ou de gravité selon ce qu’i est amené à jouer - il est Xénophon, duc de Trèfle
Julien Guiomar :
Un de ces seconds rôles dont l’apparition à l’écran est toujours un régal. Comment va t il nous faire ça ce coup-ci ? - il est Mgr Marguerite
Michel Serrault :
Tellement vrai qu’on a l’impression qu’il a fait ça toute sa vie ou que ce fût son métier avant que d’être acteur (ce qui est le cas de Fabrice Luchini) Pour ma part j’ai l’impression que c’est un rôle qu’il endossa de nombreuse fois alors qu’il n’y en a eu que deux - il est M. Marcel, le coiffeur
Jacques Balutin :
Second rôle très typé avec un bel abatage. Il joua beaucoup de pièces de boulevard - il est le sergent Mc Fish
Daniel Boulanger :
Daniel Boulanger écrivain et scénariste (notamment sur ce tournage avec de Broca) est aussi le dialoguiste. Cela mérite d’être souligné comme la fidélité du metteur en scène avec ses partenaires, ainsi Michel Audiard autre dialoguiste régulier - il est le colonel von Krack
Philippe de Broca :
Il aimait tellement rire et s’amuser qu’il ne rechignait pas à jouer dans ses propres films - il est le caporal Adolf Hitler
Georges Géret :
Encore un second rôle avec une bouille bien à lui qui tourna quelques quarante films ou sa tête de dur ou de bougon a été fort bien employé. On se souviendra de sa composition dans Z (1969) de Costa-Gavras - il est un soldat avec Mc Fish
Yves Robert : le général Baderna
Remarque
Le film a été tourné à Senlis. Cette ville est tellement photogénique qu’à la fin de la projection on a envie de s’y rendre sur le champ ou à la première occasion. Il peut être amusant de comparer ce qu’est devenue cette ville cinquante-cinq ans plus tard.
Ce film joue sur deux tableaux. La poésie et le burlesque avec beaucoup de finesse et d’élégance dans les situations et les images et/ou les dialogues.
Le burlesque nous rappel parfois ce grand succès qu’a été Hellzapoppin (1941) Un film traitant, sur un mode burlesque justement, des us et coutumes des milieux du spectacle, du théâtre et du cinéma américains. On y trouve des incongruités hilarantes et des quiproquos à profusion.
Le « flop »
De « Cartouche » tourné en 1962, producteur. La consécration internationale est acquise avec aux « Tribulations d’un chinois en Chine » en 1965 en passant par « L’homme de Rio » en 1964, qui lui vaut une consécration internationale curieusement « Le Roi de Cœur » est un échec critique et commercial. Il arrive que le public se rue sur un film décrié par la critique. L’inverse existe également. Critique louangeuse et public absent. Là, c’est les deux.
Bref, un petit tour aux oubliettes jusqu’en 1978. Les droits, vendus aux Américains, donne un second souffle à l’œuvre. Au panthéon des films curieux il devient même culte. Aujourd’hui il est considéré, ben voyons, comme son chef d’œuvre. Les jeunes générations le revendiquent comme un Maître.
Malgré l’échec de 1966, des 1969 il tourne « Le diable par la queue » Énorme succès sur lequel nous reviendrons certainement. C’est en tout cas une belle illustration de sa motivation profonde à faire des films : « parce que le rire est la meilleure défense contre les drames de la vie. »
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