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29 mai 2016 7 29 /05 /mai /2016 06:00
Que les hauts salaires lèvent la main : « On allait jouer au foot pour conquérir une totale liberté, bref pour une cause noble » Rachid Mekhloufi « Un maillot pour l’Algérie »

Mémé Marie aurait dit « ils n’ont pas de honte » à propos de la hauteur vertigineuse des émoluments des dirigeants d’entreprises multinationales, représentés en France par les 2 Carlos, Ghosn et Tavarès, Olivier Brandicourt DG de Sanofi qui avec une rémunération totale de 16,76 millions d'euros par an, prend ainsi la première place au classement des rémunérations des patrons du CAC 40 (salaire fixe, variable, options et actions comprises), devant Bernard Arnault du groupe LVMH (9,40 millions d'euros par an) et Jean-Paul Agon de L'Oréal (9,10 millions d'euros).

 

Même que la Laurence Parisot, ex-présidente du Medef, s’étrangle d’indignation face, dit-elle, à l’arrogance de Carlos Ghosn un PDG à « mi-temps » chez Renault qui, à ce titre, est rémunéré à hauteur de 7,2 millions d’euros pour l’année 2015. Carlos Ghosn émarge également à hauteur de quelque 8 millions d’euros par an chez Nissan dans le même temps.

 

Le 29 avril, 54 % des actionnaires avaient rejeté la rémunération du dirigeant franco-brésilien. Mais le conseil d’administration n’avait pas tenu compte du vote et validé la rémunération dans les heures suivant l’assemblée générale.

 

«Je me considère comme un joueur de football ou comme un pilote de Formule 1» Carlos Tavares, patron de PSA

 

Belle ligne de défense que d’invoquer

 

Les 10 plus gros salaires du foot 

 

Lionel Messi (FC Barcelone)

 

L'attaquant argentin occupe la première place de ce classement avec 65 millions d'euros de gains annuels bruts sur les 12 derniers mois: salaires + contrats publicitaires + opérations diverses.

 

C’est pour cette raison que ce matin j’ai décidé de vous parler de Rachid Mekhloufi.

 

Qui se souvient de Rachid Mekhloufi ?

 

Pas grand monde, et pourtant, ce pensionnaire de l’AS Saint-Étienne de Jean Snella aurait pu jouer la fameuse coupe du Monde de 1958 en Suède où la France termina 3ième après avoir été battu par le Brésil de Pelé en demi-finale, celle des 13 buts de Just Fontaine.

 

Le gouvernement français, depuis le 1er novembre 1954, mène en Algérie, territoire français, 3 départements, une guerre qui ne dit pas son nom.

 

Les « indigènes » ne sont pas des Français à part entière : Rachid Mekhloufi, l’enfant de la cité Lévy, né le 12 août 1936, qui, à l’âge de 8 ans, a assisté aux scènes de massacre de la répression de la manifestation de Sétif le 8 mai 1945 : près de 102 colons tués, plus de 5000 musulmans abattus, déclare :

 

 

« J’étais un petit peu l’enfant gâté du football français et de Saint-Étienne. Or, en Algérie, l’algérien n’était jamais considéré comme un Français. »

 

Il « se remémore aussi l’école indigène, tant abhorrée malgré ses bons résultats, où les petits musulmans, crânes rasés règlementaires car suspectés de poux, ont l’interdiction de fouler les pelouses et sont, à l’instar de leurs parents, tenus à distance policière des quartiers européens.»

 

Repéré à 18 ans par l’entremise de Michel, le frère de son instituteur juif, Joseph Setboun, il est transféré en août 1954 à Saint-Étienne.

 

Il fait partie, à deux mois de la coupe du monde en Suède, des quelques professionnels des Maghrébins susceptibles de la disputer avec « les Monégasques Abdelaziz Ben Tifour, véloce attaquant, et Mustapha Zitouni, solide défenseur central alors convoité par le Real de Madrid. Les 3 joueurs ont déjà porté 4 fois chacun le maillot frappé du coq et font figure de probables titulaires en Suède. »

 

« La coupe du monde, bien sûr j’y pensais, mais ce n’était rien au regard de l’indépendance de mon pays ! Il fallait montrer ce que les meilleurs joueurs algériens étaient capables de faire pour leur pays », insiste rétrospectivement Rachid Mekhloufi.

