Même si Houellebecq est un peu passé de mode, je trouve qu’appliquer le titre d’un de ses premiers romans, ou du moins son entame, va bien au corner parisien de Corinne Richard-Saier : L’ANNEXE 15, Rue Chevert dans le 7ième arrondissement de Paris. Ce lieu se situe dans une rue dont j’ignorais l’existence moi qui m’estime être parisien jusqu’au bout des pédales de mon vélo. C’est donc GPS en bandoulière qu’un beau matin, rendez-vous pris avec Corinne Richard-Saier, j’ai pris le chemin de cet espace de vente, proche des Invalides, dédié aux professionnels et aux particuliers et niché dans une de ces rues strictement résidentielles d’un des beaux arrondissements de Paris.
Corinne Richard-Saier c’est Robert Skalli qui me l’a présentée dans le cadre de notre réflexion stratégique qui a débouché sur la note « Cap 2010 les défis du Vin Français ». Notre volonté de sortir le vin français de son unique tropisme gigot du dimanche et présence à la table du quotidien pour explorer à la fois les nouveaux lieux de consommation, les modes émergents de consommation et les néo-consommateurs : les femmes plus particulièrement, passait par une analyse des modes de distribution du vin en CHR. Sans en avoir pleinement conscience nous subissions bien plus que nous le contrôlions le basculement du vin de tous les jours vers le vin festif. Une forme de résignation, confortée avec gourmandise par les hygiénistes, nous faisait accepter le retrait de la part du vin. Les chiffres moyens de consommation en litres/français masquaient une réalité très contrastée entre le déclin des consommateurs réguliers et le nouveau poids des occasionnels. L’extension du domaine du vin n’est en rien incompatible avec la santé publique, bien au contraire, et c’est sur cette vision débarrassée des derniers stigmates du vin à la Zola que les gens du vin doivent conjuguer leurs efforts.
Alors, lorsqu’on pense CHR, il va de soit de s’intéresser à la Maison Richard qui est l’une des maisons historiques (1892) de la distribution du vin aux bistrotiers parisiens. Elle a aussi accompagné à partir de 1955 les débuts de l’expresso en créant les cafés Richard. Pour plus de détails aller sur www.richard.fr. Pour l’heure je me concentre sur l’Annexe que me fait découvrir Corinne Richard-Saier. Bel espace, joliment conçu, contemporain, qui donne envie, qui scénarise le vin dans un environnement où se mêle le fonctionnel et une forme d’intimité bien traduite par une luminosité soft. Mais alors pourquoi ce retrait loin de la chalandise des passants ? La volonté de se faire connaître, loin des purs badauds, par le moyen le plus fidélisant « le bouche à oreille du vin ». Aujourd’hui j’y participe avec, toujours chevillé au cœur, mon souhait de participer à l’extension du domaine du vin. Distribuer du vin, avec cet objectif, c’est bien plus que vendre du vin c’est aussi l’entourer de services pour qu’il arrive, surtout dans les cafés, où il quitte de plus en plus le zinc pour migrer sur les tables des terrasses, dans les meilleures conditions au consommateur.
Corinne Richard-Saier sait, mieux que quiconque, sentir, analyser et traduire les tendances de la consommation tant dans les cafés que dans les formes nouvelles de restauration. Le vin doit y être accessible, par son prix, son identification, désacralisé, mis en scène dans une verrerie attrayante, adoptant de nouveaux codes. C’est en cela que l’opération « Le petit verre divin » m’apparaît emblématique de cette volonté de développer les ventes de vin au verre en dehors des repas auprès de nouveaux consommateurs, plus particulièrement les jeunes et les femmes. Recruter de nouveaux consommateurs, n’en déplaise aux hygiénistes, est un objectif compatible avec leur souhait de préserver la santé publique. Les terrasses de nos cafés sont des lieux de convivialité et de renforcement des liens sociaux meilleurs antidotes au stress et à la solitude. Ça se décline par un verre atelier sans pied, un sous-verre valorisant le service au verre, une ardoise d’annonce et aussi un verre expert pour les « longs nez et les becs fins ». Pour le conseil aux cafetiers « sélectionner 4 à 6 vins frais et gourmands, panachés rouge, blanc, rosé, bulles, servis entre 12cl, 15cl et 18cl. Afficher un prix raisonnable 3 et 5€ le verre... »
Autre point de grande importance pour l’extension du domaine du vin : la formation des professionnels du CHR pour mieux conseiller et vendre du vin en restauration, au café. C’est une formation agréée qui s’adresse aux responsables de restaurants, chef de rang, maîtres d’hôtels, chefs cuisinier ou encore aux serveurs. Enfin, une initiative de Corinne Richard-Saier qui correspond bien à l’air du temps, au goût pour les bulles, les petits degrés, pour les douceurs, pour les mélanges : Bullsss de Corcelles un pétillant de Gamay fines bulles, frétillant et gourmand, léger en alcool 7,5° (présent à Autrement Vin), Contre Toute Attente Vin de France rosé perlant, un vin de piscine à 8,5°, et pour changer de l’éternel Kir des cocktails à base de Vin et Sirops Monin : Folie Fruit (Pêche blanche et Chardonnay du Pays d’Oc) ou Le Temps des Cerises (Cerise Griotte et Coteaux du Lyonnais) et des blancs tendances comme le Sauvignon Attitude 2009 de Pascal Jolivet ou l’Elixir du Domaine de Jöy un gros Manseng 2009 moelleux. Le tout est possible est à l’ordre du jour et que ceux qui hurlent contre les glaçons dans un petit rosé de St Tropez ou de la limonade dans un petit blanc de soif lèvent le doigt !
