Les « Tintin reporter » de Télérama « explorent cinq régions de France » pendant l’été. C’est le Languedoc-Roussillon du vin qui ouvre le bal. Qu’un grand média national s’intéresse au vin j’applaudis des deux mains mais sans tirer à boulets rouges sur « Un rouge se rebelle » (c’est le titre du reportage) je trouve que nous resservir encore une fois l’histoire du Midi Rouge (80% de l’article) dessert cette belle région. C’est le boulet qu’elle traîne alors que la chaîne a été sectionnée depuis bien des années. Notre reporter, Stéphane Jarno, est un reporter en chambre, il a pu écrire son article à Paris sans se taper le voyage dans le terroir. Ma remarque ne met pas en cause la qualité des sources où l’ami Jean Clavel tient une bonne et juste place. Mais que diable ça manque de chair tout ça. Où sont les femmes et les hommes d’aujourd’hui qui font le Languedoc et le Roussillon ? Au rayon des grands absents, et l’entame de l’article est digne d’un copié-collé des papiers des divers services de presse des nombreuses interprofessions de South of France, avec une mention spéciale pour celui des Vins de Pays d’Oc. Je cite.
« Ils sont partout. Sur les meilleures tables new-yorkaises comme dans les supermarchés chinois, servis au verre dans les bars de Tokyo ou vendus par caisses entières chez les cavistes canadiens : les vins du Languedoc-Roussillon sont partis à la conquête du monde. Dans le nord de l’Europe, où la consommation de vin gagne petit à petit sur celle de la bière, ils se taillent la part du lion. Et les compagnies aériennes ne sont pas en reste qui, sur leurs plateaux-repas, sont nombreuses à avoir troqué les sempiternels petits bordeaux contre des crus du pays d’Oc. Même Air France s’y est converti. Evidemment, cette marche triomphale cache une réalité contrastée ; tous n’est pas rose au pays des corbières et du banyuls, où chaque année bien des viticulteurs mettent la clé sous la porte. Mais le chemin accompli par ces vins en à peine un quart de siècle n’en reste pas moins remarquable. »
Fermez le ban, le reporter passe à l’histoire, ça plaît aux lecteurs de Télérama le je me cultive un peu pendant les vacances et ça permet de rester dans le sanitairement correct. Dans le sous titre l’allusion à la guerre mondiale du vin est de rigueur mais du côté de la réalité de la vie d’aujourd’hui de nos vignerons pas le début d’une vraie approche de reporter. Tout ça est loin, tout ça ce sont des sujets qui emmerderaient les lectrices et les lecteurs de Télérama. Paris et le désert français titrait un bouquin de JF Gravier paru en 1947 : c’est toujours une réalité dans la tête des rédactions parisiennes qui ne prennent pas la peine, lorsqu’elles envoient un journaliste en reportage, de lui demander de sortir des sentiers battus, d’aller au contact de la vie des gens de nos belles provinces. Le fossé élitiste est bien toujours présent, ça me fâche et je l’écris. La photo qui illustre la chronique, très artistique : bravo Guillaume Rivière, va très bien avec l’introduction de l’article : ça doit plaire au bobo l’Upper East Side ou aux nouveaux riches de Shanghai cette France forcément houellbecquienne...
Pour le présent notre reporter l’expédie en deux petits paragraphes aussi généraux qu’approximatifs « Certaines AOC ont retrouvé leur lustre d’antan (saint-chinian, picpoul-de-pinet), d’autres comme le pic-saint-loup ou le faugères ont fait une ascension fulgurante, et les grès-de-montpellier se révèlent très prometteurs. Le recrutement d’œnologues, la diversification des cépages, la recherche de nouveaux assemblages, bref l’amélioration globale de la vinification a porté ses fruits. Premier bénéficiaires : les vins de pays, qui représentent aujourd’hui la moitié de la production régionale. Réussite exemplaire, le label « pays d’Oc » et ses vins monocépages qui cartonnent à l’export. Même les Bordelais dit-on, en seraient jaloux !
La filière, surtout, suscite beaucoup de vocations chez les jeunes et crée de nouveaux emplois. Depuis une dizaine d’années, de nombreux domaines sont rachetés et transformés. Indépendants, peu enclins à se plier aux contraintes et à l’aventure collective de l’AOC, ces électrons libres produisent à leur manière et souvent « bio ». Grâce à eux le Languedoc-Roussillon est devenu un eldorado en la matière et le salon Millésime bio qui se tient tous les ans à Montpellier est la plus grande manifestation européenne du genre. »
Pour l’avenir la parole est donnée à l’ami Jean Clavel mais comme ce n’est pas un sujet spécifiquement languedocien il m’excusera de ne pas en parler.