Même si certains en doutent, ou font semblant, j’ai pleine conscience de mes limites, de mes failles, de mes insuffisances pour tout ce qui concerne l’art de la dégustation. Certes je ne nie pas que je sois en capacité de reconnaître ce qui est grand, ce qui est beau, ce qui m’enchante, mais il me manque des pans de culture, des références, une histoire commune que partagent les vrais amateurs. Alors, pour ne pas endosser le costume d’un imposteur je n’aurai jamais l’audace de mettre mes mots au service d’une cause où d’autres que moi excellent. J’avoue mieux apprécier, exprimer les qualités des hommes que celles des vins qu’ils font.
Vous ne vous étonnerez donc pas que, suite à une invitation de la maison Hugel&fils de Riquewihr, je ne vous fasse pas le panégyrique complet des merveilles que j’ai dégustées en fort bonne compagnie cette fois-ci ; une jeune apprentie journaliste pertinente, intelligente, courtoise et de surcroît jolie. D’ailleurs ma position d’ignare est parfaitement en phase avec les principes de dégustation tels que définis par Jean Hugel en 1967 « Ces vins, avait-il écrit, doivent être dégustés ainsi : seuls, sans repas, avec des amis connaisseurs, dans une atmosphère de respect, en oubliant le prix des bouteilles. Ainsi rendez-vous hommage à la compétence et à l’honnêteté du vigneron, et aussi à la nature qui nous permet de produire de tels joyaux. » (1). Le même Jean Hugel avait pour devise : « Un vin bien traité est un vin non traité » (1)
© Andy Bullock Jean-Philippe, Marc and Etienne Hugel
Donc, lorsque je poussais la porte du restaurant de la rue de Verneuil, chère à Gainsbarre, le jeudi 21, ma philosophie était bien établie. Accueilli par un Étienne Hugel « dont l’adolescence baba-cool avait inquiété son père » (2) primesautier et avenant je cherchais la place favorite des cancres : bien au chaud près du radiateur. Notre hôte fut disert, très disert, appuyant ses propos sur la saga des Hugel par de magnifiques photos familiales que vous pourrez découvrir sur le site de la maison Hugel&fils www.hugel.fr. « À l’image de leur « Sainte-Catherine » - foudre de 8800 litres affichant 294 millésimes au compteur -, la dynastie Hugel affiche une résistance à toute épreuve. Fondée en 1637 par Hans Ulrich Hugelin, elle a traversé la guerre de Trente ans, survécue aux famines, à la peste, aux épidémies, aux batailles napoléoniennes comme à celle de 1870 et est sortie miraculeusement des guerres de 1914-18 et 1939-45. Tantôt française, tantôt allemande, toujours debout : l’histoire de la famille se confond avec celle de l’Alsace. »(2)
« Plus résistantes que leurs ceps ! » constatent JP de La Rocque et Corine Tissier cette famille Hugel comme celles regroupées dans l’association Primum Familae Vini : les Drouhin, Antinori, Torrès, Rothschild, Perrin... qui comme l’observe Étienne Hugel partagent « les mêmes valeurs » qui font face « aux mêmes problématiques » et entre lesquelles se sont « tissés des liens de confiance et d’amitié » Chez les Hugel, dans cette Alsace « tantôt allemande, tantôt française » cet enracinement, ce lien indéfectible avec la France et des français, pas toujours bienveillants avec eux, symbolisé par Georges Hugel, tout juste démobilisé par les allemands, en septembre 1944, qui s’engage dans la 1ière Armée française alors que Jeanny se trouvait encore sous l’uniforme allemand.
Ce dernier mena le combat visant à encadrer la production des vins alsaciens dits de « Vendanges Tardives » ou de « Sélection de Grains Nobles ». En effet, certaines années, les raisins vendangés ne possédaient pas le taux de sucre naturel pour atteindre le degré alcoolique permettant de faire des SGN. Alors les vignerons chaptalisaient mettant ainsi sur le marché des quantités de vins indignes, médiocres. Ce combat il le mena avec quelques-uns de ses collègues vignerons dans l’hostilité du plus grand nombre. C’était dans les années 80, et dans le rush final j’étais au première loge puisqu'étant Conseiller Technique chargé de la Viticulture au cabinet de Michel Rocard Ministre de l’Agriculture. Dans ce même cabinet, un alsacien fort ambitieux menait un travail de sape pernicieux, mais la pugnacité de Jeanny Hugel triompha puisque le 1ier mars 1984 le Décret relatif aux appellations d'origine contrôlées « Alsace » et « Alsace grand cru » fut publié au Journal Officiel de la République. Je ne résiste pas au plaisir de vous le proposer car, dans le circuit des signatures, le projet est passé entre mes mains avant de remonter chez le Ministre.