Pour en revenir à l’Annexe c’est plus de 200 références vins de toutes les régions de France, des vins du Monde, tout conditionnement, AB, avec bien sûr les vins des Domaines Richard : Château La Nerthe à Châteauneuf-du-Pape, Château de Corcelles en Brouilly, Château Gantonet à Bordeaux entre autres, et une sélection de vins comme on dit de propriétés ou de vignerons. Si vous souhaitez vous rendre compte par vous-même il ne vous reste plus qu’à faire un petit détour via le métro Latour-Maubourg et aller traîner vos guêtres à l’ANNEXE 15, Rue Chevert, une belle surprise vous attendra si vous souhaitez faire des emplettes : Corinne Richard-Saier vous accordera en tant que « lecteur du blog Berthomeau» une remise de 10% dès les 3 premières bouteilles achetées (au lieu de 36blles). Entre bons vivants les bonnes manières sont de mise.
L’extension du domaine du Vin mon credo, en notre beau pays et tout particulièrement sur les terrasses de ses cafés qui séduisent tant nos visiteurs venus du vaste monde, qu’elles soient parisiennes, toulousaines ou sous les charmilles d’un petit village ou d’une sous-préfecture, passe par une approche très professionnelle du service d’un vin correspondant à l’esprit du lieu. Faire sortir le vin des lieux strictement dédiés à son achat, le proposer dépouillé du cérémonial que prisent tant les spécialistes, lui redonner une réelle image de convivialité, c’est à la fois répondre et susciter la demande. Si nous voulons redonner de l’élan à la consommation, en prenant en compte toutes les contraintes du marché, y compris les sanitaires, au lieu de nous lamenter, de trouver des nièmes boucs émissaires, une approche décomplexée, simple, jouant de toutes les complémentarités de nos vins, du potentiel de nos vignerons, de notre capacité à faire comprendre nos beaux discours sur le terroir à nos concitoyens, à nos amis étrangers. En ces temps difficiles pour beaucoup de vignerons, la voie la plus prometteuse pour sortir du marasme est de conjuguer nos efforts sur la distribution du vin quelle qu’en soit ses formes.
Ce combat n’est pas nouveau pour moi, pour preuve ce que nous écrivions dans Cap 2010, ici, sur cet Espace de Liberté, je ne roule pour personne, je roule pour tous. Aux intéressés de bien vouloir mettre le nez à la fenêtre au lieu de se contenter de se congratuler en cercles fermés...
« Nous voulons tirer le meilleur parti de notre antériorité, de notre tradition, tout en innovant sur les segments les plus porteurs ; nous voulons être créateurs de vins à vivre pour nos clients présents, de vins bien dans leurs baskets pour les nouvelles générations ; nous voulons une fois pour toute dire à ceux qui sont en charge de la chose publique que le vin, que nos vins, sont des produits de civilité, de convivialité, de bien vivre ensemble et que nous sommes tout autant qu’eux soucieux de la santé publique, de la sécurité de nos concitoyens
Nous voulons aussi dire à l’ensemble des viticulteurs de France que l’expansion et le développement de nos vignobles passe par l’absolue nécessité d’être à l’écoute des attentes de nos consommateurs qu’ils soient chez eux, en famille, entre amis, à la terrasse d’un café, à déjeuner au restaurant, le soir à l’heure de l’apéritif, les jours de fête ; qu’ils soient en train de pousser leur caddie dans une grande surface, chez un caviste, dans la cave d’un producteur, dans le caveau d’une cave coopérative, sous les voûtes prestigieuses d’un château ou les poutres d’un domaine de renom ; qu’ils soient à Lille, à Marseille, à Brest, à Londres, Tokyo, New York ; qu’ils soient dans un avion, en TGV, sur un ferry, un paquebot de croisière ou dans un village de vacances. »