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16 janvier 2013 3 16 /01 /janvier /2013 00:09

Nul ne peut l’ignorer aujourd’hui, j’ai des lettres (sic), je suis un grand faucheur de livres (je les achète bien sûr chez des libraires) et même si j’écris souvent avec mes pieds je m’efforce de conter sans compter. Face à la page blanche, alors que mes confrères font imperturbablement dans les senteurs de petites fleurs blanches, je hume les tendances, cherche, fouine, hante les antres de livres  et les étals des BOF (beurre-œufs-fromage).


Les fortes effluves de nos beaux fromages qui puent m’attirent tels des aimants, m’excitent, m’inspirent. Ronde des sens, papilles et neurones battent la chamade, se mêlent et se lient, me donnent envie. Le vin, lui, se planque dans des flacons, pour le humer il faut le déflorer, l’extraire et lui trouver un verre. Allier ou marier (le mariage à la cote en ce moment) fromage et vin relève du cousu main et non, n’en déplaise aux fabricants d’accords mets-vins, de modèles tout fait à la chaîne.


photoTermignon.JPG

Long, dire bref serait vous offenser, je vais aller droit au but : mon histoire du jour prend sa source dans des propos échangés sur une péniche avec un ex-libraire devenu vigneron, un ami maintenant. Nous papotons et, soudain, comme un scud il me balance le bleu de Termignon. KO debout j’avoue mon ignorance. Mais il ne faut jamais provoquer le Taulier.

Le fournisseur attitré, du fort connu guide du Pous, sur le marché de Chalonnes-sur-Loire c’est Bocahut. Va pour le bleu de Termignon de Bocahut. En attendant la Poste je me renseignai sur ce bleu auprès de la jeune Magalie, grande prêtresse, des grands et gouteux fromages, auprès des belges et des bataves.


En retour, la Perrette, m’écrit « Le bleu de Termignon? Difficile de présenter ce fromage savoyard brièvement. Comme pour toutes les bonnes choses, il faut savoir prendre son temps pour ne pas passer à côté de l'essentiel.


Fromage au lait cru de vache, originaire de la ville éponyme, il est produit en alpage à plus de 2000 mètre d'altitude par l'un des 6 derniers producteurs en activité. Ces bergers sont coupés de la civilisation pendant les mois d'été (de juin à septembre) afin de se consacrer à la garde des troupeaux, aux deux traites quotidiennes et à la production en alpage.


Le bleu de Termignon n'est pas protégé par une AOP, mais par un secret de fabrication jalousement gardé, qui en fait un des rares fromages à pâte persillée naturelle, sans adjonction de penicilium roqueforti. C'est certainement quelque part entre la flore particulière des alpages qui constitue l'alimentation des vaches (tarentaises et abondances) et la méthode de fabrication très traditionnelle par cheddarisation que réside le mystère du bleuissement spontané de ce fromage.


Ce que l'on sait : près de 120 litres de lait sont nécessaires à la production de chaque meule de 10kg.  Traditionnellement le lait étant rare en alpage, le bleu de Termignon est produit par mélange avec les caillés des jours précédents. Le caillé est salé, brassé puis récupéré dans de grandes toiles de lin, moulé dans des moules en pin des alpes et pressé manuellement.


Le fromage passe ensuite 15 jours par une pièce tempérée avant d'être affiné en cave entre 4 et 6 mois. Il peut être piqué par le producteur ou par l'affineur à l'aide d'une aiguille afin d'y faire pénétrer l'air qui favorisera dans la pâte l'apparition des moisissures bleues.


Si vous avez la chance d'en trouver chez votre crémier, ne soyez pas effrayé par son aspect rustique, profitez-en pour faire montre de votre érudition en la matière et goûter cette exception fromagère française.


Le bleu de Termignon? Reflet du terroir par excellence. »


Je suis ravi et j’attends, tel sœur Anne, le colis. Et puis, qu’apprends-je au détour d’une correspondance d’un des plus beau nez du vin de notre vieux pays, que mes larrons se sont au déjeuner pourléchés les babines de bleu de Termignon en descendant avec délectation un vin jaune de Tissot, un 1998 se souviennent-ils. Pure provocation !

