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23 septembre 2010 4 23 /09 /septembre /2010 00:09

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Jean Clavel, c’est Philippe Doutreme-Puich, un compagnon de mes deux années de coopération constantinoise, membre du cabinet du Président du Conseil Général de l’Hérault de l’époque : Gérard Saumade qui entretenait avec le Grand Jojo des relations orageuses,  qui me l’a présenté au temps où j’arpentais le Languedoc pour le compte de Michel Rocard Ministre de l’Agriculture de l’époque. Il était directeur du Syndicat des Coteaux du Languedoc (voir bio http://jean.clavel.pagesperso-orange.fr/portrait.htm ) C’est un sage, l’un des grands artisans du renouveau des appellations du Languedoc, l’un de ceux qui savent mieux que quiconque que derrière les ceps il y a des femmes et des hommes qu’il faut, en toutes circonstances, respecter car leur labeur en vaut bien d’autres qui si se veulent plus nobles et qui attirent la lumière autour de laquelle beaucoup de lucioles et de gros bourdons se pressent.

 Caillou-9149.JPGCaillou-9150.JPG

Jean  a 2 fils vignerons l'un en Languedoc (Mas de Périé Assas,  www.vins-clavel.fr ,  l'autre dans le Ventoux en cultures familiales diversifiées, vignes en cave coop, cerisiers et autres fruits, oliviers pour huile, lavande...Comme Jean me l’écrit et je me permets de le porter à votre lecture: « Ils fonctionnent très différemment l'un et l'autre. Pierre et sa femme Estelle sont sur une exploitation viticole de 35/40 ha de vigne bio en AOP sur 3 terroirs Pic Saint Loup, Saint-Christol et Méjanelle en vente directe, principalement export, bon niveau de compétence, jeune œnologue plein temps, stagiaires venant de l'agro, très bon équipement cave vinif, élevage, conditionnement, régulations des températures, après 2 années plus difficiles mais bénéficiaires, nette reprise de l'export. Ils ont 2 fils.

Loïs est sur l'exploitation venant des beaux parents et aide sa compagne qui est chef d'exploitation, en zone de montagne, les parents retraités agricoles sont encore très actifs. La logique d'entreprise est,  pas de salariés, culture très soigneuse, on récolte ce qu'on peut au maximum, s'il reste des fruits sur les arbres on les laisse, le fonctionnement de la coopérative d'Apt ne les satisfait pas, mais ils restent dans ce contexte, l'autoconsommation des produits bio de l'exploitation est la règle, il y a des gites loués en été, ils vivent confortablement mais modestement, et ont aussi 2 fils. »

 

Jean conclue « Je vis donc au travers de toutes ces expériences, directement au contact de la réalité quotidienne languedocienne et un peu provençale... »

Caillou-9152.JPG       Transformations viticoles en Languedoc:

 

« Lorsqu'on voyage dans notre région, on constate, maintenant, la réduction importante des surfaces des vignobles, et le mitage des paysages. Vu de l'autoroute A9, vers Béziers, des parcelles de vignes de grande surface à droite et à gauche sont arrachées et les tas de souches mortes sont encore présents sur ces terrains. Mais ce n'est pas seulement dans les grandes exploitations biterroises que l'on peut constater cette situation. J'ai été grandement surpris, il y a quelques semaines, au cours d'un contrôle effectué dans le cadre de l'ODG Languedoc (Organisme de gestion qui a remplacé le syndicat des Coteaux du Languedoc, dont je dirai quelques mots en annexe), dans la commune de Neffiès. Cette commune est située au nord de la zone viticole de la future appellation « sous régionale AOP » «  Pézenas ».

              J'avais, de Neffiès l'image et le souvenir d'une commune viticole dynamique, dont la cave coopérative était le moteur principal, ayant initiée il y a une vingtaine d'années une zone de reconquête viticole de garrigue, dans les hauts de la commune, entre Neffiès et Cabrières, d'une centaine d'hectares,  plantée en cépages recommandés dans le cadre de l'AOC Coteaux du Languedoc. La municipalité de la commune avait aidé cette initiative située sur des biens communaux, et avait conclu des baux emphytéotiques à prix modéré,  pour éviter aux vignerons d'avoir à supporter le poids du foncier.

              Première surprise, nous avions rendez vous à la cave coopérative du village, dont on m'annonça qu'elle avait cessé  de fonctionner, alors qu'elle avait modernisé ses installations. Deuxième surprise, le magnifique vignoble de coteaux de la défriche est tout mité.

2009: arrachage volontaire  subventionné de 6 ha,

2010: 13 ha nouveaux arrachés, et m'a t-on dit ce n'est pas fini. Ces plantations avaient eu l'aide du département de l'Hérault, de la région LR, de l'État français, et de l’UE. 20 ans après on subventionne les arrachages !!!Quelle tristesse !!

