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28 novembre 2010 7 28 /11 /novembre /2010 00:09

J’ai passé deux ans de ma vie à Constantine où, en tant que VSNA (service militaire) j’étais maître-assistant à l’Université de Constantine dans un magnifique bâtiment (voir vidéo) de béton conçu par Oscar Niemeyer qui avait la particularité de s’enfoncer dans le sol – un ancien cimetière à flanc de colline – et d’être inchauffable et Dieu sait qu’il fait froid sur le plateau constantinois. Bénéficiant d’une solde de 900 francs et du Renault 4 j’ai beaucoup bourlingué dans l’Est algérien. Mes étudiants francophones, dont certains étaient des quadragénaires ayant connus la « guerre », m’invitaient chez eux et c’est avec eux que j’ai découvert la musique arabo-andalouse qui est le plus saisissant reflet de l’énorme melting pot de cette Algérie qui fut française. À Constantine, la rue qui tranchait la casbah en descendant jusqu’à la Medersa siège du recteur de l’Université officiellement rue Larbi M’Hidi, héros de la résistance liquidé par le sinistre Gal Aussaresses et respecté par le père Bigeard, était toujours désignée comme la rue de France par eux et, le quartier « juif » lui aussi bénéficiait du même traitement. Les cassettes circulaient sous le manteau et chez le coiffeur la transgression absolue consistait à écouter Enrico le natif de Constantine, il d’une famille juive de musiciens du malouf. Son père était violoniste dans l’orchestre de Raymond Leyris dit Cheikh Raymond (beau-père d'Enrico Macias).

 

Cette musique du petit peuple, celui des gens de peu qui se côtoyait « avant » dans cette rigoureuse et si musulmane Constantine, n’était guère du goût du régime Boumediene qui du passé faisait table rase. Nulle nostalgie ni regret dans ce goût d’une musique puisant ses racines, sa source dans des cultures méditerranéennes, mais simple héritage d’une histoire commune. Réécrire l’Histoire est vain, c’est le fait des pouvoirs sans légitimité. Alors, lorsqu’au début des années 90 Lili Boniche est comme l’écrit avec beaucoup d'empathie et une grande justesse Magali Bergès http://lili_boniche.mondomix.com/fr/portrait213.htm « sorti des oubliettes de l'histoire de la musique. A peine plus ridé qu'aux temps bénis de ses plus grands succès, la démarche parfois incertaine mais toujours aussi pimpant, il est revenu sur le devant de la scène. Et il obtient aujourd'hui une audience qu'il n'avait jamais atteinte. La vie de celui que l'on surnomme le crooner de la casbah ressemble à un scénario. Et pourtant tout est vrai… »

 

« Lili Boniche est né en 1921 à Alger, Alger la Blanche, Alger sa ville. A l'âge de 10 ans, il quitte le domicile familial pour suivre l'enseignement d'un maître du haoussi, Saoud l'Oranais. A ses côtés, il apprend pas à pas le répertoire de la musique arabo-andalouse, côtoie la célèbre Reinette l'Oranaise et devient un virtuose du oud. Un jour, il n'a alors que 15 ans, il débarque à Radio Alger et, avec tout le culot propre à son âge, propose un projet au directeur. Celui-ci est emballé et lui octroie une émission hebdomadaire. Porté par son succès naissant, le jeune Lili Boniche compose chanson sur chanson et les interprète en direct à l'antenne : « Elles me venaient comme ça, sans réfléchir «  raconte-t-il. Peu à peu, il crée un style (typique de la musique populaire algéroise) où se mélangent flamenco, arabo-andalou, paso doble, mambo et tradition juive. Il devient une star à Alger puis à Paris. Dans les années cinquante, il rencontre une comtesse : « Elle était belle, riche et folle de moi », se souvient-il en souriant ; il l'épouse illico. ». Il se reconvertit dans les affaires achète quatre cinémas à Alger et devient un homme d'affaires prospère. Lorque la tourmente embrase l'Algérie et avec l'Indépendance ses salles sont confisquées, comme les pieds-noirs il rentre en France et repart à zéro.

 

Mais, comme l'écrit Magali Bergès   « Aux débuts des années 90, toute une génération de réalisateurs redécouvrent ses chansons et les utilisent dans les bandes sonores de leurs films. "Le Grand Pardon", « La vérité si je mens », « Mémoires d'immigrés » : à travers le cinéma, Lili Boniche retrouve les lettres de noblesse que sa comtesse l'avait contraint à abandonner. En 1998, il sort un album intitulé « Alger, Alger » produit par… le patron d'une maison de couture. Le succès est mitigé mais l'américain Bill Lasswell reprend la production et la machine repart (…) et l'histoire reprend, comme si le conteur reprenait sa lecture exactement là où il l'avait laissée. A l'aube de ses 70 ans, Lili Boniche peut se targuer d'avoir rempli l'Olympia, de rassembler un public qui va bien au-delà de la communauté juive et de faire danser différentes générations de juifs, de catholiques et de musulmans qui tanguent en cadence, unis par la musique d'un crooner oriental aux allures de rocker suranné... »

 

Il s'est éteint discrètement le 3 mars 2008.

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commentaires

B
<br /> <br /> Nous avons rencontré Faudel pendant son concert à la vente des Vins des Hospices de Beaune. Comme Lili Boniche, il a repris "Bambino" qu'il a chanté en arabe sur la scène de la Comédie du Vin.<br /> <br /> <br /> Interview ici: http://bit.ly/edE8MQ<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> François<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Il m'arrive d'écouter de temps en temps "sa" version de Bambino histoire d'imaginer que je me promène dans les rues d'Alger... Merci Jacques de redonner vie à cet artiste si particulier.<br /> <br /> <br /> <br />
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