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Je rumine ma vengeance. J’attends en tirant de l’oubli Le Petit Bleu de la côte ouest un roman noir de Jean-Patrick Manchette publié en 1976 dans la collection Série noire chez Gallimard. « Georges Gerfaut, cadre commercial, est témoin d’un accident automobile et emmène le conducteur blessé à l’hôpital où il meurt, en fait, d’une blessure par balles. En vacances avec sa famille, deux hommes tentent de le tuer pendant sa baignade. »


Souvenirs, souvenirs, j’ai des nerfs d’acier chers vous deux, bourguignons d’occasion, et je prends mon mal en patience. Et puis enfin un beau matin il est arrivé bien enveloppé mais fort évolué. Le présenter à vos regards tel quel m’exposait au  risque de me faire embastiller par les autorités sanitaires pour incitation au crime contre la pasteurisation. Rassurez-vous ce brave fromage en phase terminale était bien sûr bien  mangeable, bien couillu, costaud, vous laissant une haleine à faire fuir les hygiénistes patentés et toutes les belles filles du quartier.


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Pour la photo je suis allé quérir une part chez Alleosse mais revenons à nos moutons où plus précisément au bleu de Termignon. Toute l’histoire de ce brave bleu de Termignon, qu’a tant voyagé, c’est l’histoire de la vivacité de nos marchés forains. Pour nos beaux fromages bien nés ces marchés sont d’une importance vitale car ils leur permettent de toucher dans nos petites villes et nos campagnes des consommateurs qui autrement en seraient privés. En effet, comme la GD y règne en maître et que les vrais fromages détestent l’atmosphère glaciaire des rayons libre-service, le fromager ou le fromager-affineur ambulant sont le dernier vecteur du bien manger. Et puis, se rendre au marché, c’est retrouver un peu de convivialité, de sens de la communauté. Bref tout ce qu’aime le Secrétaire-Perpétuel de l’A.B.V.


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Reste un truc à préciser aux petites louves et petits loups des villes, c’est que le Bleu de Termignon même lorsqu’il n’a pas subi le traitement du mien n’est guère présentable « car sa pâte est granuleuse à certains endroits, plus grasse à d’autres, conséquence de son caillé émietté à la main. Elle évolue entre les teintes crème et brunâtres. Son bleu n’est ni intense, ni homogène, mais disséminé tantôt sous forme de marbrures, tantôt sous forme de points mouchetés. » Pour vous dire il a un petit côté allure des vins de Guillaume Nicolas-Brion, ceux dont raffole Michel Bettane. Comme disait ma mémé Marie « il ne faut pas être asiré » c’est-à-dire ne pas se laisser influencer par l’aspect si l’on veut trouver le goût des choses.


« C’est au milieu du XVIIIème siècle que la fabrication de fromages persillés commence en Savoie, d’abord en Haute Maurienne, puis s’étendant vers les alpages du Mont-Cenis, de Valloire, et, finalement, de Termignon.


De l’autre côté des Alpes, le fromage acquiert rapidement une grande notoriété. Dans une lettre du 11 septembre 1816, Monsieur le Comte Ferriex, intendant de Maurienne charge Ambroise Daurieux, notaire et châtelain de Lanslebourg, « de lui acheter à Bessans, pour sa majesté la Reine de Sardaigne, 12 fromages bleus, des meilleurs qu’il pourra trouver et de les expédier dans les conditions les plus désirables à Turin, à son Excellence Madame la Marquise de Saint Payre, dame de sa majesté ». A cette époque, le Bleu de Termignon est fabriqué avec un mélange de laits de vache, de chèvre et / ou de brebis, comme d’autres fromages en Savoie d’ailleurs. On le connait alors sous les dénominations morianinghi ou mauriennais, persillé du Mont-Cenis ou bleu de Bessans. »

 

De nos jours le Bleu de Termignon est fabriqué entre juin et septembre, sur les mêmes alpages de Termignon, à 2000m d’altitude mais il ne reste plus que 4 producteurs seulement, qui produisent encore quelques précieuses centaines de pièces. Le troupeau de vaches ne dépasse pas les 60 têtes.


