Dans sa très belle Préface de Dîner chez Marlène, Macha Méril , née Maria-Magdalena Wladimirovna Gagarina, avec le rang de princesse, de l'union de Marie Vsevolodovna Bielskaïa, issue de la noblesse ukrainienne, et du prince Wladimir Anatolievitch Gagarine, tous deux exilés avec leurs familles sur la Côte d'Azur après la Révolution de 1917, écrit :
« Et voilà qu’un jour je découvre Marlène cuisinière. Comme elle, j’ai cultivé toute ma vie l’arme puissante de la gastronomie. Car même aux moments les plus aigus du féminisme, auquel j’au évidemment adhéré en 68, je n’ai jamais voulu renoncer à mes casseroles, ainsi que le préconisaient les enragées de l’émancipation des femmes. Ah non ! Pour rien au monde je ne me priverais de cet art qui m’a procuré tant de joie, et tant de succès auprès des hommes ! Le chemin vers le cœur des hommes passe son estomac. Je l’ai maintes fois vérifié. Tous les hommes : les amis, les amants, les maris, les enfants, les collègues, les ennemis politiques, les producteurs et le metteurs en scène… Marlène l’avait compris avant moi, elle a peaufiné son registre de nostalgique Allemande pour trouver un style bien à elle, et elle a enjôlé von Sternberg, Jean Gabin, Billy Wilder, Orson Welles et les autres avec ses bouillons et ses pot-au-feu. »
« J’ai une admiration sans bornes pour ce genre de femmes, d’une grande intelligence, qui ont su s’emparer de leur identité à l’heure où l’émancipation des femmes n’existait pas encore. » Macha Méril est intarissable sur Marlene Dietrich. « J’ai été très flattée lorsqu’on m’a demandé d’écrire la préface de ce livre »
«Dîner chez Marlene : De L’Ange bleu au cordon-bleu»
« Même pendant les tournages, Marlène était impatiente de se retrouver devant les fourneaux pour cuisiner…
En 1957, elle tourna avec son réalisateur préféré Billy Wilder Witness for the Prodecution (Témoin à charge). « En travaillant avec toi, j’ai appris à te connaître et à t’aimer, tu m’as enrichie et emplie de gratitude », lui avait-elle déjà écrit le 14 juillet 1948. Elle fut très heureuse durant ce tournage avec Billy Wilder, et Charles Laughton qu’elle adorait : « C’était un acteur remarquable, sans artifice ni prétention. Il ne manifestait ni exigences particulières ni mauvaise humeur à l’égard des réalisateurs ou des producteurs, contrairement à l’attitude de nombreuses vedettes…»
Lors d’une séquence, son interprétation était si impressionnante qu’à la fin du tournage… tous ceux présents sur le plateau restèrent immobiles, comme fascinés. »
Alors pour ramener tout le monde à la réalité, elle annonça soudain qu’elle allait préparer le déjeuner pour tout le monde !
Un goulasch hongrois avec des pâtes et une salade de concombres.
Dessert : fraises au vin rouge
« Et pour terminer un café absolument délicieux » selon Charles Laughton (carnet daté du 11 novembre 1957)
Le lendemain, même émotion « elle était si extraordinaire que tout le monde sur le plateau avait les larmes aux yeux. Elle aurait dû être épuisée, mais non, elle nous invita tous de nouveau à déjeuner de très fines escalopes viennoises avec un mélange de choux de Bruxelles et d’artichauts. Elle avait initialement prévu des petits pois frais à la parisienne, mais pendant la cuisson, elle trébucha et tout se renversa par terre. Comme dessert, elle prépara des crêpes et son délicieux café. »
Toujours Charles Laughton.
Quelques jours plus tard, après une scène où la tension était si intense que l’équipe en trembla « Eh bien ce jour-là, elle nous fit un poulet aux pâtes, des framboises accompagnées de quelques herbes, et une fois de plus son délicieux café. » note Charles Laughton conquis.
Tellement addict de la cuisine de l’Ange Bleu qu’il revint au studio lors d’un de ses jours de repos. Il s’arrangea pour passer à l’heure du déjeuner. « Marlène était en train de préparer un bœuf strogonoff qui s’avéra savoureux, léger et juteux comme je n’en avais jamais mangé… et toujours son merveilleux café. »
L’acteur avoue qu’à la fin du tournage « nous étions tous gonflés comme des baudruches, et je dus moi-même me mettre à la diète. »
Billy Wilder eut cette boutade « les hommes admiraient les jambes de Marlène dans l’espoir de profiter d’un bon repas. »
Une très grande dame et un livre exceptionnel…
Marlene Dietrich welcomes a soldier returning from World War 2 with a passionate kiss through a porthole, 1945.