Rome !
Chez RAP, c’était en fin de journée, je venais de prendre une vraie saucée sur mon vélo, pluie joyeuse et bénéfique, lorsque j’entrais un peu dégoulinant, le premier sourire que j’ai capté c’est celui de Lucia Ceracchi. Sans tomber dans les clichés faciles, l’image des escapades sur la Vespa, petite guêpe agile, d’Audrey Hepburn et de Gregory Peck dans Vacances Romaines (1953) puis de Nanni Moretti dans Journal Intime (1993) me venait à l’esprit. J’étais en terres italiennes pour découvrir les vins de Matteo Ceracchi, jeune vigneron passionné, du domaine Piana Dei Castelli, à Velletri au sud-est de Rome, dans le Latium, dans un terroir volcanique.
Rome donc, l’Italie Centrale, la capitale politique du pays, et dans ma mémoire, en dehors de mes références cinématographiques, le souvenir des écrits d’Alexis Lichine « Les vins des Castelli Romani comptent parmi les meilleurs d’Italie. Ce sont surtout des blancs secs, presque toujours délicieux quand on les consomme sur place. Le Frascati est le plus connu. Nombre de ces vins supportent les rigueurs des voyages océaniques. Blanc, sec ou demi-doux, l’Est ! Est !! Est !!! de Montefiascone est celui qui fait l’objet de la plus belle légende italienne au sujet du vin. » (Est ! Est !! Est !!! Chronique du 15/08/2007 link
Les Ceracchi sont implantés, enracinés dans ce terroir de Velletri depuis 2 siècles mais pour Matteo, formé à l’œnologie à San Michele in Alto Adige (le Trentin), la barre n’était pas placée assez haut. Avec Lucia sa sœur qui le soutient, il veut tirer la quintessence de son terroir, pour l’amour du beau vin. Pour ce faire il va acquérir des vignes abandonnées, une trentaine d’hectares pour bâtir son domaine Piana Dei Castelli. La conversation chez RAP entre Matteo et moi se fait par l’entremise de Lucia, résidente à Paris depuis 6 mois et qui pratique le français beaucoup mieux que moi l’italien. Elle souligne en riant « les vignes appartenaient à la banque ». Il a donc fallu de l’énergie, travailler dur, être en osmose avec son vignoble pour que les vins arrivent jusqu'à nous.
Je n’ai pas bien sûr arpenté le vignoble mais j'ai noté qu'un commentateur italien insistait sur le soin, la méticulosité de Matteo. Son aventure il l'a mène sans le soutien de sa famille, si importante en Italie, en effet le nouvel état d’esprit de la génération de Matteo et de Lucia s’affronte au scepticisme du père. Mais, à force de travail, de soins, la reconnaissance arrive. Matteo il les aiment ses vins, il les bichonne comme des enfants, il les défend avec fougue, il m’explique sans que je puisse tout à fait tout comprendre. Mais Lucia m'éclaire, avec son frère ils ont un défi à relever : celui de l’excellence. Voilà une très belle affirmation de jeunes passionnés, chacun dans son registre pour Matteo l'homme de l'art : c'est son terroir, ses vignes et ses vins ; pour Lucia, comédienne et scénariste, ce sont ses mots, son histoire. Mais en définitive la même passion les unit : celle de ces vins qui leur ressemblent.
Leurs vins, les vins de Piana Dei Castelli je les ai dégustés sans me disperser, concentré sur mon sujet : les blancs d’abord. Ils sont vraiment grands, tous, sans exception. Et croyez-moi je n’écris pas cela pour les beaux yeux de Lucia mais parce sur mon petit carnet vert, tout fripé, j’ai pris des notes. C’est si rare chez moi. En revanche ne comptez pas sur moi pour les noter car l’émotion esthétique ne peut s’accorder avec la vulgarité sèche d’un chiffre. Les grands blancs de Matteo sont droits, expressifs, d’une fraîcheur, d’une vivacité qui, comme l’écrit un commentateur italien, donnent le sentiment d’entendre le minéral de la roche-mère volcanique. Ces vins sont tous des IGT Lazio. Pour les rouges, les vins de Matteo sont en devenir, il leur faut prendre de l’âge pour exprimer un très beau potentiel. Le problème dans une telle dégustation c’est qu’après avoir frôlé les sommets avec les blancs l’approche que l’on a ensuite des rouges est un peu biaisée. C’est très injuste pour eux car on sent aussi sur eux la patte du vigneron et ils sont aussi d’une très belle expression. C’est un peu comme lorsqu’on effeuille la marguerite entre le je t’aime beaucoup et le je t’aime passionnément il n’y a qu’une seule marche.
Choisir est toujours une douleur mais j’ai retenu dans ma dégustation les 2 Follia en blanc c’est un Sauvignon 2010 et en rouge c’est un 100% sangiovese. Je ne puis encore vous dire à quel prix ils seront commercialisés à l’épicerie de RAP mais, dès que je le saurai, je ferai passer le message. Enfin, cerise sur le gâteau j’ai adoré le Grigio, un petit extraterrestre charmeur qui doit faire briller les yeux des filles. De cette dégustation chez RAP des vins de Piana Dei Castelli de Matteo je retiens que dans nos vieux pays de vins, l’Italie, la France et quelques autres des jeunes pousses arrivent à maturité et frappent à la porte de la notoriété. Les situations acquises, confortables, sans grand génie, de certains vont être bousculées. Bien sûr on me rétorquera que c’est le lot de la jeunesse de ruer dans les brancards, de secouer la routine mais dans ce mouvement actuel je trouve un supplément d’âme qui va bien au-delà de la pure technique. Ces jeunes vignerons passionnés savent mais ils mettent leur savoir au service d’une réelle recherche d’authenticité. Chemin difficile certes mais à nous ensuite de les aider à trouver un juste retour des efforts qu'ils ont consentis. Alors, les suivre, les encourager, les faire découvrir voilà un beau passage de témoin qui me plaît beaucoup.