« La technique de production des meules (de 7 à 10kg, 30cm de diamètre, 15/20cm de hauteur) est ancestrale : deux caillés sont mélangés (celui du jour et celui de l’avant-veille). Ce mélange est conservé, soigneusement immergé dans une « seille » de bois. Brassé puis salé, il sera pressé à la main dans des moules en pin garnis d’une toile de lin. Cette toile sera changée chaque jour. Après l’égouttage, les fromages resteront encore 15 jours dans une pièce tempérée dite « la chambre des bleus » avant de passer en cave.


C’est en cave que cette pâte blanche et friable va se nervurer naturellement des moisissures à la couleur bleu sombre. Elles sont spontanées et naturelles, contrairement à d’autres bleus qui sont ensemencés en penicillium. On accélère la prolifération en piquant le fromage. Sous cette croûte brune et ocre à l’aspect et la dureté de la pierre, se développe alors un goût inimitable, unique, naturel et rustique. L’affinage dure alors plusieurs mois durant lesquels les meules sont régulièrement retournées. Ce n’est qu’à la fin de l’été que le Bleu de Termignon sera mis à la vente...


Unique! Chaque pièce est numérotée par le producteur au moment du moulage. Parce que c’est le résultat d’un travail patient, minutieux et accompli avec passion, il est normal qu’il soit traité comme une œuvre d’art, un bijou! »


Le bleu de Termignon de Marcel Blantin : link

 

Que boire avec une telle rareté ?


-        Un vin de SAVOIE : faites votre choix !


-        Pour mes 2 larrons qui se gobergeaient en Basse-Bourgogne : un Vin Jaune de chez Tissot link


-        Pour ma pomme : un Anjou Blanc les Glanées 2006 du domaine Patrick Baudouin link 


bleu de termignon 001bleu-de-termignon-009.JPG

 

Et vous qu’en dites-vous ?


Pour les parisiens ils sont cordialement invités chez le Taulier à déguster une « bechée » de Bleu deTermignon. Il suffit de sonner !

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commentaires

B
je suis parisienne je voudrais acheter du bleu de termignon, j'ai téléphoné dans l'isère a termignon je n'ai pas eu de réponse, serait il possible d'en trouver je regarde toujours sur internet au salon de l'agriculture le mr m'a dit pas possible d'en avoir, il y en aurait que pour le président de la république allez vous pouvoir me donner une adresse j'en serais très reconnaissante merci d'avance cordialement
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J
allez chez Alléosse ou chez Marie Quatrehomme vous en trouverez
O
<br /> Perle linnéenne pourtant pas si éloignée de la perle de Linné<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Odm<br />
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T
<br /> J'aime cette note lactée, presque sucrée et le côté friable. Une première toute récente pour moi, la découverte de ce fromage testé récemment avec des whiskys...<br />
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L
<br /> Et hop, encore une occasion ratée – de ma part – de ne pas être désagréable.<br /> <br /> <br /> Penicillium prend 2 «l » et l’usage veut, quand on cite des bactéries ou des levures/champignons/moisisssures en utilisant leur<br /> nom latin que le premier nom (celui du genre) prenne la majuscule et le deuxième nom (celui de l’espèce) prenne une minuscule. Normalement, le tout est écrit en italique.<br /> <br /> <br /> Donc : Penicillium roqueforti.<br /> <br /> <br /> L’espèce P. notatum fut à la base du développement des antibiotiques de la famille des pénicillines, tandis que les fromagers<br /> font appel à d’autres espèces voisines. Je ne sais pas pourquoi on écrit P. roqueforti,avec un seul i du génitif, alors que P. camembertii en prend deux. Peut-être la racine<br /> latine du village au pied du Combalou se termine-t-elle autrement que celle du hameau de l’Orne mais je ne le pense même pas (Campum Manberti).<br /> <br /> <br /> Un as de la systématique, ou un linguiste compétent peut-il nous éclairer ?<br />
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