Cette déclaration date de 1971, presqu’un demi-siècle, une éternité pour notre pas de temps médiatique. Elle émane d’un personnage très aimé et très populaire auprès de la France qui se lève tôt. Pour lui c’est le vin qui fait l’homme. La suite de ses propos que je vais vous rapporter, sans en changer un iota, sont « politiquement incorrects ». À l’époque, nul ne s’en était ému car la langue verte ne charriait pas des relents exploités par les xénophobes qui se planquaient encore eu égard à leur faits d’armes peu glorieux sous l’Occupation. Alexandre-Benoît Bérurier, dit le Gros, marié à Berthe Bérurier (dite B.B.), inspecteur de police sous les ordres du commissaire San-Antonio, collègue de l’inspecteur Pinaud dit Pinuche, n’est pas à proprement parlé un être raffiné, il adore entonner l’hymne des matelassiers, il se bâfre, lichetronne sec, il n’est pas très finaud mais il n’a pas mauvais fond et il est assez représentatif du populo de l’époque.
illustration de Michel Tolmer ®
Le texte proposé à votre lecture est extrait de N’en jetez plus ! et si je peux le porter à votre réflexion c’est grâce à la Bible publiée par Blandine Vié « San-Antonio se met à table » aux éditions de l’épure 28 euros www.epure-editions.com . Je fus un lecteur assidu, dans les autorails qui me menaient à mon dur labeur d’étudiant-salarié, de San-Antonio. Si je puis m’exprimer ainsi j’ai tété le lait de sa langue et il m’en est resté des expressions telle que « ma petite Ford intérieure ». Pour moi, les années 70 furent de grands millésimes « sanantonionesque » et j’ai toujours eu un faible pour le phrasé et le vocabulaire d’Alexandre-Benoît. Avec le recul du temps je trouve qu’il était pré-Coluchien donc à ne pas mettre entre toutes les mains. Que les âmes sensibles, les lectrices ou lecteurs de Télérama, tous les gars qui se shootent à la religion obscure, s’éloignent, éteignent leur ordinateur, afin qu’ils ne viennent pas me reprocher ce texte impie.
Dernier avertissement : vous entrez dans une zone à hauts risques, il est toujours temps pour vous de descendre de mon équipage. Même que, pour ne pas me faire lapider par les barbus ou enlevé par l’AQMI, je ne vous propose pas la partie la plus hard où Alexandre-Benoît veut convertir son cousin musulman à la religion catholique. Je m’en tiens à la prescription béruréenne et au pourquoi de son prosélytisme.
La prescription béruréenne
« ... cavale chez le Nicolas de l’endroit pour acheter une caisse de pichegorne. Lésine pas : prends du chouette, car va s’agir de se faire un palis, vu que le tient à écluser du thé, il doit pas avoir plus de sensibilité qu’une cuvette de pissotière. Pour pas trop te dépayser les muqueuses, attaque par du blanc. Un petit pouilly de Loire ou un crépy de Haute-Savoie ça serait idéal pour t’enchanter les glands de sale hiver. Ensuite d’après quoi tu passeras au rouge. Le rouge c’est un vin d’homme. Vas-y mollo au début : deux ou trois litres par jour, pas plus ; jusqu’à ce t’apprécie pleinement. »
Le pourquoi de son prosélytisme
« - Dis donc, Gros, murmuré-je, tu vas entrer dans les ordres, toi, à force de vouloir baptiser tes contemporains. Qu’est-ce que c’est, cette lubie ? Je te savais pas porté sur la curaterie.
Il hausserait les épaules s’il n’avait les deux ailerons soudés au torse.
- Me prends pas pour un bigot, simplement j’sus adjectif, mon pote. Les hommes se chicornent pour des questions politiques ou religieuses, en général, exaguète ?
- Hélas.
- S’ils se tuent pour une religion, c’est que ces cons ont besoin d’en avoir une, tu me suis ?
- Très bien, mais pourquoi leur imposerais-tu le catholicisme ?
Bérurier ne prend même pas la peine de se recueillir pour affûter sa réponse. Il la livre spontanément :
- Tu connais, toi, une autre religion basée sur le picrate ? Le Jésus de l’Enfant Marie qui change la flotte en rouquin. Qui cabaliste sur du pinard en affirmant comme quoi que c’est son sang ! Et dont on célèbre la messe en se filant du muscadet plein le ciboire. Si t’en sais d’autres, j’sus preneur ! Moi j’estime que, religion pour religion, autant s’en farcir une qui t’incite au godet ! Une qui prend sa source dans un pied de vigne, bon Dieu de foutre. »