Depuis ma tendre enfance j’ai toujours été attentif aux mains. Celle des filles d’abord mais je n’épiloguerai pas sur elles afin de ne pas aggraver mon cas même si les mains de ma mémé Marie, calleuses avec des ongles ébréchés, celles qui me préparaient mes tartines je les trouvais belles et tendres. Moi j’ai les mains et les doigts de mon pépé Louis dont son épouse, la mémé Marie, disait qu’il était orgueilleux car il prenait un soin tout particulier à sa toilette : aux deux sens du terme : son hygiène et ses vêtements. Rasé de près, moustache à la Foch impeccable, bien peigné et des mains soignées : le voir s’entretenir les ongles avec son couteau me fascinait. Il portait beau le Louis Berthomeau ! En ce temps là, je sais ça fait vieux con, la majorité de la population active travaillait de ses mains. Les temps ont bien changé mais de temps à autre je me captive à nouveau pour des mains. Ainsi celle que présentait l’ami Pousson, sur l’une de ses étiquettes cultes de la cuvée 2008 de l’Esprit du Vent d’Embres&Castelmaure éloge de la paresse. Une main de vigneron marquée par la vendange.
Les mains que je vous présente ce matin sont celles de René Pastissier pêcheur à la mouche vivante du côté de Laguiole en Aveyron. Elles m’ont fasciné car elles semblent lourdes, pataudes, malhabiles alors que leurs doigts tout abimés vont se saisir délicatement, à la sortie du piège à mouches, d’une mouche vivante pour l’embrocher entre les deux ailes sur l’hameçon (je sens que les défenseurs de bêtes vont soit défaillir, soit me haïr). Les mains de René Pastissier sont la démonstration vivante que ce que fait la main, son habileté, sa précision, sa concision, résulte du contrôle de la tête : notre René sa passion c’est la pêche à la mouche vivante alors toute son intelligence pratique est tendue vers l’excellence. Tout dans son génial piège à mouches est le fruit d’une observation méticuleuse des mouches. Il en veut beaucoup, car il lui en faut beaucoup, et vivantes bien sûr. Alors, il arrive à ses fins René et avec ses grosses mains il a l’habileté d’une brodeuse. Alors, gardons-nous des jugements hâtifs, le grossier n’est pas forcément celui qui en a les apparences alors celui qui se dit fin cache souvent sous son vernis son insignifiance. Belle leçon d’humilité et surtout mise à mal des apparences qui sont si prégnantes, si dominatrices dans nos sociétés du paraître.