« En-cas » vieux mot français qui désigne une collation ou un repas léger. Il tient son origine de « en cas de » : dans les châteaux de l’Ancien Régime, on laissait un repas froid sur une petite table pour ceux qui rentraient tard.
L’en-cas de Louis XIV, à Versailles,« il n'y avait plus après cela qu'à se coucher, mais le roi se sentait le ventre creux et, dans la crainte de défaillir d'inanition durant la nuit, il faisait mettre à sa portée un en-cas composé de huit œufs durs, d'une poularde, de trois pains et de deux bouteilles de vin...
Certes, Louis XIV « en laissait », puisque les restes étaient revendus, mais la princesse Palatine n'en vit pas moins son royal beau-frère ingurgiter à lui tout seul quatre pleines assiettes de soupes diverses, un faisan entier, une perdrix, un grand compotier de salade, deux grandes tranches de jambon, du mouton au jus et à l'ail, une assiette de pâtisserie, sans préjudice de fruits et de quelques œufs durs...»
« À deux heures du matin nous avalâmes un en-cas frugal, composé de fromage écrémé et de biscuits dont j'avais eu la précaution de me munir, car j'ai l'expérience de l'ascétisme... »
Arnoux, Rêverie d'un policier amateur, 1945, p. 221.
À propos de petite table j’aime beaucoup la description qui suit de la taille optimale d’une table :
« Les petites pièces et les petits logis aident à discipliner l’esprit disait Léonard de Vinci, qui ajoutait que les grandes pièces et les grands logis l’affaiblissent. On pourrait dire à peu près la même chose des tables à manger. Plus petites elles sont, plus grande est l’intimité ; les grandes tables sont bonnes pour les châteaux.
Si une table est trop large, il devient difficile de se parler d’un bord à l’autre et l’on ne peut converser qu’avec son voisin de gauche ou de droite. Si elle est trop étroite, c’est le contraire qui est vrai, car on s’adresse plus facilement à qui nous fait face. L’idéal est une table d’environ quatre-vingts centimètres de largeur, sa longueur étant fonction de celle de la pièce.
Alors quel en-cas sur la petite table ?
1 bout de fromage, quelques tranches de saucisson, 1 œuf dur, 1 fruit, 1 quignon de pain, 1 bouteille de vin, 1 verre, 1 carafe d’eau…
À propos de fromage, cette anecdote savoureuse, so british : « Lors du grand incendie qui ravagea Londres en 1666, Samuel Pepys dut prendre des mesures pour protéger certains biens précieux d’une destruction totale : « Ce soir-là, sir W. Penn et moi, nous avons creusé un autre trou dans le jardin pour y mettre notre vin et moi mon fromage parmazan. »
Et l’œuf dur ?
5 avril 2010
« Le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain » au pied d’un ballon de rouge va-t-il disparaître ? ICI
Comme l’écrit Jacky Durand dans Libération « l’œuf dur est un aliment singulièrement dual : il tient tout à la fois de la frugalité et de l’abondance, de l’en-cas où il est seul en scène et du gueuleton où il joue les troisièmes rôles dans des recettes du dimanche. »
En France l’œuf de poule est roux et, contrairement à une idée reçue la coloration de la coquille ne joue aucun rôle dans le goût de l’œuf. Cuire un œuf dur est à la portée du premier individu de sexe masculin élevé comme un gros naze par sa mère puisqu’il suffit de le faire cuire une dizaine de minutes dans de l’eau bouillante. La cuisson d’un œuf mollet relève lui d’un talent réel que peu d’individus mâles en pantoufles possèdent d’où l’expression féminine qu’ils reçoivent en revers lorsqu’ils protestent devant leur télé sur la qualité du frichti surgelé réchauffé micro-ondes :« va te faire cuire un œuf ! »
Et la bouteille de vin elle est là :