Dans la presse « Le pouvoir a été conquis par les financiers pour qui les lecteurs sont des « infomateurs » Non, non, aucune faute d’orthographe dans cette citation tirée de l’édito du numéro d’automne de la revue trimestrielle XXI qui n’accueille aucune publicité dans ses pages. Comme le soulignent avec une pointe d’ironie souriante Laurent Beccaria et de Patrick de Saint-Exupéry, XXI « est une revue à bas bruit, sous le radar »
En payant 15€ nous rétribuons à son coût « un journalisme debout », celui qui sort de son bureau et qui coûte cher. Mais, ramené à la semaine, ça ne fait qu’à peine plus d’un euro/semaine. Pour un contenu, riche, de qualité, divers, 200 pages, ce n’est pas cher payé. C’est de la lecture du soir, sous la lampe, bien calé dans son fauteuil, à la manière de la dégustation d’un bon vin. Ainsi, ce superbe reportage sur la dernière estive signé Pierre Jourde, l’histoire stupéfiante de Wie, ancien paysan qui pêche les morts du fleuve jaune racontée par Jordan Pouille ou encore l’enquête sur l’un des parrains qui « tire les ficelles » de l’establishment des affaires : Marc Ladreit de Lacharrière menée par Patrice Lestrohan.
Je souscris et signe à deux mains ce qu’affirment les deux éditorialistes « le temps des médias de masse est révolu. Celui du lien est en train de naître. »
Qu’écrivent-ils avant d’en arriver à cette conclusion ? Extraits !
« Au tournant des années 1990, la concurrence des autres médias – bouquets de chaîne télé, multiplication des stations de radio, explosion d’Internet – a atteint de plein fouet les titres d’information. Les annonceurs ont changé de supports. Pour les retenir à tout prix, une spirale dangereuse s’est enclenchée. Les impératifs des annonceurs pèsent désormais sur les rédactions. Le pouvoir a été conquis par les financiers pour qui les lecteurs sont des « infomateurs » (comprenez des consommateurs d’info) et les articles « un produit » qui doit répondre aux « attentes ».
Le rapport de force penche désormais ouvertement du côté des annonceurs. Un journal se construit de plus en plus à partir de représentations illusoires : d’une part le lecteur fantasmé (de préférence gros consommateur, cadre et diplômé supérieur) et d’autre part ses attentes supposées (extrapolations de chiffres de ventes, de nombres de clics et d’études diverses). Le journaliste est pris en tenaille entre ces deux constructions imaginaires, qui menacent de remplacer la seule boussole qui vaille : le réel, ce qu’il voit, ce qu’il comprend du monde.
Les rubriques et les dossiers spéciaux conçus pour les annonceurs pullulent. La diffusion est dopée aux scoops de quelques heures, aux « dossiers choc » répétitifs. Les luxueux cadeaux d’abonnement remplacent l’appétence pour le contenu. Une proportion non négligeable des journaux est jetée à la poubelle sans être sortis de leur emballage »
En lisant ces lignes je me remémorais le leitmotiv d’Etienne Mougeote, la nouvelle carpette du Figaro, lors du lancement de la plate-forme Internet « L’avis du Vin » : attirer les annonceurs, les hameçonner et pour ce faire il est vital de séduire les acheteurs de vins dont les QSP, pour une part d’entre eux, se situent à la bonne hauteur. Le flux, le flux, peu importe ce qu’il charrie. Ici, bien sûr, il ne s’agissait que de vin, mais il suffit de feuilleter nos magasines, et je ne parle des spéciaux sur papier glacé qui sont des millefeuilles de publicité pour des produits de luxe, pour comprendre que l’on nous prend pour des mateurs et, en faisant un jeu de mot facile, des cons !