Que les hauts salaires lèvent la main : « On allait jouer au foot pour conquérir une totale liberté, bref pour une cause noble » Rachid Mekhloufi « Un maillot pour l’Algérie »

Le lundi 14 avril 1958, à 7 h 30, aux abords de l’hôpital de Saint-Étienne, trois ombres prennent place dans un Simca Aronde extra-large, qui démarre en trombe. L’un d’eux, celui du milieu, tête largement bandée, en pyjama sous un imperméable trop grand, c’est Rachid Mekhloufi, 22 ans, coqueluche des Verts, fine moustache brune, silhouette gracile, qui, pour son dernier match à Geoffroy Guichard, perdu piteusement 2 à 1 contre la modeste équipe de Béziers, a été blessé à la tête.

 

Direction la Suisse puis la Tunisie d’Habib Bourguiba, indépendante depuis mars 1956, où siège le GPRA présidé par le paisible pharmacien de Sétif Ferhat Abbas. Rachid Mekhloufi balaye d’un souffle une carrière prometteuse. Un aller simple vers l’inconnu révolutionnaire sans aucune assurance de retour.

 

« Cela prouvait que tout le peuple algérien était solidaire et que tous les Algériens, même les plus favorisés par la France, étaient concernés. »

 

Dès le 16 avril 1958, la presse métropolitaine fustige « les traîtres repus passés sans vergogne à l’ennemi. » Paris Match, imprime un numéro spécial avec une manchette scandalisée « Vedettes du foot français, les voici fellaghas ! »

 

Toute cette histoire est fort bien contée et illustrée dans une bande dessinée « Un maillot pour l’Algérie » Rey/Gallic/Kris chez Aire Libre.

Source de cette chronique : Débordements : sombres histoires de football, 1938-2016 d’Olivier VILLEPREUX, Samy MOUHOUBI, Frédéric BERNARD, William GASPARINI.
Source de cette chronique : Débordements : sombres histoires de football, 1938-2016 d’Olivier VILLEPREUX, Samy MOUHOUBI, Frédéric BERNARD, William GASPARINI.

Source de cette chronique : Débordements : sombres histoires de football, 1938-2016 d’Olivier VILLEPREUX, Samy MOUHOUBI, Frédéric BERNARD, William GASPARINI.

Dans Give Me Five, chronique de l'émission « L'oeil du tigre » de Philippe Collin consacrée au sport, Joy Raffin a présenté cette bande dessinée.

 

5 bonnes raisons de lire Un maillot pour l'Algérie 

 

Première raison : parce que cette BD inspirée d’une histoire vraie aurait pu s’appeler Good luck Algeria !

 

Raison numéro 2 : parce que cette BD raconte l’histoire de France et celle de l’Algérie.

 

Raison numéro 3 : pour Rachid Mekhloufi

 

Raison numéro 4 : parce que cet épisode a contribué à une amélioration du football nord-africain.

 

Raison numéro 5 : Parce que ces hommes sont des héros.

 

Rachid Mekhloufi a donc fait la guerre avec sa tête et ses pieds sans verser une goutte de sang, et Dieu sait que ce conflit fut sanglant, barbare dans les deux camps.

 

« Nous avions une équipe formidable qui a représenté l’Algérie combattante d’une façon sereine et extraordinaire. De toute façon, dans mon esprit, c’était l’indépendance ou la mort. »

 

« Les 4 années vécues avec l’équipe du FLN m’ont fait progresser incroyablement en tant que citoyen. Cela m’a permis de rattraper toute une culture, notamment politique, que j’avais laissée de côté en me consacrant au foot. C’est comme si j’avais suivi des études supérieures. »

 

Son seul regret est de me pas avoir eu la possibilité de prévenir Jean Snella « un entraîneur que je respectais infiniment. »

 

En juillet 1962, la guerre d’Algérie est finie, et Rachid Mekhloufi est désormais algérien, mais il se sent une dette vis-à-vis de Saint-Étienne :

 

« Quand je suis arrivé à Saint-Étienne, j’avais 18 ans. Dans le trajet en train depuis Lyon avec M. Garonnaire, le recruteur de l’ASSE, j’ai vu pour la première fois le peuple français tel qu’il était. On m’a accueilli avec une gentillesse extraordinaire, parlé comme à un citoyen à part entière, ce qui n’arrivait jamais en Algérie. J’ai découvert le gazon, moi qui n’avais pratiqué que sur des terrains en dur… De 1954 à 1958, à Saint-Étienne, j’avais des copains, des coéquipiers qui me respectaient, un entraineur Jean Snella qui était mon second père, Saint-Étienne, c’est ma deuxième ville de naissance.»