Avant cette lecture encore une particularité de la Maison Hugel&fils « Jeanny Hugel estimait également que le combat pour la qualité devait aussi être étendu aux premiers crus d’Alsace. Près de 60% des vignes détenues par les Hugel sont situées en grands crus. Pourtant, les bouteilles Hugel ne mentionnent jamais cette donnée, a priori, synonyme de qualité. « À partir du moment où les gens peuvent chaptaliser et faire presque n’importe quoi ce n’est pas une garantie de qualité, tranchait Jeanny » (2)
(1) extraits de La guerre et le vin Don et Petie Kladstrup chez Perrin
(2) extraits de Guerre&Paix dans le vignoble les secrets de douze grandes dynasties du vin Jean-Pierre de La Rocque et Corinne Tissier chez Solar
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'économie, des finances et du budget et du ministre de l'agriculture,
Vu la loi du 1er août 1905, modifiée par la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 et la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983, sur les fraudes et falsifications en matière de produits ou de services, et notamment son article 11 ;
Vu la loi du 6 mai 1919 modifiée sur la protection des appellations d'origine ;
Vu les articles 20 et suivants du décret du 30 juillet 1935 relatif au marché du vin et au régime économique de l'alcool ;
Vu la loi du 13 janvier 1938 complétant les dispositions du décret du 30 juillet 1935 sur les appellations contrôlées, modifiée par la loi du 3 avril 1942 ;
Vu le décret du 3 avril 1942 portant application de la loi du 3 avril 1942 sur les appellations contrôlées, complété par le décret du 21 avril 1948 sur les appellations d'origine contrôlées ;
Vu l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 définissant l'appellation d'origine contrôlée " Alsace " ;
Vu le décret du 20 novembre 1975 modifié définissant l'appellation d'origine contrôlée " Alsace grand cru " ;
Vu les délibérations du comité national de l'institut national des appellations d'origine des vins et Eaux-de-vie en date des 2 juin et 15 septembre 1983.
Article 1 Modifié par Décret n°2007-1763 du 14 décembre 2007 - art. 1
Les vins à appellations d'origine contrôlées "Alsace" et "Alsace grand cru" peuvent être déclarés et présentés avec l'une des mentions particulières "vendanges tardives" ou "sélection de grains nobles" s'ils correspondent aux conditions respectives ci-dessous précisées :
a) Etre issus de raisins récoltés manuellement ;
b) Etre issus d'un cépage unique et être déclarés et vendus avec mention du nom de ce cépage ; Toutefois, les vins à appellation d'origine contrôlées " Alsace " et " Alsace grand cru " issus de vendanges récoltées dans l'aire de production du lieu-dit Kaefferkopf et provenant du cépage Pinot gris G ne peuvent pas être déclarés et présentés avec l'une des mentions particulières " vendanges tardives " ou " sélection de grains nobles ".
c) Etre issus de vendanges de l'un des cépages ci-dessous présentant les richesses naturelles minimales respectives spécifiques suivantes en sucre par litre de moût :
Désignation :
Gewurztraminer,
- Mention vendanges tardives : 243 g/l.
- Mention Sélection de grains nobles : 279 g/l.
Pinot gris,
- Mention vendanges tardives : 243 g/l.
- Mention Sélection de grains nobles : 279 g/l.
Riesling,
- Mention vendanges tardives : 220 g/l.
- Mention Sélection de grains nobles : 256 g/l.
Muscat,
- Mention vendanges tardives : 220 g/l
- Mention Sélection de grains nobles : 256 g/l.
d) N'avoir fait l'objet d'aucun enrichissement, cette condition impliquant la constatation systématique de la richesse en sucre prévue au c ci-dessus de la matière première par l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
e) Présenter le titre alcoométrique volumique total correspondant à la richesse en sucre ci-dessus précisée ;
f) Avoir fait l'objet d'une déclaration préalable lors de la vendange auprès des services locaux de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;
g) Etre présentés, dégustés et agréés à l'examen analytique et organoleptique sous leur mention particulière, l'agrément ne pouvant intervenir avant un délai minimal de dix-huit mois à compter de la date de la récolte. Les vins ne peuvent être agréés sans l'obtention préalable d'un certificat d'aptitude délivré dans les conditions précisées par le règlement intérieur prévu à l'article 1er de l'arrêté du 7 décembre 2001 modifié relatif aux examens analytique et organoleptique pour les vins à appellation d'origine contrôlée à l'exception des vins mousseux et pétillants ;
h) Etre présentés obligatoirement avec l'indication du millésime.
Article 2
Le ministre de l'économie, des finances et du budget, le ministre de l'agriculture et le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé de la consommation, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Par le Premier ministre :
PIERRE MAUROY.
Le ministre de l'économie, des finances et du budget,
JACQUES DELORS.
Le ministre de l'agriculture,
MICHEL ROCARD.
Le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé de la consommation,
CATHERINE LALUMIERE.
Vins dégustés le 21 octobre
GGentil "HUGEL" 2009
Riesling "HUGEL" 2009
Gewurztraminer "HUGEL" 2009
PiPinot Gris "HUGEL" 2007
Tradition
Riesling "HUGEL" 2005
Jubilee
Pinot Gris "HUGEL" 2005
Jubilee
Gewurztraminer "HUGEL" 2007
Jubilee
Gewurztraminer "HUGEL" 2005
Vendange Tardive
GGewurztraminer "HUGEL" 2007 "S"
SSélection de Grains Nobles