              On annonce la fin de nombreuses caves coopératives, dont certaines subsistent en attirant des coopérateurs voisins qui cherchent une solution à la défaillance de leur propre cave. Mais le plus souvent ce sont des apports de vendanges sans adhésion aux statuts, ce qui confirme leur caractère provisoire et précaire. Les conflits entre adhérents concernant la gestion des caves se multiplient, ce n'est pas le première fois que l'on voit un président de cave, lassé de ne pouvoir faire évoluer positivement l'ensemble des adhérents, abandonner la présidence et créer sa propre cave indépendante, c'est arrivé récemment dans les Grès de Montpellier, près de Lunel. Les situation aberrantes se multiplient, une coopérative en difficulté de gestion, s'offre à une absorption par une autre cave coopérative, la solution serait la réunion de 2 caves voisines, mais le plus souvent des conflits de voisinage avaient marqué l'histoire ancienne des deux villages et la cave en difficulté choisit un partenaire parfois très éloigné, ce qui multiplie les frais de transport de la vendange et surtout la participation des adhérents de la cave absorbée à la gestion de la cave absorbante, ce qui entraîne alors la réduction du vignoble de la commune dont la cave a disparu. L'absence d'une politique collective de la coopération viticole, d'une concertation entre caves et d'une intervention de l'État qui a financé, anciennement, le développement de la coopération viticole et se désintéresse maintenant de son avenir, compromet la mise en oeuvre de solutions intelligentes.

              Certains responsables politiques régionaux disent, officieusement, que 10 caves coopératives par département seraient suffisantes pour satisfaire les besoins!! Il y en avait 560 en 1970 en Languedoc Roussillon dont 155 dans l'Hérault. Il en resterait actuellement 80 dans ce département, mais combien en survie ??  

              En parcourant le territoire de Neffiès, en direction de Caux, une cave particulière en construction démontre que tout n'est pas perdu, et que des couples jeunes, venant d'autres régions, ayant confiance dans un avenir vinicole local et dans le terroir, investissent dans le vignoble, et dans l'immobilier, car n'ayant pu obtenir un permis de construire de l'habitation à côté de la cave et du caveau de vente, ils ont acheté une maison dans le centre du village. Est ce que ça démontre que le milieu humain vinicole languedocien traditionnel n'a plus, en général, l'énergie pour surmonter les difficultés du moment ?

              Mais il y a d'autres signes de changement, j'étais hier dans les Corbières en visite dans mon village natal, qui proche de Narbonne,  et situé sur un axe de communication, voit son territoire agricole se réduire rapidement, et des zones  d'activité artisanales ou industrielles se multiplier. Après quelques visites, nous avions convenu de nous retrouver à l'Abbaye de Fontfroide, très proche, qui me rappelle tant de souvenirs de jeunesse, de parcours en vélo, de visite du domaine alors très accessible et  au travers des immenses bois ou nous allions à la rencontre de bâtiments abandonnés qui avaient servi à des activités disparues, comme la collecte des résines des pins dans des gobelets en terre cuite, qui nous emportions comme des trophées.

              L'Abbaye revit grâce à l'initiative de ses propriétaires et d'une jeune branche familiale qui a repris la gestion directe, a renouvelé le vignoble millénaire dans l'AOP Corbières, la cave, a organisé l'accueil de milliers de visiteurs,  anime les lieux prestigieux par des activités culturelles, et aménagé dans une magnifique et ancienne bergerie un restaurant maintenant réputé, qui à partir de menus faisant appel aux produits locaux et aux vins du domaine reçoit une clientèle particulière et des groupes louant des espaces pour des activités collectives , des réunions, des congrès. La qualité est présente partout, y compris dans la gestion du vignoble, et les prix non excessifs.

              Ces solutions nouvelles permettant le maintien dans le système privé de monuments historiques prestigieux dont l'entretien est très coûteux, et de vignobles réputés, se développent rapidement. Valmagne, autre magnifique abbaye cistercienne des  Grès de Montpellier, après un intense effort de reconstruction rénovation à long terme pour assurer son avenir, la recréation d'un jardin des simples et de production légumière bio, a ouvert depuis peu, son restaurant et y sert les vins bios du domaine.

              Flaugergues, à Montpellier,  lieu historique  privilégié et protégé malgré la croissance de l'urbanisme tentaculaire qui l'entoure et l'enserre, résiste et prend l'initiative d'accueillir un public nombreux venu découvrir les vins du domaine ou participer à des initiatives de réception, dans les espaces couverts ou de jardins aux plantes et arbres remarquables et depuis peu le restaurant, situé à côté du caveau de vente, moyen d'un chiffre d'affaire salvateur.

