Dans ma jeunesse, oui je sais vous bassine avec mes souvenirs, lorsque ma mère voulait faire plaisir à mon père elle lui cuisinait de la loubine. C’était son poisson roi, alors que maman était très sole. Dans son livre D’Yeu que c’est bon ! Bruno Verjus, qui n’aime rien tant que les îles et tout particulièrement l’insula Oia son anti-ville, jamais vile, de cœur et de pied à terre, parle de la Loubine du plateau de Rochebonne. Celui-ci « se situe à plus de trois heures de mer* des côtes d’Yeu. Vaste comme deux fois la surface de l’île, il offre un site rocheux unique pour la pêche au homard, langouste, thon germon et loubine.
En juillet, la loubine (bar) se pêche à la canne avec des lançons. En août elle musarde et modifie son régime alimentaire. Elle ne résiste pas aux ballardes, lignes de fond garnies de chancres-ballants, petits crabes blancs. »
* faudra acheter un petit moteur Denis
Un pêcheur à pied note lui aussi :
« Il m'est arrivé, sur des fonds connus de m'avancer en péchant jusqu'au moment du retournement du jusant : presqu'immédiatement les touches reprennent et dans les petits fonds on aperçoit les hordes de loubines comme chevauchant la vague en direction du rivage... Tout juste si elles ne cognent pas mes bottes ... »
La loubine est donc un bar commun est surnommé « loup » ou « perche de mer », dans la région méditerranéenne. Cependant, les termes de bar et de loup ne sont pas pour autant complètement synonymes puisque les poissons du genre Anarhichas, sont eux uniquement appelés loups. Le mot « bar » a pour origine le mot néerlandais borstel qui comme le mot allemand bürste signifie brosse (l’équivalent chez nous des brosses de chiendent dont se servaient les lavandières) en référence aux dangereuses épines dorsales de ce poisson.
Maman la préparait au four, le four de la cuisinière à bois, celle où l’on enfournait par le haut, en ôtant les rondelles selon le volume des morceaux, le bois fendu. Elle déposait les loubines vidées dans un plat émaillé rectangulaire avec des poignées aux deux bouts, sans aucun condiment, afin que la belle chair blanche et ferme de la loubine exprime seule sa saveur. Juste un tout petit d’eau au fond du plat pour que le poisson ne prenne pas au fond. Tout le contraire de ce qu’elle faisait avec la daurade couchée sur ses rondelles de carotte et recouverte de thym, feuilles de laurier et de persil. Papa était un adepte de la sardine crue, alors sa loubine se devait d’être al dente, pas mollassonne. Je suis sûr qu’il eut aimé la cuisson à l’unilatéral car comme le note Bruno Verjus lorsqu’on cuit le « bar sur sa peau, la chair va prendre et blanchir un peu. Lorsque le dessus de la chair est translucide, couper le feu. »
Donc va pour la loubine à la Berthe Berthomeau pour son Arsène plus facile à préparer dans un four moderne que dans l’antique four de la cuisinière du Bourg-Pailler, un tour de moulin à sel puis un autre de moulin à poivre et c’est tout. Minimaliste certes mais préservant le goût de la chair de la loubine, cette reine vorace (voir la découverte de Bruno Verjus dans le ventre de l’une d’elle : link ) Reste pour arroser cette fille : et oui chez nous nous aimons les filles du bord de mer, à ouvrir une belle bouteille de la toute nouvelle communale du Muscadet : Le Pallet. Osez Jubilation mes amis pour fêter la naissance du petit dernier link J’ai reçu le faire-part d’Inter-Loire annonçant trois naissances d’un coup : Clisson, Gorges et Le Pallet. Vous allez me trouver mauvaise langue mais deux pages pour un faire-part c’est du lourd, du besogneux, du trop de tout : mot du Président de l’appellation sous le titre : confirmation d’une légitimité, puis un gloubiboulga pour journaliste ignare en mal de copié-collé, avec pour me mettre de bonne humeur la phrase de communiquant-type : « Bref : les nouveaux venus dans la famille du Muscadet poussent l’excellence à son paroxysme. Ils commencent modestement : à peine une centaine d’hectares, sur les 10 000 que compte l’appellation, et environ 65 producteurs sur 650. Mais ce sont des précurseurs : ces trois crus pourraient être rapidement suivis par Mouzillon- Tillières, Château Thébaud, Monnières Saint-Fiacre, Goulaine... entre autres. »
Faites-nous rêver, bordel ! Donnez la parole aux vignerons qui ont accouché ces nouveaux enfants. Ne pensez-pas à notre place. Cessez de tout noyer dans du verbiage. Travaillez essentiellement à l’extension de la notoriété de ces précurseurs qui ne font que retrouver le vrai chemin de nos AOC, l’excellence, que beaucoup ont oubliée. Mettez-les en avant que diable : dans les Côtes-du-rhône on dit d’abord Cairanne, Sablet, Chusclan...Ne leur chaussez pas vos semelles de plomb. Y’a du travail à faire, lorsque je suis allé sur Google et que j’ai renseigné « Le Pallet AOC » j’ai eu droit au Wikipédia Palette. Alors plutôt que des communiqués ronflants qui tombent dans des boîtes aux lettres électroniques surchargées faut d’abord s’occuper de toucher au plus vite les consommateurs. Bon courage aux gars et aux filles du Pallet, de Gorges et de Clisson, c’est vous qui êtes dans le vrai mais pour autant il faudrait tout de même que dans cette appellation, chère à mon cœur, en état de sinistre, des choix clairs soient vraiment faits et que les actes suivent. Même si la réalité déplaît rien ne sert de l’esquiver.