Cher Bernard Rouby,
En des temps difficiles, alors que je venais de débarquer à Perpignan dans la touffeur du mois août pour démêler les nœuds que la confrérie des VDN avaient su embrouiller avec une certaine facilité, médiateur donc, je vous ai reçu avec une petite poignée de vos amis. Vous étiez minoritaires, peu écoutés de la nomenklatura locale. En vous rappelant cela loin de moi de faire de vous mon obligé, comme vous le savez ce n’est pas le style de la maison.
Et puis, alors que je faisais un peu partie du paysage de votre beau département, une fin de journée je suis monté à Maury accompagné d’un natif du lieu : Jean-Pierre Borie, alors président de l’Interprofession des vins secs, pour sur l’invitation d’un groupe qui souhaitait se libérer du joug d’un petit potentat local faire le travail. C’était dans la grande salle communale, un vendredi soir je pense, il y avait beaucoup de monde. Je crois avoir ce soir-là mouillé le maillot. Paul Armengaud s’en souvient sans doute. Là encore je ne suis pas en train d’accumuler du crédit à l’endroit des vignerons de Maury.
Cependant, chers amis, si vous me permettez cette appellation, le mieux est souvent l’ennemi du bien : avec les meilleures intentions du monde il arrive parfois d’écraser des gens qui n’en peuvent mais. Bien évidemment, loin de moi l’intention de m’immiscer dans les affaires de l’ODG de Maury pour une histoire bien française consistant à se barricader dans son aire. Les erreurs du passé ne justifient pas forcément ce repli sans nuance sur soi-même. Ce n’est là que mon opinion mais j’en appelle au bon sens vigneron pour que l’esprit des origines des AOC retrouve de la vigueur et de la réalité. Vos pères n’auraient jamais édictés des règles aussi peu soucieuses de la vie en commun.
Vinifier dans l’aire ça apporte quelle garantie à nous les buveurs ? J’ose l’écrire : aucune ! Les raisins peuvent voyager dans tous les sens avec des allers-simples. Je n’écris pas que c’est le cas à Maury. L’important c’est l’esprit de ces affreux cahiers des charges et non leur lettre gravée dans le béton qui compte. J’en appelle vraiment à un sursaut salvateur pour éviter de vous enferrer dans des règles rigides qui recouvriront aussi des flux de vins qui seront commercialisés par d’autres que vous. Bref, ne me dites pas que vous ne pouvez pas faire autrement c’est ce que vos « opposants » vous rétorquaient en d’autres temps.
Bien sûr, Paul Armengaud pourrait m’en vouloir un peu de ne pas être descendu pour la fête de la cave de Maury. Je le lui concède mais ma petite entreprise individuelle consomme beaucoup de mon temps et je me dois de reposer de temps en temps ma carcasse. Mais, comme le disait je ne sais plus qui, je reviendrai, oui je reviendrai à Maury ! Et même que je suis prêt à y revenir pour, autour d’un casse-croute convivial, faire un remake du médiateur (merci de ne pas prononcer Médiator) J’en profiterai pour honorer une vieille promesse faites à Marie et Jean-Roger Calvet d’aller leur rendre visite (Marie était présente je crois le fameux soir de la destitution du « conducator »)
J’ai totalement conscience, cher Bernard Rouby, de m’occuper de ce qui ne me regarde pas mais si je le fais c’est qu’à Maury je crois compter quelques amis qui connaissent bien mon franc-parler et ils pourront, sans aucun problème, me renvoyer dans mes 22 mètres afin que je m’occupasse de mes fesses. Je suis ainsi fait et nul ne me changera : je reste persuadé qu’entre gens de bonne composition il est facile de trouver des solutions aux problèmes les plus difficiles.
Je m’en tiens-là, cher Bernard Rouby, en ajoutant que les kilomètres de nos pères ne sont plus ceux de nos enfants et que les lignes Maginot ou autres réduits imprenables ne sont plus de saison. À mon humble avis il suffit pour assurer le consommateur de l’authenticité, de l’origine, d’un vin, de s’en tenir à la règle originelle des AOC « écrire ce que l’on fait, et faire ce que l’on a écrit... » Le passé a largement démontré, malheureusement, que sous des écrits vertueux se nichaient des pratiques moins avouables. Cette remarque est d’ordre général à l’attention de notre beau pays qui n’aime rien temps que donner la leçon à la terre entière, et non à Maury spécifiquement.
Au plaisir de vous revoir tous à Maury, en attendant ce jour je vous assure, cher Bernard Rouby, de mon meilleur souvenir et de ma réelle amitié.
Jacques Berthomeau médiateur un jour médiateur toujours
PS. La photo de Bernard Rouby a été prise lors de la visite du Préfet chez mes amis les Piquemal que j'embrasse. Si je vais à Maury je passerai forcément à Espira-de-l'Agly les voir. Je connais le chemin.