              Le succès de ces initiatives prestigieuses et d'autres plus modestes en cours de développement, démontrent qu'il y a des ressources vigneronnes capables d'engager le Languedoc dans des voies d'avenir.

 

Annexe: La réforme de l'organisation viticole française, imposée par le gouvernement sans trop de concertation,  par  une ordonnance en date du 6/12/2006 (issue l'article 73 de la loi d’orientation agricole du 5/01/2006) a profondément modifié l'organisation des vins en France. L'OCM, (organisation commune de Marché européenne) mise en oeuvre par un règlement du 29 avril 2008, bouleverse les pratiques françaises, introduisant un libéralisme de fonctionnement opposé aux normes de production nationales. (Exemple: la décision de supprimer le cadastre viticole et les droits de plantation, base de l'organisation viticole française.)  Les syndicats viticole 1884 à adhésion libre,  base de l'organisation viticole française, ont été remplacés par des administrations à adhésion obligatoire (ODG) aux fonctions limitées. Des administrations de contrôle indépendantes effectuent les fonctions dévolues aux syndicats. L'INAO qui avait une certaine indépendance par rapport au ministère de l'agriculture et avait joué un rôle historique, direct et indirect, important,  dans la notoriété des vins français dans le monde, a été remplacé par un organisme administratif sous tutelle, chargé de gérer les signes de qualité de tous les produits agricoles et agro-alimentaires. Cette évolution technocratique de la viticulture française est devenue d'une complexité telle, que sa cohérence en souffre. Les administrations intervenantes, douanes qui ont succédé à l'administration des contributions indirectes anciennement chargée de la viticulture, n'ont pas la même interprétation que Agrimer qui a repris l'activité de ONIVINS, souvent en contradiction avec la DDEA, résultat de la fusion de la DDAF (direction départementale de l'agriculture et de la forêt) avec la DDE(Direction départementale de l'Équipement) On peut s'interroger sur la pertinence de tous ces bouleversements administratifs, est ce que ça aide au développement du marché international des vins français ??

 

Jean Clavel 20/09/2010

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commentaires

R
<br /> <br /> Merci à Jacques de nous rapporter les analyses toujours aussi affutées de Jean. C'est évident que notre Languedoc est promis à un avenir brillant si (et seulement si !) on fait, d'une certaine<br /> façon, table rase du passé. Beaucoup de nos traditions languedocienne mélées à des batailles d'hommes insensées ont épuisés la machine. Et c'est avec un immense plaisir que chaque jour nous<br /> voyons d'autres têtes, d'autres cultures venir faire leurs places chez nous et réussir. L'histoire de la production collective va se finir doucement, non sans drame probablement, mais toutes les<br /> histoires ont une fin. Le renouveau a un prix, c'est à nous de le payer et à personne d'autre, mais nous en récolterons aussi les bénéfices et pas seulement les bénéfices financiers.<br /> <br /> <br /> <br />
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I
<br /> <br /> Michel,et c'est bien Jean Clavel, qui a prédit cette évolution dans un livre sur l'histoire et l'avenir du Languedoc des années 1980, qui vaut encore être lu, il existe aussi une<br /> nouvelle édition, qui prolonge la perspective. Pendant des année et sur le<br /> terrain, il a l'incité et accompagné cette évolution! Sans aucun passéisme, comme on pourra le croire, en regardant les illustration, que Jacques Berthomeau a choisi plus haut...<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Comme Jean Clavel, je me sens partagé quant à l'avenir de notre vignoble sudiste. J'ai des bouffées de pessimisme qui, fort heureusement, ne durent pas longtemps. Chaque jour, presque, j'ai des<br /> surprises qui déclenchent mon optimisme. De belles caves se construisent, de jeunes couples s'installent avec dynamisme, des investisseurs arrivent y compris les étrangers, des enfants du pays<br /> reviennent et redémarrent une activité viticole, les reconversions bio se multiplient et certains commencent à avoir un bon carnet de commandes à l'export. Point commun avec ces histoires de<br /> succès : la bougeotte. Les acteurs de ce renouveau se bougent les fesses et se manifestent un peu partout : caves, fêtes de villages, foires au vin, salons... Ils n'hésitent plus à contacter les<br /> représentants de la presse. Ils se manifestent dans la restauration locale. Ils déposent leurs échantillons dans les chambres d'hôtes ou les gites. Ils fréquentent les marchés paysans en été. Ils<br /> se communiquent leur énergie en se rencontrant avec d'autres vignerons. Je l'ai déjà dit dans ces pages : notre vignoble, certes moins important qu'auparavant, est toujours appelé à un grand<br /> avenir. Il suffit d'y croire. Pour ma part, je relève une autre note d'optimisme : nos vins sont de plus en plus bons, de plus en plus jouissifs.<br /> <br /> <br /> <br />
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