Mercredi soir, avant un rencart au Flore, j’ai poussé la porte de l’une de mes librairies fétiches : l’écume des pages. Il y régnait une animation peu commune. La raison en était une séance de signature par l’auteur d’un gros livre. Rien de très original me direz-vous sauf que la maison servait dans des gobelets en plastic au choix : un Chablis ou un vin de pays de cépage rouge au nom exotique dont j’avoue humblement avoir oublié. Comme toujours une bonne et une mauvaise nouvelle : la bonne le vin était à l’honneur, la mauvaise les affreux gobelets. Je n’ai pas consommé. J’ai acheté des livres.
Une suggestion à mes amis vignerons : établir des partenariats avec les grandes librairies parisiennes ou d’autres villes de province pour assurer le service de leurs vins (via leur agent éventuellement ou un caviste) pour ce genre de pinces-fesses. Y’a que du beau linge consommateur de surcroît...
Bref j’ai acheté quelques petits livres dont celui d’Héctor Abad Faciolince qui est un écrivain colombien né à Medellin en 1958 qui, comme le dit la 4ième de couverture de son livre Traité culinaire à l’usage des femmes tristes publié chez Lattès : « À l’heure de la course épuisante au bonheur, à l’époque du bien-être en cachets, HAF se fait avec humour l’avocat de la mélancolie, l’ambassadeur des élans du cœur et nous livre un traité plein de grâce pour apprivoiser la tristesse. »
Pour votre samedi glacé je vous offre un petit extrait « Si un jour les mots te rendent malade, ce qui nous arrive à tous ; si tu es lasse de les entendre et de les prononcer ; si ceux que tu as choisis te semblent usés, ternes, infirmes ; si tu as des nausées quand tu entends « horrible » ou « divin » à tout bout de champ, ce n’est assurément pas la soupe des lettres qui va te guérir.
Tu dois alors procéder ainsi : tu cuiras des spaghettis al dente, que tu assaisonneras de la plus élémentaire des façons : ail, huile et piment. Puis tu braveras les critiques de l’étiquette en râpant un peu de parmesan après avoir ajouté ce mélange aux pâtes. À la droite de l’assiette creuse remplie de spaghettis accommodés ainsi qu’il a été prescrit, tu poseras un livre ouvert ; à sa gauche, un livre ouvert aussi. Devant toi, un verre de vin rouge. Aucun autre accompagnement n’est souhaitable. Tu tourneras au hasard les pages de l’un et l’autre livre, qui doivent être tous deux des recueils de poésie. Seuls les bons poètes nous guérissent de l’indigestion de mots. Seule la nourriture simple et essentielle nous guérit des ravages de la gourmandise »
Si le cœur vous en dit vous pouvez proposer pour la séance de dédicace le vin rouge que vous y verriez et pourquoi ne pas passer à l’acte à l’écume des pages... Un dernier mot sous forme d’une interrogation à Luc Charlier : « les bons poètes sont-ils aussi difficiles à trouver que les bons champagnes ? »