 

Après un an au Servette Genève où il retrouve Jean Snella, Rachid Mekhloufi rejoint l’ASSE dès la saison 1963-64, bientôt auréolé de 3 titres de champion de France et d’une Coupe de France (1968) snobant ainsi les représailles promises par les plus récalcitrants de l’Algérie Française.

 

Robert Herbin, le Sphinx, l’homme à la crinière rousse, Robbie, réputé économe de ses mots, ne tarit pas d’éloges sur son ancien partenaire et s’incline devant son engagement militant, lui qui, comme tant d’autres, fit son armée en Algérie « Son départ, c’était politique, il a fait ce que sa conscience lui a dicté. »

 

Lors de la finale de la Coupe en 1968, c’est Rachid qui inscrit les 2 buts victorieux, dont un pénalty que lui laisse tirer le copain Herbin, non sans lui avoir glissé à l’oreille, juste avant, en lui tendant le ballon : « Tiens, Rachid, c’est pour toi… »

 

Vous me concèderai aisément que cette belle aventure humaine mérite réflexion dans notre vieux pays en proie à ses démons. Mon admiration je la réserve au Rachid Mekhloufi… qui aujourd’hui est « ambassadeur à vie de l’ASSE », et qui vit entre La Marsa, en Tunisie, Alger et Paris…

 

Consulter aussi ICI  des images de la BD

 

Que les hauts salaires lèvent la main : « On allait jouer au foot pour conquérir une totale liberté, bref pour une cause noble » Rachid Mekhloufi « Un maillot pour l’Algérie »
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commentaires

P
Hauts salaires ? Hauts salauds oui ! Cette chronique pleine de charme et réconfortante illustre l'image qui veut que même sur du fumier peut pousser une fleur.Cette histoire de hauts salaires n'a rien d'indécent elle est tout simplement obscène. Obscènes également les alibis avancés et relayés par une presse aux ordres. Comment comparer un artiste et/ou un sportif avec ces prédateurs ? A t on jamais vu l'un de ces beaux messieurs " mouiller sa chemise " comme un sportif ou un artiste de donnant à fond dans un rôle exigeant ! Quand cela leur arrive c'est sur un terrain de tennis et ou un parcours de golf ou ils auront été conduits en voiture de maître. La qualité et la rareté d'un artiste ou d'un sportif à, pour mille et une raison, une valeur qui n'échappe pas à l'aspect financier de ceux qui les emploient et de telle sorte que, prudents, ils les assurent contre toute indisponibilité temporaire ou définitive. Ce n'est pas le cas de ces bons apôtres. Que je sache, ce bon Monsieur de Margerie a eu la malencontreuse idée de mourir dans un accident d'avion ; une fois séchées les larmes de crocodile de la Maison Total il a été tout bonnement remplacé sans beaucoup d'état d'âme. Remplacer, au pied levé, nos acteurs, relève de la mission impossible. Ne dit-on pas en termes justement de ce milieu qui ne sait parler qu'en chiffre que ces acteurs et/ou sportifs sont " bankable" Que je sache cet argument n'est jamais repris (ou alors très timidement mais vraiment très timidement) car à l'examen des récentes braderies de l'industrie française c'est exactement au contraire que l'on assiste. Quand les entreprises restent françaises c'est qu'elles n'intéressent personne et pour cause. Voyez EDF - merci Monsieur PROGLIO ! Voyez Areva - merci Mme LAUVERGEON . Restons en là pour ne pas gâcher plus avant la saint MOULINEX de ce jour.Retenons juste que c'est cette même presse aux ordres et les zé con nomistes , qui d'un coté déplorent la mort de l'industrie française et de l'autre justifie l'obscénité des salaires de ses patrons.Chercher l'erreur.
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