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23 juin 2010 3 23 /06 /juin /2010 00:03

Comme j’ai un esprit de contradiction fort développé au lieu de commencer par : « La Roumanie est un pays viticole depuis l'Antiquité. Au flanc des contreforts des Carpathes, il existait de vastes plantations de vignes il y a 2 700 ans, bien avant la colonisation du bord de la mer Noire par les Grecs (7e siècle av. J. C.). Certains vestiges archéologiques attestent même une activité viticole remontant à six millénaires. Quant au vin, il a été produit ici depuis le 7ème siècle av. J-C. Plusieurs sources écrites nous apprennent que la vigne et le vin ont joui d’une grande attention parmi les ancêtres des Roumains, les Daces (des Thraces septentrionaux) » je vais aborder l’Histoire de la vigne et du vin dans ce pays par une période que le régime du Conducător, le « Génie des Carphates » Nicolae Ceauşescu, qualifiait « d’âge d’or »

Si vous souhaitez humer l’atmosphère incomparable de cette période sous un régime au « bilan globalement positif » selon l’inénarrable Georges Marchais allez voir un merveilleux film : « Les contes de l’âge d’or » de Cristian Mungiu. C’est 5 histoires courtes racontées du point de vue des gens ordinaires qui, pour survivre face à l’absurdité de la bureaucratie du Parti, la logique insensée de la dictature, avec un fatalisme et une extraordinaire vitalité, se débrouillent et composent sans le savoir des situations hors du commun, comiques, bizarres et surprenantes.  


CONTES DE L'AGE D'OR- La légende du policier affamé

19203257_jpg-r_160_214-b_1_CFD7E1-f_jpg-q_x-20091124_010552.jpg Après la seconde guerre mondiale, le régime communiste nationalise les vignobles et leur exploitation, confiée à l’Etat. Peu d’investissements et une priorité absolue a été donnée à la quantité : dans les années 1960, la Roumanie est devenue le cinquième plus gros producteur de vin d'Europe. Mais dans les collines de Munténie et d’Olténie (au Sud du pays voir la carte) le petit village de Drobiţa les vignes individuelles sont florissantes. Je vous livre ce qu’en écrit Jean Cuisenier dans Mémoires des Carpathes La Roumanie millénaire : un regard intérieur Terre Humaine chez PLON (2000).

Roumanie_3_CarteVignobles.jpg
« Le vignoble, à Drobiţa comme dans toute la région, se révèle, à l’observation, plus varié qu’il ne paraît d’abord. Aux vignes domestiques, s’opposent massivement celles des coopératives issues de la collectivisation des terres anciennement possédées par les boyards, sur des dizaines d’hectares. De la viticulture pratiquée sur ces dernières, il y a peu à dire. La technique en est entre les mains d’agronomes d’État, l’administration entre les mains de gestionnaires d’État. Là, travaillent des salariés de coopératives, descendants d’anciens petits agriculteurs-vignerons, petit-fils, eux-mêmes, de serfs des boyards. Tout autre est la viticulture pratiquée sur les parcelles laissées, en régime communiste, à la disposition des familles. Celle-ci conserve les éléments d’une viticulture plus ancienne, bien vivantes en ces années 70, plus vivante encore après la chute du régime communiste, en raison du regain de l’économie domestique dans les années 90.

Qu’on imagine des dizaines, des centaines de petites parcelles de quelques ares chacune, voire, pour les plus grandes, de deux ou trois décares. Closes de haies où abondent les arbres fruitiers, framboisiers, cassissiers, noisetiers, elles sont disposées à flanc de coteau entre la montagne et la forêt, au nord, la plaine où s’étendent les anciennes propriétés des boyards, au sud. Un réseau serré de chemins sinueux les dessert, ponctué par des croix plantées à des multiples carrefours. La plupart de ces parcelles sont complantées d’espèces diverses et variées : une ou deux lignes de pommiers et poiriers, deux ou trois cerisiers, un noyer sur une haie. Les pieds de vigne sont disposés en ranges, soigneusement fixés sur échalas, taillés assez bas, aux environs d’un mètre. Si quelques rangs de jeunes ceps viennent renouveler une vieille plantation, des rangs de maïs s’intercalent entre eux, pour ne pas laisser le moindre mètre de terre dans l’improductivité. Tout indique que cette viticulture procède d’un jardinage intensif, ménager de l’espace, privilégiant la pluralité des espèces et le diversification des variétés plutôt que l’abondance de la production et l’économie du temps productif. Il suffit pour s’achever de s’en convaincre, d’examiner comment sont composés les rangs dans une parcelle et répartis les pieds dans un rang. J’ai pu compter, sur une parcelle de onze ares, neuf variétés différentes, et sur chaque rang, trois ou quatre variétés distinctes !

A cette disposition apparemment erratique, deux explications sont données. Ce serait, assure Constantin Cîrciu, « pour tromper les voleurs ». Si ces derniers repèrent sur une vigne des rangs régulièrement plantés en une variété greffée et prisée, ils ont plus vite fait d’opérer leurs prélèvements que s’il leur fallait chercher, pied après pied, les bonnes grappes de raisin à cueillir. Le pope Dabela avance une autre explication. Il ne croît pas à la stratégie de la ruse pour dissuader les voleurs, « car tout le monde, à Drobiţa, a sa vigne et fait son vin ». Il pense que cette manière de planter la vigne est mauvaise, et que l’erreur persiste depuis longtemps. Elle révèlerait une autre stratégie, consciemment gustématique : « Chacun, assure-t-il, veut avoir un peu de vin de chaque variété, pour en goûter la qualité et apprécier la différence ; un peu de Nova plus corsé, un peu de Noc, plus léger ; et aussi faire des mélanges à son goût. »

Ces deux explications ne sont pas contradictoires, mais complémentaires. Et fort insuffisantes l’une et l’autre. Car le degré de compétence des cultivateurs de vignes domestiques est, à Drobiţa, très inégal. Pour un Constantin Cîrciu, expert en greffage et en traitements, nombreux sont les Virgil Gîngioveanu ou les Dinu Sîrbu qui savent tout juste biner et tailler. Qui se contentent du vin pressé et fermenté dans leur cellier, même si le goût en est acide et l’arôme évanescent. Mais qui, pour rien au monde, ne se passeraient des avantages de la production domestique : sa gratuité monétaire, sa disponibilité, sa destination. Car en ce pays de vieille culture méditerranéenne, la valeur vénale du vin n’est rien par rapport à sa valeur d’usage, et sa valeur d’usage, rien par rapport à sa valeur symbolique et sociale. Goûter ses vins, faire ses propres assemblages, suivre son vieillissement, l’offrir aux repas de fête, tout cet ensemble concourt au rang social et au prestige de la famille. Et pour ceux qui en ont le temps, on va cueillir son raisin, variété par variété, pied par pied, grappe par grappe, au moment où il le faut pour une exacte maturation. »
Chou-7056.JPG 

 

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